Game of Thrones
8.2
Game of Thrones

Série HBO (2011)

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Encore une histoire qui se termine mal...

Je me suis retenu de faire cette critique pendant très longtemps, d'abord parce cela n'a pas beaucoup de sens de faire une critique sur une série sans connaître sa fin, mais aussi parce que les avis sur cette série ne manquent pas sur Senscritique (793 à ce jour) et qu'on peut en trouver pour tous les goûts. En définitive, je suis monté au créneau par pure indignation devant les sentiments d'amère trahison et de déception abyssale que j'ai ressenti en regardant la série.


Avant de poursuivre, je tiens à vous prévenir : j'ai lu les livres et je suis ce qu'on appelle péjorativement un "puriste". En outre, loin de me contenter de ce vice affreux, j'ai le mauvais goût d'en être fier. C'est bon, vous avez disliké ? Très bien, continuons.


D'abord, les platitudes : Game of Thrones, c'est la série la plus ambitieuse de l'histoire de la télévision, l'adaptation des presque 5000 pages (à ce jour) de roman de l'auteur George R. R. Martin (vous savez, le genre de père noël version nerd, qui n'offre des cadeaux que tous les 5 ans). Game of Thrones, c'est 6 millions de téléspectateurs, 8 millions de téléchargements, la plupart illégaux, un budget de 60 millions de dollars en moyenne par saison, plus de 140 nominations... Les personnages (nommés) se comptent par centaines, et les figurants par milliers. Les décors sont filmés au Maroc, en Irlande du Nord, en Croatie ou encore en Islande.
Game of Thrones, c'est aussi le plus gros succès de la chaîne de télévision payante HBO, qui en a pourtant vu d'autres (The WIre, les Sopranos, ou encore le plus récent True Detective). En somme, une véritable révolution pour le média télévisuel dans son ensemble, qui se rapproche de plus en plus du cinéma par l'ampleur de ses productions culturelles.


Du coup, on peut appliquer les mêmes règles de prudence à cette série qu'aux productions à très haut budget américaines, qui finissent souvent par nous livrer de (très) mauvais films (je ne me suis pas encore remis de la bataille des 5 armées).
Il convient donc de regarder quelles sont les personnes aux commandes de cette adaptation périlleuse.
Les créateurs de la série sont David Benioff et Daniel Weiss (communément désignés par l'abréviation D&D). Le premier est un scénariste américain de 45 ans qui avait déjà fait preuve de tout son talent en participant à l'écriture de X-Men Origins - Wolverine ou encore le Troie de Wolfgang Petersen, deux merveilles du septième art unanimement reconnues pour leur fidélité envers les oeuvres qu'elles adaptent.
Daniel Weiss, quant à lui, ne peut pas se revendiquer d'un si brillant palmarès mais après tout, Peter Jackson était aussi un réalisateur obscur avant le seigneur des anneaux (et lui aussi a sacrifié son talent sur l'autel du fric, mais n'anticipons pas).
Aux côtés de D&D, on retrouve des scénaristes de moindre importance, comme Alex Graves (6 épisodes), dont je reparlerai, Bryan Cogman (7 épisodes) et GRRM lui-même qui a rédigé 4 épisodes (S01E8, S02E09, S03E8 et S04E2).


Maintenant que les présentations sont faites, je vais parler des points positifs de cette série, car celle-ci a d'indéniables atouts à faire valoir. Game of Thrones fait plaisir à l’œil : les décors filmés en pleine nature ou bien fabriqués avec une impressionnante méticulosité, sont toujours splendides. Les costumes ne sont pas en reste, toujours très travaillés. On sent que le budget a bien été mis à profit.


Le casting est vraiment très bon : Peter Dinklage, Sean Bean, Charles Dance, Jack Gleeson, Nicolaj Coster-Waldau, Lena Headey ou encore Michelle Fairley sont autant d'acteurs qui m'ont impressionné dans la justesse de leurs jeux respectifs. J'ai eu beaucoup plus de difficultés avec Kit Harrington et Emilia Clarke, ce qui est bien dommage quand on voit l'importance de leurs rôles. Le premier incarne un Jon Snow consternant de fadeur, là où l'on devrait voir un personnage un minimum charismatique. Emilia Clarke tombe dans l'excès inverse, avec des coups de gueule en définitive bien peu impressionnants, voire irritants ("Where are my dragons !!!?"). Je pense que mon malaise est bien plus lié à la mauvaise direction de ces acteurs qu'à leurs capacités théâtrales.


J'en viens au fondement même de mon dégoût croissant pour cette série : A Song of Ice and Fire est une saga littéraire complexe de par son intrigue mais aussi du fait de la profondeur de ses personnages et des thèmes qu'elle aborde (pouvoir, famille, honneur, guerre,..etc). La première saison avait fait l'objet d'un effort remarquable pour retranscrire cette subtilité, en conservant l'intrigue du livre tout en inventant des développements audacieux avec les personnages. Je fais référence ici par exemple aux dialogues entre Robert et Cersei, à la scène d'introduction de Tywin Lannister, où on le voit éviscérer un cerf, ou encore à ce dialogue entre Ned Stark et Jaime Lannister dans la salle du trône, qui prendra un sens très différent lorsque le personnage sera développé deux saisons plus tard.
La série est d'emblée moins ambitieuse que les livres et n'essaye pas de creuser dans l'histoire de Westeros (pas de chapitre de "Tour de la Joie"), mais j'ai tout de même pris beaucoup de plaisir à regarder cette première saison, qui prouve que le pari était réalisable.


Ensuite, tout est allé de mal en pis, car les scénaristes, qui ont probablement pris excessivement confiance en eux du fait de leur succès, ont décidé de changer complètement les arcs narratifs de certains personnages. La première victime sera Daenerys et son périple à Qarth. Ces choix se payent assez rapidement par des incohérences en cascade. Je crois par exemple me rappeler d'une scène sans queue ni tête dans laquelle Jaime, emprisonné, explose la tronche d'un cousin pour faire diversion et s'évader, ce qui est complètement stupide (pourquoi ne pas faire semblant ?).
A partir de cette saison, l'écriture du script devient, au mieux, erratique, au pire, complètement bâclée. Les personnages se téléportent dans des endroits où ils ne devraient pas être (mention spéciale à Brienne de Tarth et Podrick Payne, qui rattrapent en deux épisodes la distance parcourue par Sandor Clegane et Arya Stark en deux saisons).


Les éléments destinés à apporter de la profondeur et de l'ambiance ont été remplacés progressivement par des scènes destinées à créer du sensationnel, et parfois complètement gratuites. La femme de Robb Stark est tuée sans autre raison que de choquer le spectateur, de même que Pyp et Grenn, les amis de Jon Snow. Si encore c'était bien fait ! Mais certains passages font vraiment cheap : les morts qui s'enchaînent finissent par laisser indifférent, et les effets spéciaux employés dans les combats sont parfois risibles (S04E10, je pense à toi très fort).


La force des écrits de GRRM est que rien n'arrive au hasard : les personnages vivent et meurent pour faire avancer l'intrigue. La même chose est vraie pour les passages érotiques (finalement assez peu nombreux) qu'il dissémine dans ses ouvrages. A l'inverse, Game of Thrones nous propose une accumulation de sexe et de violence franchement malsaine par moments. Un très bon exemple est la scène controversée dans laquelle Jaime viole Cersei dans la saison 4, ce qui n'arrive pas dans les livres et qui ne sert absolument aucun objectif dans la série, à part créer un choc chez le spectateur. Le réalisateur de cet épisode, Alex Graves, est quand même allé jusqu'à dire que le sexe "devient consensuel à la fin" ce qui est à la fois complètement idiot et complètement faux (je ne vais pas laisser de lien vers cette scène, désolé). Donc, l'un des réalisateurs de la série la plus diffusée de tous les temps ne sait pas reconnaître un viol qu'il a filmé. Comment en est-on arrivé là ?


Les scénaristes réitèrent la même horreur dans l'épisode suivant, où l'on voit des femmes se faire violer en arrière-plan pendant que des personnages (inventés par D&D, évidemment) racontent des choses sans intérêt. Les tortures subies par Theon Greyjoy sont également une bonne illustration : elles sont suggérées dans le livre, et leurs conséquences physiques et mentales sur Theon nous sont dévoilées progressivement de manière infiniment plus subtile. Mettons nous bien d'accord : je suis entièrement pour montrer de la violence à l'écran, si cela apporte quelque chose à l'histoire. Mais si je veux juste voir de la baston et du porno, je n'irais pas voir l'adaptation de A Song of Ice And Fire.


J'en profite pour faire remarquer que cette série donne une mauvaise image de son auteur, qui fait des efforts d'écriture considérables pour entretenir un aspect poétique dans son univers : les romans sont très bien écrits, et cela ne se sent pas dans leur adaptation. GRRM semble toutefois parvenir à prendre de la distance et se contente de répéter en boucle que GoT et Asoiaf sont deux œuvres différentes. Après tout, c'est lui qui a pris la très mauvaise décision de vendre les droits de sa saga avant de l'avoir achevée, je ne vais donc pas le plaindre.


Mon interprétation est que la bande d'incompétents aux commandes se contente d'exploiter le filon incroyable que représentent l'univers, l'intrigue et les personnages de A Song of Ice And Fire en bâclant le boulot. De fait la plupart des personnages sont simplifiés à outrance. Tyrion et Daenerys sont beaucoup trop sympathiques (surtout Daenerys), Littlefinger est un méchant Dysney qui frise sa moustache en chuchotant des allusions débiles à ses magouilles, et il n'y a pas de mots pour décrire le massacre subi par le personnage de Stannis Baratheon, qui devient un genre de fanatique ambitieux complètement antipathique. De plus, les réalisateurs favorisent certains arcs narratifs aux dépens d'autres. Dans la saison 3, Catelyn Stark a moins de répliques que Shae ! Je suis également très mal à l'aise devant le traitement des personnages de Renly Baratheon et Loras Tyrell, dont le développement dans la série se limite à leur homosexualité (avec une lourde insistance, en plus). Je ne parlerai même pas des suppressions de personnages importants comme Coldhands ou Lady Stoneheart.


Le coup de grâce qui m'a définitivement dégoûté de la série a pour moi été l'annonce de la poursuite de la série alors même que les livres n'ont pas encore été achevés. Il est hors de question que je me fasse spoiler par ma télévision,en regardant une série de si piètre qualité de surcroît et c'est pourquoi je n'ai pas regardé la saison 5. Hélas, dans nos sociétés informatisées, il est bien difficile d'échapper aux spoilers, et j'ai reçu des échos des derniers épisodes. Comme on pouvait s'y attendre, les réalisateurs sont en train de se vautrer, et je pense que ceux qui s'attendent à une fin en apothéose pour la série vont se réveiller avec une sale gueule de bois.


Sur ce, je vous laisse, j'ai envie de relire les livres, et l'hiver vient.

Herumor
3
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le 8 juin 2015

Critique lue 925 fois

9 j'aime

Herumor

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