Si je devais faire une liste des œuvres à regarder au moins une fois dans sa vie, Gargoyles serait certainement dans le top 5.
Pourtant, de prime abord, cette série ne semble pas particulièrement différente de ses contemporaines. En effet, comme beaucoup d'autres séries des années 90, on sent qu'elle s'adresse à un public très ciblé avec, notamment, l'intention de lui vendre des produits dérivés. De plus, à l'instar des autres productions Disney, elle véhicule un message plutôt moralisateur. Malgré tout, ses qualités intrinsèques sont telles que ce genre de constat finit par être relégué au rang de détail.
Le premier point fort de Gargoyles reste son univers. Si vous pensez que la série se résume à voir des créatures de pierre qui prennent vie la nuit pour jouer au justicier, dites vous que ce n'est là que la partie immergée de l'iceberg. Greg Weisman (l'un des co-créateurs) a progressivement mis en place un univers fantastique d'une richesse inouïe. Mythes arthuriens, folklores du monde, personnages historiques et créations originales cohabitent avec autant d'élégance que de vraisemblance. Par rapport à d'autres séries qui se construisent au fil des épisodes on sent que, très tôt, les auteurs ont eu une vision globale de ce qu'ils voulaient faire avec cette série. Cela offre une grande diversité de contextes sans que les transitions ne paraissent trop forcées.
L'autre atout de Gargoyles réside dans ses personnages. Car si les gentils sont classiques, les "méchants" sont véritablement exceptionnels.
Côté héros, pas de grandes surprises donc. Les gargouilles principales sont toutes plus ou moins calibrées sur des archétypes masculins des années 90. Il y a le vieux sage, le petit doué dans les nouvelles technologies, le rebelle. Seul Goliath (le personnage principal) casse un peu ce schéma car il combine à la fois une dimension "force brute" avec une certaine forme de sagesse et de retenue. Enfin, si les personnages féminins ne sont pas extrêmement nombreux, ils restent néanmoins d'une très grande qualité. A l'heure où l'on parle beaucoup de diversité ethnique et de la place de la femme dans les fictions, le personnage d'Elisa apparait comme véritablement avant-gardiste.
Côté méchant en revanche, les bonnes surprises sont de tailles. Notamment avec les 3 antagonistes principaux que sont Xanatos, Demona et Macbeth. Si les deux derniers entrainent la sympathie du spectateur grâce à leur destin tragique, le premier est quant à lui un véritable maitre planificateur (au point qu'une technique porte aujourd'hui son nom). De nos jours, il est communément admis que, dans une histoire, un bon méchant est presque plus important qu'un bon héro. Gargoyles illustre très bien ce propos. Ainsi la série met en avant des affrontements véritablement intéressants car le spectateur peut tout à fait s'identifier aux deux camps opposés. En outre, le succès n'est pas uniquement déterminé par la victoire immédiate.
Maintenant, ne nous voilons pas la face ; tous les méchants ne sont pas de cet acabit. Mais si la série a son lot de vilains "basiques", elle reste globalement éloignée des considérations manichéennes habituelles du genre.
Concernant la série en elle-même, sachez qu'officiellement, seule les deux premières saisons ont été retenues. Ce sont d'ailleurs les seules à avoir eu droit à une sortie en DVD (malheureusement exclusifs à la zone 1).
La première saison est très classique. Comptant uniquement 13 épisodes, elle sert essentiellement d'introduction. Les 5 premiers épisodes formant un ensemble (plus tard adapté en BD) destiné à présenter l'univers de la saga. Après quoi les épisodes restant veillent à approfondir successivement chaque personnage majeur. Si l'ensemble reste de qualité, ce n'est toutefois pas là que vous aurez vraiment l'occasion d'apprécier tout le génie de cette œuvre. Mais comme tous les éléments fondateurs, ils s'apprécient d'autant mieux de façon rétrospective, une fois que l'on a goûté à ce qui vient ensuite.
Avec 52 épisodes, la saison 2 offre un plat de résistance de premier ordre. Plusieurs doubles, triples, voire quadruples épisodes. Beaucoup de diversité dans les situations rencontrées. Un statu-quo qui évolue dans un univers qui s'enrichit. Autant dire que les éloges ne manquent pas quant à cette période. A mon sens il est impossible de ne pas être captivé par ce qui se met progressivement en place. D'autant que le rythme est très bien dosé entre évènements d'envergures et intrigues plus intimistes.
Lorsque le final intervient c'est, pour le spectateur, à la fois une célébration de ce qui s'est déroulé mais également une promesse de continuité qui s'annonce pleine de surprises et d'innovations.
Hélas la promesse ne tiendra pas longtemps puisque l'avenir de la série sera substantiellement réduit.
A l'instar de Young Justice (autre série de Greg Weisman !), le spectateur a donc droit à cette désagréable frustration que procure un titre de qualité demeuré inachevé. Maintenant, Gargoyles étant plus une série "d'univers" qu'une série à intrigue, j'ai trouvé que la rupture était un peu plus facile à accepter.
[Quelques mots sur la "saison 3" : The Goliath Chronicles. Considérée comme non-officielle en raison du départ de Greg Weisman après le premier épisode, cette petite saison de 13 épisodes est relativement mal aimée. Malgré tout, je trouve les fans plutôt sévère à son égard. Soyons clair, si vous souhaitez connaitre la vraie suite au dernier épisode de la saison 2, il vaut mieux lire les comics Gargoyles : Clan-Building. Maintenant, si vous n'avez rien contre quelques fan-fictions dans l'univers des anges de la nuit, vous ne risquez rien à regarder ces épisodes. A vrai dire, ils ont le bon ton de n'avoir que peu d'ambition. A l'instar de la saison 1, ils suivent un schéma où presque chaque épisode s'intéresse à un personnage en particulier. C'est donc tout à fait le genre de "bouche-trou" que l'on pourrait trouver entre deux arcs narratifs d'envergure dans un développement officiel.
Bref, si ça n'est pas la suite que l'on était en droit d'espérer c'est au moins un ajout qui ne détruit pas les fondations posées par ses aînés.]
En conclusion, inutile de dire que j'ai beaucoup d'estime pour Gargoyles. Que vous ayez envie de revivre des souvenirs de jeunesse ou que vous soyez simplement à la recherche d'une bonne série animée, n'hésitez pas à vous jeter dessus.
Car même si les services commerciaux de Disney semblent l'avoir oublié, le public aurait tort de passé à côté d'un tel chef-d’œuvre des années 90.