La psychologie des masses robotisées
La Section 9, que l'on croyait décapitée pour satisfaire l'opinion publique suite à l'affaire du Rieur, renaît une fois encore de ses cendres. Un nouveau cas de Stand Alone Complex - le phénomène qui se reproduit sans modèle original - surgit comme du néant : c'est désormais un groupe de terroristes nommés "les onze individuels" qui fait les choux gras de médias, tandis que quelqu'un semble tenter, dans l'ombre, de soulever les réfugiés vivant depuis la fin de la dernière guerre en parias dans un Japon qui les méprise.
Plus agitée que la saison qui l'a précédée, "Second GIG" soulève surtout un pan de l'univers de Ghost in the Shell jusqu'alors quasiment inexploré : la sociologie, la politique, l'idéologie et, au final, le salut. Rien que ça. On ne pourra pas reprocher à GitS : 2nd GIG de manquer d'ambitions.
La bonne nouvelle, c'est que la série se montre remarquablement à la hauteur de celles-ci. La moins bonne, c'est que l'on perd l'aspect mystico-métaphysique de la première saison, du moins en grande partie, et ses fréquentes interrogations sur la nature de l'Homme, pour se concentrer sur une intrigue policière magistralement menée et, surtout, plonger en profondeur dans ce futur que nous propose Shirow, vu sous l'angle très mature de la politique.
Finie l'informatique omniprésente et le hacking cérébral au cœur des enjeu, place à de la sociologie pure et passionnante. Qu'est-ce qui fait tenir une société injuste ? Qu'est-ce qui motive les relations internationales ? Comment faire la révolution ? C'est dans cette saison que l'on se rend compte qu'intellectuellement, Ghost in the Shell est un anime de très haute volée, qui aborde sans le moindre tabou des questions de philosophie politique et, surtout, réussit à les rendre passionnantes pour le premier venu.
Du côté de la technique, le résultat global est similaire à la première saison : le graphisme est assez moyen, mais l'intégration 3D s'est sensiblement améliorée depuis l'horreur visuelle que représentait l'opening de la saison 1. On a également le droit à plus de scènes d'action, mieux rythmées, mais beaucoup plus classiques qu'auparavant - on a parfois l'impression de voir un documentaire sur le GIGN, d'autant plus que la communication télépathique, par exemple, a totalement été intégrée par le spectateur, qui ressent moins le plaisir de la découverte inhérent à de nouvelles technologies.
Le rythme s'est considérablement affaibli depuis la première saison, et le scénario s'accorde parfois de longues pauses pour mieux comprendre certains enjeux - politiques, diplomatiques, humains -, permettant ainsi de mieux saisir toutes les implications du monde de Ghost in the Shell. Et là, je n'ai pas d'autres mots : c'est brillant. On sort des considérations un peu foireuses sur la nature de l'âme pour entrer de plain pied dans un univers extraordinairement complexe et, surtout, extraordinairement bien expliqué et analysé par ses différents acteurs.
Parce que, bien sûr, les personnages sont l'autre grande réussite de la saison, quoique je regrette un certain manichéisme quand à la personnalité de l'antagoniste, qui aurait gagné à être plus étoffée. On apprendra notamment comment s'est formée la Section 9, beaucoup sur Kusanagi, sur son possible Némésis, ainsi que sur Paz, le sniper borgne, dans un épisode à la tension, à la mise en scène et à l'intelligence qui m'ont laissé bouche bée.
Allons, il est temps de conclure sur ce qui classe cette saison parmi les très grands : Ghost in the Shell, c'est le choix de la maturité, de l'intelligence, du sérieux et de la culture dans un univers de l'anime parfois baigné d'une certaine paresse intellectuelle.
Alors maintenant, arrêtez votre épisode de One Piece - oui, celui où il bat son adversaire en lui pétant dessus. Vous savez ce qu'il vous reste à faire.