Les conséquences d'un seul meurtre pour tout un panel de personnages entre Tokyo et Londres, pour une guerre de gang croisée aux victimes collatérales, où les vexations mal gérées induisent des décisions tout autant légères que dévastatrices. Le ton est donné.
Entre passé et présent, à l'aide de flashbacks, parfois introduits par le dessin animé, tout aussi sombre et sanglant que laisse supposer l'intrigue, de split-screen au présent, voire même de noir et blanc et de changement de format, tout un melting-pot créatif des plus plaisants même si pas toujours judicieux, pour cette revisite qui s'éloigne des codes visuels propres au genre. Le polar prend alors des allures de drame familial, de chocs des cultures, de rencontres salvatrices et de psychologie de personnages au milieu de la violence des échanges en milieu confiné.
Un portrait d'une police dépassée laissant la main aux Yakuzas pour assurer un calme tout relatif avant d'opter pour l'action revancharde, un jeune soldat yakuza amoureux qui précipite sa destinée et sa fuite à Londres et un frère protecteur, policier local qui sera dépêché sur place pour éviter le carnage. Sous couverture et pas toujours honnête avec sa hiérarchie, il se verra lui aussi soumis à la prise de conscience d'une vie amoureuse qui s'est oubliée, rejoint par sa fille fugueuse, en crise identitaire et faisant son coming-out. La mise en avant de sentiments exacerbés nous font craindre le pire, mais Joe Barton en profite pour laisser libre cours à sa créativité et explore l'effet rebond par un mélange de style et de situations, de décors et de lieux, de tons et d'ambiance, passant de la vie traditionnelle japonaise où l'épouse oubliée s'occupe de ses aînés difficiles, au milieu bien peu commode des Yakuzas et de leurs codes radicaux, d'un portrait en filigrane d'une jeunesse londonienne esseulée noyant son mal être à coups de drogues diverses, de nuits débridées et colorées, en passant par ses ballades reposantes en plein air et bord de mer, où le temps s'arrête avant le déclenchement des hostilités.
On y verra même et certainement, un clin d'œil à Hal Hartley adepte d'interludes artistiques décalés, pour un ballet dansé, où tous les protagonistes se croiseront dans une ultime tentative de rapprochement, apportant sa touche poétique à un ensemble globalement délétère.
Et si on regrette ce qu'il convoque d'habituel avec son couple sur le déclin, sa quête de rédemption et son sens du devoir, c'est par une histoire d'amour si peu renversante, qui marque par son absence d'émotion servant à introduire les caractères de Takehiro Hira et Kelly MacDonald, que l'on se rabat sans peine sur les seconds rôles des plus réjouissants. Un trio féminin à l'honneur qui prendra de vitesse les Yakuzas, une adolescente symbole d'un renouveau espéré sur la condition des femmes, un improbable et inspiré Justin Long, ou un Charlie Creed-Miles au fantasme nippon exacerbé prêt à tout pour partir vers de nouvelles aventures et Yōsuke Kubozuka parfait en sombre héros romantique. Mais c'est surtout le plaisir de retrouver le créateur et acteur de la série Flowers, Will Sharpe, toujours si excellent, qui assure les moments les plus jouissifs par des dialogues souvent surprenants et plein d'humour.
Les scènes de gunfight réservent quant à elles une belle maîtrise chorégraphique aux rebondissements inattendus, peu nombreux mais efficaces.
Une intrigue basique qui accroche par ses ruptures de rythme, et confèrent à cette série un ton tout autant jubilatoire que fortement dépressif.
A découvrir.