Gotham
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Gotham

Série FOX (2014)

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Comme son héros une série imparfaite

Le concept de « Gotham » avait tout de quoi intriguer. Une sorte de préquelle à Batman, l’histoire située avant l’apparition du justicier masqué, un Bruce Wayne enfant, un inspecteur Gordon encore jeune et idéaliste, et les super-vilains à leurs débuts, pour certains alors qu’ils ne sont encore que des enfants, avant le début de leur parcours criminel. Un Batman sans Batman. Il y avait certes matière à développer, mais était-ce pour autant suffisant à en faire une série ? Sachant que le héros principal de cet univers n’est qu’un enfant, aux intrigues forcément limités, et qui allait être relégué au statut personnage secondaire ; et qu’à part montrer la genèse des personnages emblématiques, il n’y avait pas réellement possibilité de montrer l’évolution à une situation donnée comme le peuvent certains préquelles d’univers riches (Star wars, Seigneur des anneaux). La série allait donc devoir déployer d’autres histoires et développer son propre univers. Le créateur étant de plus Bruno Heller, créateur d’une série excellente comme « Rome » ou plus populaire comme « mentalist), deux séries de genre et de qualités bien différentes. Quelle allait donc être celle de « Gotham », allait-elle réussir son pari de raconter des histoires captivantes, ou n’aurait-elle d’intéressante que le concept? Pour toutes ces questions la série était très attendue à sa sortie en automne 2014. Voilà le verdict.


Premier constat, l’univers visuel est plutôt réussi. Une ville salle, pollué et sombre, où la fumée des usines et des aérations enferment la ville dans un brouillard quasi permanent. Une espèce de New York des années 60 avec la technologie moderne. Le banditisme, la violence, la corruption, partie inhérente de l’identité de cette cité décadente, où les crimes les plus fous, les criminels les plus instables et machiavéliques, œuvrent impunément.


Les personnages procurent une forte impression, par leur caractère marqué et le jeu des acteurs. Ainsi Fish Money, femme fatale et redoutable ; Harvey Bullock le partenaire cynique et désabusé de Jim (le roi Horik dans Vikings) ; Alfred, qui joue plus le rôle de mentor et de garde de corps (oui oui il sait bien se battre le bougre) que de majordome, un rôle intéressant et assez surprenant ; mais c’est surtout le Pinguin (le diabolique Oswald Cobblepot) qui attire toute l’attention. Cet homme aux manières étranges, un larbin dévoué et inoffensif en apparence tant il se dissimule par de bonnes manières, mais qui cache en réalité un tueur de sang-froid aussi impitoyable que rusé, capable soudainement d’enlever le masque affable pour révéler celui d’une bête tueuse, et remettre l’ancien masque avec un naturel effrayant. L’étendue de toute sa manipulation ne sera d’ailleurs appréhendée que des épisodes plus tard, le rendant plus retors que jamais, créant des conflits entre les gangs pour que les plus grands s’entretuent entre eux, et agrandir peu à peu son pouvoir.


Naturellement, la série allait créer sa propre mythologie. Certains ont crié au scandale à propos du passé de tel ou tel personnage qui ne respectait pas l’univers, mais je pense qu’il faut rappeler que la mythologie de Batman a, dans les comics, changé plusieurs fois. Idem pour les films. Après je ne connais pas assez l’univers pour savoir s’il y a des canons qui n’ont pas été respectés par la série, ni si certaines histoires se sont déjà centrés sur cette période (je sais juste que Maroni et Falcone existent bel et bien).


Beaucoup de personnages sont ainsi introduits dès le début, certains ayant plus ou moins d’importance. Il y a eu plusieurs critiques sur la façon dont ces personnages étaient présentés, d’aucun reprochant leur apparition peu subtile. Si peu subtil que beaucoup ont cru que le comique timide aperçu au premier épisode était le Joker… Je ne vois de toute façon pas l’intérêt de créer un mystère autour de leur apparition, qui était de toute façon attendue, leur identité ne pouvant être qu’évidente très rapidement, surtout pour ceux dont le nom est connu, et pour les autres il fallait bien que leur surnom qui ferait trembler Gotham venait de quelque part.


Réussite alors ? Pas tout à fait. La série subit les inconvénients du format long, à savoir une vingtaine d’épisodes, là où à mon avis 13 aurait été préférable. La série étire donc les intrigues et les meubles à coup d’histoires épisodiques et de sous-intrigues d’intérêt inégales. Elle évite le méchant de la semaine, mais y a recours à plusieurs reprises, lorgnant un peu trop vers une série policière classiques, même si certains éléments rappellent que ce n’est pas le cas (l’homme bouc ou le tueur aux ballons, je vois mal le NCIS être sur ce genre d’affaires…). C’est dommage car l’histoire globale est intéressante. Les complots de Fish pour voler le pouvoir à Falcone, les manipulations du Pinguin, l’opposition entre Jim et son partenaire assurent un suivi qui incite à regarder l’épisode suivant. Ainsi l’épisode 7 amène des révélations sur le Pinguin, et révèle enfin le secret de Gordon, amenant à pas mal de changement, clôturant certaines intrigues qui commençaient à trainer et renouvelant l’intérêt. Hélas, la série retombe par la suite dans ses travers. Les personnages restent fidèles à eux-mêmes sans réelle évolution, et les manœuvres de Fish et du Pinguin, comme les sarcasmes de Bullock face à un Gordon éternellement droit, finissent par lasser. L’histoire s’éternise, et même lorsque la situation évolue enfin, on retombe dans un schéma classique, comme la mortelle chef de gang qui continue de sévir et de montrer encore et encore à quel point elle est dangereuse, aboutissant à une intrigue conçue juste pour elle et séparée des autres. Pour d’autres personnages les scénaristes semblent ne pas trop savoir quoi faire d’eux, le pire revenant à la compagne de Gordon après leur séparation, adoptant une attitude difficilement compréhensible. L’intrigue globale semble difficile à cerner, tant elle semble constituée de sous-histoires maladroitement mises bout à bout, bien que certains éléments semblent prouver que les scénaristes savent un peu où ils vont (la corruption de Wayne Entreprise, qui revient en fin de saison).
La série étant renouvelée, ces derniers auraient tout intérêt à gommer ces travers et assurer des histoires plus captivantes et mieux construites. La fin de la saison semble assez prometteuse dans ce sens, avec un inspecteur qui monte en grade, devenant une icone d’intégrité pour la police, un jeune Bruce Wayne se rapprochant dangereusement des malversations de l’entreprise de son père, certains futurs vilains qui passent à l’acte, les longs conflits de pouvoir résolus en un bain de sang plutôt osé, et une continuité plus marquée.


La série peine donc à conserver l’intérêt tout au long de la saison, alternant de bonnes idées avec de moins bonnes et je me suis quelques fois demandé si j’allais la continuer. Pas de quoi l’enterrer toutefois puisqu’elle parvient malgré tout à présenter un univers visuel particuliers et des personnages qui sortent du commun. Ces défauts ne sont pas une fatalité (ce ne serait pas la première série à s’améliorer sur ce point), mais je préfère ne pas trop me faire d’illusions, le format série longue restera toujours un problème. Qu’est-ce que ce sera quand elle s’essoufflera si elle montré déjà ses limites ? En attendant, j’avoue avoir envie de regarder la suite avec un certain intérêt.

Enlak
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le 8 mai 2015

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