Grey's Anatomy est typiquement la série bouffie, grasse et sucrée, frappée d'anathème pour cause de profonde mièvrerie, que l'on regarde poussé à reculons par quelqu'un d'autre et à laquelle on accroche malgré tout - pétri de honte et de remords.
Qu'importe si c'est mal écrit, boursoufflé de clichés, d'intrigues désuètes vues et revues, d'acteurs spongieux : on a beau se débattre, soupirer, lever les yeux au ciel, impossible de décrocher devant ce succédané d'Urgences et sa succession insensée de coucheries, de tromperies, de chassés-croisés de morts tragiques, de démissions et de grands discours sur la vie et la mort. Les médecins du Seattle Grace sont censés être les pontes de leur domaine, les grands éclaireurs de la médecine qui élaborent des opérations chirurgicales de pointe et ont chaque semaine des cas encore plus rares que leurs collègues du Princeton Plainsboro. Ils sont bien sur tous en-dessous de la quarantaine, la plupart beaux comme des dieux grecs et tous ayant la maturité affective d'adolescents. Hartley cœur à Vif en blouses blanches.
Bien sur, comme dans House, la vie privée de chaque patient fait écho à celle de son médecin et lors des procédures de routine, pose d'une voie centrale ou IRM, les deux camps se sondent, se lisent, se jugent et enfin se livrent à cœur ouvert pour mieux mûrir, voire mourir.
Sur la forme, ce n'est pas si mauvais que ça, il y a même parfois une réelle recherche visuelle et une volonté d'éviter la monotonie. De plus, la série a sans doute crée un nouveau poste pour jeunes stagiaires au sein de la production télé et qui s'est généralisé à tous les networks et même la France : trouver des morceaux gluants de pop pour coller aux fins d'épisodes. Comment dès lors résister à l'appel des fin de saisons pétries de cliffhangers musicaux sur fond de Snow Patrol ?
Et au fond, la réponse importe bien peu, elle sera de toute manière bâclée, le plaisir vient de ces grosses ficelles que l'on aime à voir se tendre devant nos yeux pourtant trop peu crédules, cordes auxquelles on s'accroche ainsi que de misérables paresseux tropicaux.
Et même en éclipsant quatre pleines saisons, il suffit de retomber sur ce Mikado sentimental pour que la fascination reprenne et malgré plusieurs années de tromperies, de coucheries, de chassés-croisés de morts tragiques et de démissions, tout reste limpide, rien n'a changé, toujours les mêmes discours sur la vie et la mort et les mêmes cordes tendues auxquelles se balancer.