Oubliez Demon Slayer, oubliez Evangelion, oubliez Jujutsu Kaisen, voilà le vrai anime générationnel, celui dont on se souviendra dans 50 ans, celui que l'on regardera rétrospectivement en disant "ah on en fait plus des animes comme ça", voilà l'anime qu'on étudiera en histoire de l'art aux cotés de la Joconde et du radeau de la Méduse. Difficile de dire si un jour on arrivera à surpasser cette expérience, même l'égaler me semble déjà être un exploit quasiment impossible.
Pour être un anime de ce rang, il faut commencer par des bases solides, c'est-à-dire un scénario profond, philosophiquement riche. Et ça tombe bien, Gushing over magical girls propose une histoire si complexe, si intense, si poussée et si recherchée que des livres entiers ne suffiraient pas à ne serai-ce qu'effleurer sa surface. L'histoire est celle de Utena, une fan des magicals girls de sa ville, même si le mot de fan est peut-être un peu faible, celui d'obsédé peut sembler plus approprié. Elle se retrouve alors embarquée par la méchante mascotte pour devenir la nouvelle antagoniste et se retrouve obligée de combattre ses idoles qu'elle aime pourtant tant !
On aperçoit déjà tout le dilemme moral qui entoure cet anime, toute la profondeur et l'ironie de la situation, un récit qui ferait jalouser tous les grands écrivains de tragédies classiques ! Mais ce n'est pourtant pas tout, car derrière cette façade de fille fragile et malchanceuse, Utena est en fait une sadique en puissance ! Voyant qu'elle peut alors faire souffrir ses pauvres fétiches, elle décide de voir le bon coté et :
I might as well enjoy myself
(je trouve que ça sonne mieux en anglais).
S'ensuit alors une suite de scènes aussi profondes symboliquement que puissantes dans le geste. Dès le premier épisode on est introduit à ce qui fait la force de cet anime: ses visuels absolument bluffant. Oubliez Your Name, oubliez les Ghiblis, Gushing over magical girls arrive à représenter la vraie beauté, qui se trouve être celle de violenter et de torturer des magical girls de 14 ans. Dis comme ça ça peut paraître bizarre, carrément malsain voire à la limite de la légalité, mais ce serait passer à coté de toute la richesse de cet anime. Voir Utena en position de sado, prête à dégainer son arme pour venir caresser avec une douceur toute relative le postérieur très détaillé et systématiquement mis à nu d'adolescentes sans défense, c'est peut-être ça le but final de toute entreprise esthétique. La notion même de nudité a une importance toute particulière dans Gushing over magical girls, car tout y est prétexte pour se mettre nu. Il ne se passe pas un épisode sans qu'une personne se retrouve en habit d'Eve. Toute cette mise en scène permet évidemment de mettre en lumière la fragilité de la condition et de la dignité humaine, protégée par un simple bout de tissu qu'un vent un peu fort (ou de la magie un peu orientée) peut venir soulever et faire disparaître. Pour l'illustrer, on ne peut que penser à la scène d'humiliation de Loco, obligé suite à un chantage de notre héroïne de se mettre à chanter nu devant le regard appuyé de Utena et de ses amies.
L'humiliation est une notion centrale dans Gushing over magical girl, car tout y est fait pour que les personnages la vive le plus possible. N'y voyez pas juste un délire d'un auteur un peu médiocre, qui a pour fantasme de voir des figures de pureté se faire salir, comme on pourrait voir dans certains doujin, cette interprétation ne tient pas. Déjà, parce que tous les personnages (à l’exception des mascottes) sont des filles, et donc il est impossible que des filles puissent harceler d'autres filles, seuls les hommes ont ce privilèges et il n'y a d'ailleurs aucun homme dans cet anime ! Si une fille a un acte d'ordre sexuel non consenti avec une autre fille ça ne peut pas être du harcèlement, c'est du yuri, et donc parfaitement pur et valide.
Ensuite, la notion même de consentement est, dans l'écosystème de Gushing over magical girl, très différente de notre notion de consentement. Dans notre monde de la réalité véritable, il est de coutume de d'abord consentir, puis de passer à l'acte sexuel. Dans l'univers de Gushing over, la temporalité est inversée, il y a d'abord l'acte sexuel, et ensuite, après souvent quelques jours de réflexion, le consentement. Les filles harcelées ne le sont donc pas vraiment, vu qu'elles finissent par y prendre du plaisir, et finissent par consentir à leur situation. Le cas de Azul (la magical girl bleue) est totalement dans cette optique d'un retournement du consentement. Elle se fait agresser sexuellement par Utena, mais finit par accepter sa condition et y prend du plaisir: du consentement inversé ! Il en va de même avec la scène (très détaillée et très complète) de sexe entre Loco et la fille aux dents pointues dont j'ai oublié le nom. Certes elles sont forcées par notre héroïne d'avoir une relation sexuelle, mais au fond ça leur va bien donc aucun problème. Je tiens toutefois à préciser que cette approche du consentement ne s'applique pas dans nos société où la temporalité ne permet pas de consentir après coup.
Bref, on voit bien que Gushing over magical girls n'est absolument pas un anime problématique, et je pense même qu'il devrait être un modèle sur notre vision de la sexualité et des relations amoureuses.
Un autre point sur lequel l'anime parvient à démontrer sa supériorité qualitative sur toute création humaine, est sur le jeu qu'il entretient avec les attentes du spectateur. On sait très bien ce qui se passer quand on lance un épisode de cet anime, on sait ce qui va arriver quand les magicals girls rencontrent le groupe de méchant mené par notre héroïne, on sait mais on est quand même surpris. Surpris parce que l'anime arrive sans cesse à se réinventer pour toujours plus sombrer dans la folie et le moralement douteux. Si on prend l'épisode 6 (par hasard), on voit bien la chute dans l'épisode, où Magenta (la rose) joue à être un bébé, puis joue beaucoup à être un bébé, puis se fait contrôlée par l'enfant avec qui elle semblait jouer (qui est en fait une allié de Utena), jusqu'au moment où elle se sent alors obligée de jouer son rôle de bébé jusqu'au bout et de faire ce que tout bébé fait dans sa culotte. Une belle illustration de l'idée sartrienne que l'on joue tous un rôle social, quand je vous disais que cet anime était philosophique !
Mais là où l'anime arrive à faire vraiment fort, c'est sur son arc un peu "sérieux". On se dit qu'enfin il va y avoir de l'action (autre que d'harceler des adolescentes), que le scénario se dévoile, et en effet, il se dévoile, mais c'est pour mieux surprendre le spectateur non préparé ! On nous présente la boss des méchantes, ayant pour souhait de conquérir le monde et propose alors à Utena et ses alliées de se joindre à elles, ces dernières, très satisfaites de leur condition leur permettant de passer du bon temps avec les magical girls, n'y voient pas d'intérêt, et refusent. S'ensuit alors une quête épique, remplie de rebondissements où le groupe de Utena va devoir se battre contre le groupe de la grande méchante. Après quelques épisodes plein de combats, de transformations et de power up, la rencontre finale est actée entre Utena et la méchante très méchante. Affrontement finale, rempli de suspens et de tension... qui finit par une fessé (au sens propre) qu'Utena administre, non sans un certain plaisir, à la méchante très méchante, qui en plus est représentée comme une loli. Et si tout ça n'était pas assez absurde pour vous, imaginez la scène avec une musique style classique opéra. Si après cette scène vous ne pensez toujours pas que c'est la plus grande œuvre de l'univers, c'est qu'il faut se poser quelques questions sur vos appétences en terme artistique.
Je vais m’arrêter là, mais je pense que vous aurez compris que cette critique est du second degré. Cet anime est un hentai déguisé pour fan de doujin de bdsm appréciant les magicals girls (oui c'est très spécifique comme cible). L'anime a néanmoins l'avantage de pousser le délire suffisamment loin pour être absurde et finir par être drôle, à condition d'aimer les moments absurdes que propose ce genre d'anime. Même si il est loin d'être parfait, ça reste une bonne expérience si on accepte de le suivre dans son délire. Puis bon, il faut aussi savoir être tolérant vis à vis de ce qu'on regarde, animer une série avec une seule main doit pas être facile.