La beauté du quotidien

Du Kyoani qui fait du Kyoani ? Oui en quelque sorte : on retrouve un peu tous les aspects qui font la force des animés de ce studio. Le soin apporté aux visuels et à l'animation, la recherche dans la mise en scène avec des moments quasi cinématographiques, un côté mignon tout plein accompagné de certains moments un peu plus dramatique. On coche à peu près toutes les cases dans Hyouka avec néanmoins un petit côté enquête policière pour donner au tout un peu plus de substance. Alors présenté comme ça, ça peut en faire une œuvre un peu classique et pas très originale, mais pourtant Hyouka est un bijoux que je recommande vraiment chaudement de regarder. Ce n'est pas forcément mon Kyoani préféré (en même temps, sera-t-il possible un jour de détrôner K-ON ?) mais on est sur du très très haut niveau. Avant d'aller plus dans le détails de pourquoi Hyouka est si bien, j'ai besoin d'extérioriser quelques pensées qui se sont accumulées en moi durant mon visionnage :

Hum hum, ceci étant mis de coté, peut-être commencer par ce qui est au cœur de l'animé, à savoir les enquêtes "semi-policière" que nos personnages devrons résoudre au fils des épisodes. Je dis "semi" parce que le petit truc de cet animé est de mettre en scène des mystères relativement banals et quotidiens, du style "qu'est ce qu'a fait la personne pour être appelé au haut parleur de l'école" ou bien "quel était le meurtrier prévu dans le film que le scénariste du club de cinéma n'a pas pu finir". En bref, pas de meurtre ou de gros complots mais simplement des mystères du quotidien, des petites énigmes sans ambitions que les héros (enfin surtout le héro Hotaro) essayent de résoudre. Et une chose que l'animé réussi particulièrement est la mise en scène de ces enquêtes. La pire chose à faire quand on adapte un roman (ce qui est le cas de Hyouka) est de ne pas mettre en scène les dialogues ou les scènes d'expositions. Un roman n'est pas un animé, et si aucun effort n'est fait dans le visuel, on se retrouve avec des scènes de dialogues inintéressantes et insipides, enchaînant les champs-contre champs pendant de longues minutes (je pense à toi Re:zero ...) Mais Hyouka ne fait pas du tout ça et redouble d'efforts pour essayer de rendre ses scènes de dialogues et d'expositions les plus visuellement intéressantes possibles. Il y a un vrai travail qui est fait pour mettre en scène les enquêtes, par de petites scénettes animées qui tranche avec le côté plus "réaliste" de l'animé. Et même pendant les scènes de dialogues pures, il y a toujours ce travail de mise en scène, afin que les plans, le cadrage, le montage, la musique (et dieu sait que la musique est réussie dans cet animé) que tout ait un sens et accompagne le dialogue. C'est vraiment un des aspects que je trouve les plus réussis avec Hyouka, c'est l'effort de mise en scène quasiment cinématographique. On sent vraiment le travail et la pâte du réalisateur qui sait comment faire pour mettre en forme le visuel de ce qu'il adapte. A ce niveau là je ne peux qu'approuver le génie.

Et même les enquêtes en tant que telles sont intéressantes, on est pris par le flot des événements, par les indices disséminés ça et là au spectateur. Au final le visionnage en devient presque ludique et le jeu devient alors d'essayer de deviner, avec le personnage, les tenants et aboutissants des énigmes. Surtout que l'auteur de l’œuvre original a un vrai talent pour créer du mystère et du sens à partir de rien. Je veux prendre pour exemple l'épisode du haut parleur, où le héro arrive à expliquer, à partir d'une simple annonce sonore, la raison de cet appel. L'auteur parvient magistralement à insuffler du sens à ses explications, qui paraissent organiques et plausibles, sans que l'on se dise que l'on est en train de regarder une œuvre de fiction. Et ça l'animé arrive à l'exprimer superbement.

Mais là où je trouve que Hyouka brille vraiment, ce n'est pas tant sur les enquêtes, aussi sympa soient-elles, mais sur tous ce qui gravite autour, c'est-à-dire les personnages, leur psychologie, leurs peurs, leurs amours, en bref toute la difficulté de vivre sa vie de lycéen. On peut dire que j'étais assez sceptique lors du début de Hyouka, et que j'avais du mal à pleinement entrer dedans. Je n'ai jamais été trop fan des séries d’enquêtes (quelque soit le médium), mais, selon moi, Hyouka propose autre chose que simplement des enquêtes qu'un groupe d'adolescents doivent résoudre, parce que Hyouka (comme beaucoup d'animés que Kyoani) arrivent à toucher quelque chose de plus fondamentale, qui est celle de l'existence banale et de la vie quotidienne de lycéens qui se cherchent dans leur vie. Car à coté des enquêtes, le héros est un lycéen totalement ordinaire, sans qualité surhumaine (et même peut-être un peu dépressif ?). Lui qui a pour devise de ne jamais faire plus que nécessaire, et de "conserver son énergie", arrive au fur et à mesure des épisodes à trouver de la beauté et de l’intérêt dans sa vie et se prend au jeu de résoudre des mystères qui viennent à lui par le personnages de Chitanda Eru et par le club de littérature. Et même les personnages secondaires sont mues par leur tracas et leur interrogations qui sont celles de lycéens ordinaires. L'ami du héros Satoshi Fukube, qui entretient un complexe d'infériorité et qui masque ce mal-être derrière un personnage léger et insouciant. Ou encore Mayaka Ibara qui vit difficilement un amour à sens unique (et qui trouve sa "résolution" dans un épisode de saint Valentin particulièrement réussi). Même Chitanda Eru qui se veut au début être un personnage rassurant et presque mystique, servant de déclic à notre héros, est elle aussi accompgnée de ses doutes quant à son devenir dans sa famille bourgeoise d'un petit village du Japon. Au final, tous les personnages sont caractérisés par une forme de recherche de leur place dans la société, et une recherche de reconnaissance par le besoin d'être quelqu'un de spécial (spécial pour quelqu'un, ou pour ses capacités).

Mais ce que Hyouka arrive à transmettre c'est que tous ces doutes, toutes ces interrogations font aussi partie de ce qui fait la beauté de l'adolescence. Et au final pour moi Hyouka est avant tout ça : un animé sur la beauté d'une vie ordinaire d'adolescents ordinaires, qui doivent résoudre des enquêtes ordinaires dans un monde ordinaire. Et tout cet ordinaire est retranscrit dans cet animé comme ayant une valeur et une beauté véritable. On retrouve alors des thèmes similaires à ceux du film Haruhi (réalisé par la même personne), sur la beauté de l'existence et sur la beauté de notre monde. Et ici la beauté s'accompagne d'un sentiment de curiosité sur les choses qui nous entoure, sur les petits mystères qui arrivent à être aussi poignant et excitant que les grands, sur l'excitation que procure le fait d'avoir résolu une enquête, de partir à la chasse aux indices, de remettre les pièces de puzzle dans le bon sens et de les assembler pour en reconstituer pas à pas l'image finale. En bref, plus que les enquêtes en elle même, c'est plutôt sur la vie que se concentre Hyouka, une vie parfois difficile, mais une vie qui, contrairement à ce peut dire le héros au début de l'animé, doit être vue comme rose, et non comme grise.

Pour résumer, Chitanda Eru est trop cute, l'arc du festival et du concours de cuisine est le meilleur arc de tous le temps, et regardez Hyouka.