Valérie Urrea et Nathalie Masduraud toutes deux documentaristes signent 25 courts de 4mn environ, servis par des textes plus ou moins inspirés, par le personnage principal qui va expliquer le trouble dans lequel il se trouve. A la manière du documentaire, les actrices sont face caméra et le procédé se répète pour chacun des courts. La fiction laisse place à un constat universel, certains épisodes se situant un peu partout dans le monde par des autrices, française, allemande, espagnole, américaine, finlandaise, belge, grecque, algérienne, camerounaise et même Christiane Taubira. Chaque monologue a le mérite d'aller droit au but sans user de tous les scories alentour. Suffisamment bien menés pour révéler l'essentiel sur ces violences ordinaires faites aux femmes et au quotidien, quelques uns se démarquent du reste par une mise en scène décalée, métaphorique, dynamique et toutes les actrices sont excellentes, même si on remarque dès le premier jet (Signes), une Diane Kruger qui marque la rétine et saisit le trouble de l'agressée et la violence verbale de l'agresseur, joués tous deux par l'actrice. Avec Elina Löwensohn en mère insoumise (Revenge porn) tout en silence et regard, ou pour les moins marquants (Je serai reine) avec Anaïs Demoustier, hors de doute que des actrices puissantes ont su mettre en valeur certains épisodes plus que d'autres. Terminal F et Annabelle Lengronne, Sveva Alviti dans Les Détails ou encore Charlotte de Bruyne dans Mon Harceleur, alors qu'on apprécie le côté bien fendard de Déborah Lukumuena dans Le cri défendu, ou la réponse de Agnieszka Zulewska dans Ca c'est mon corps.
Un souhait et une évidence qui permet de renforcer le propos et d'amener à une cohésion plus forte face à ces situations. La violence montrée est psychologique et le propos en est plus marquant tant les réalisatrices et leurs écrivaines n'hésitent pas à répéter à l'envi que ces violences-là ne sont pas bien graves et bien imprimées dans le cerveau féminin comme un mantra afin de désamorcer les possibles plaintes et asseoir leur soumission à une société patriarcale. Lorsque l'on constate que les services en charge de la sauvegarde des mineurs ou des femmes, minorent les faits, voire insultent ces femmes (Fantôme), que le politique semble ne jamais prendre en compte l'importance des atteintes morales, et même si quelques courts auraient mérité plus de verve, de sursauts et de la suite dans les idées, reste un exercice certainement d'intérêt public. La toute puissance de certains hommes qui agissent en toute impunité mais aussi certains automatismes féminins quant à leur légitimité physique qui, si et parfois, semble déplacée tant on ne sait ce que les réalisatrices veulent dénoncer, révèlent les différences d'interprétation entre hommes et femmes bien ancrées par les injonctions collectives et l'éducation. Les jeunes femmes d'aujourd'hui semblent rester sur le même schéma (Emprise) déjà prête à s'oublier pour être regardée et choisie comme une sorte de trophée, ou la grossièreté répétitive d'Under Contrôl au cas où on aurait pas compris que les jeunes sont impactés par des procédés de langage culturels.
Pourtant le constat est bien celui de la solitude de chacune face à leur agression. Dans leur famille, avec leur compagnon ou parents, dans le sport, sur les réseaux sociaux, dans les instances et dans la rue où témoins hommes mais aussi femmes regardent plus souvent à côté et révèle toute la difficulté de la tâche.