Un concept intéressant : 1 épisode = 1 texte d’une écrivaine, relatant d’un fait réel, est lu et joué par une actrice. Il s’agit donc d’une œuvre quasiment exclusivement féminine, les deux cinéastes à l’origine de la série étant également des femmes. La parole est donc entièrement à elles, quelle que soit leur nationalité et leur langue, ce qui implique d’une part que le point de vue sera concerné (différent d’un point de vue masculin sur les problèmes féminins) et qu’il sera subjectif (point de vue de la victime, présentation des femmes comme des victimes du système patriarcal). Pourtant, en étant concentrée sur la femme, le paradoxe est que la série est phallocentrée (« Fan zone » de la façon la plus explicite possible). La quasi totalité des faits racontés est sexuelle, et condamne le pénis. Quelques autres s’intéressent plus à des comportements (harcèlement de rue en voiture dans « Mon harceleur », ou à pied « Nuit rouge », interprétation de soi-disant signes de séduction dans « Signes », qui ouvre la série, ou insultes par exemple, dans « Gloss » ou dans « Ligne de touche ») ou à des mœurs (les codes vestimentaires de « 10 cm au-dessus du sol » ou les problèmes de justice et de police « Terminal F », « Elle sera belle », « Fan zone » avec cette réplique d’un membre de la sécurité anti-terroriste refusant d’intervenir : « Un sexe n’est pas un terroriste »), ce qui est sans doute plus subtil mais non moins violent.
La série, du point de vue de la réception, crée deux situations différentes, car sans doute vue par une femme elle sera digérée différent que par les yeux d’un homme. La femme se sentirait concernée, l’homme visé. Pourtant on aurait tendance à s’identifier aux personnages principaux, c’est-à-dire les femmes, comme cela se fait naturellement dans n’importe quel film. Le résultat est un sentiment de malaise. Si le ton général de ces épisodes est le drame (évidemment), certains s’en démarquent un peu, osant des touches comiques, ce qui détend un peu l’atmosphère tout en n’omettant pas d’accentuer la dénonciation (« Le cri défendu », « Dommage », « Mon harceleur »). Comme j’ai tout regardé d’un coup (dur, dur), ils étaient bienvenus.
Je parle en mon nom : certains épisodes m’ont particulièrement touché. Le tragi-comique épisode du burger, qui métamorphosa les presque-larmes de rires en presque-larmes de tristesse (« Le cri défendu »). L’épisode révolté du terrain de foot avec « la lesbienne » Garance Marillier, puissant de militantisme (« Ligne de touche »). Le curieux numéro de danse sur talons aiguille, intrigant et remarquablement bien interprété (« 10 cm au-dessus du sol »). « Le chignon » ou « Je serai reine » dans le « rapporc » enseignant-élève. « L’emprise », l’un des plus tragique, et « Quinze ans », marquant. Et le quasiment muet « Nina » qui clôt la série, et dont la réalisation est signé Sandrine Bonnaire. La qualité de ces épisodes tient à la fois de l’interprétation et des textes.
C’est une série dont il faut sans doute apprécier et saluer l’existence, un manifeste qu’il faut voir, car il est signé avec le sang d’une cinquantaine de femmes réunies. La série ne promeut pas l’abolition des hommes, mais le respect de l’humanité. Comme disait le poète, la femme est l’avenir de l'Homme.