The Jean Genie
Jean Smart (Watchmen, Legion) est le phare de cette série et porte brillament le personnage principal sur ses épaules.Les rôles secondaires sont moins bien brossés. Les dialogues n'atteignent pas la...
le 14 nov. 2023
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Le début de la fin ?
« Place aux jeunes ! ». Tel est le discours tenu à Deborah Vance par Marty, son ami et producteur, avant qu’elle ne quitte rageusement la table du restaurant où ce dernier l’avait invitée pour lui demander de céder sa place à d’autres artistes durant les week-ends. Un affront que la légendaire et richissime comédienne septuagénaire ne pouvait qu’accueillir avec froideur tant son succès sur les planches du Palmetto Casino de Las Vegas où elle se produit chaque soir depuis plus de 15 ans ne s’est jamais démenti. Oui, mais à force de rejouer encore et toujours le même spectacle, il semblait inéluctable que le passage de témoins se ferait un jour. Jimmy, son agent, lui conseille donc de prendre à son service un auteur qui l’aiderait à écrire de nouveaux textes et lui permettrait de conquérir un auditoire moins âgé. Or, suite à une mauvaise blague lancée sur les réseaux sociaux, la jeune Ava Daniels est persona non grata dans le milieu des jeunes humoristes. Parce que Deborah est orgueilleuse et qu’elle a l’habitude d’écrire ses propres blagues, l’idée lui semble inenvisageable. Parce qu’elle se refuse à « pondre des vannes pourries sur les mecs qui oublient d’abaisser l’abattant des toilettes », Ava ne bondit pas non plus de joie à l’annonce de cette proposition. Toutefois, étant donné la situation critique dans laquelle elles se trouvent, elles acceptent à contre-cœur de se rencontrer. Bien évidemment, l’entrevue s’avère catastrophique et les deux femmes s’invectivent tant et si bien avec force injures et punchlines que Deborah, impressionnée par tant d’aplomb, lui propose de faire équipe. Elles ne peuvent s’en douter, mais de cette empoignade mémorable allait naître une des plus formidables et tumultueuses histoires d’amitié que le monde télévisuel ait porté à l’écran.
Le feu et la glace
L’idée, pourtant, n’est pas toute neuve : associer deux caractères aussi forts que dissemblables pour faire rire semblait un peu rabattue. Pourtant, on sent très rapidement que le duo a la capacité de nous embarquer avec lui tant les répliques fusent avec aisance dans des styles propres à chacune : pince-sans-rire et cinglant pour l’une, sans filtre et grossier pour l’autre. A travers leur humour se dégage instantanément la personnalité de ces deux femmes campées avec naturel par des comédiennes sublimes en la personne de la respectable Jean Smart et de la talentueuse Hannah Einbinder. Bien sûr, il est de tradition que tout oppose celles et ceux qui auront à faire route ensemble. Jeune et âgée ; riche et sans le sou ; conservatrice et ancrée dans son époque... Cependant, par amour du goût de la réplique qui fait mouche, elles devront apprendre à faire fi de leurs différences, ce qui ne sera pas de tout repos (pour le plus grand plaisir du spectateur). Servies par des dialogues désopilants et dont on peut louer qu’ils se dispensent le plus souvent de vulgarité, les deux femmes entretiendront un lien complexe et ambigu qui ne cessera d’évoluer au fil du temps. Pour faire court, il est incontestable que la nature de leur relation est traitée avec une intelligence exceptionnelle tout de long de ces trois magnifiques saisons.
Un couple en état de grâce
Le mépris, la défiance, l’admiration, la fatigue, le déchirement : voilà la palette de sentiments que ressentira Ava au contact d’une employeuse qui n’a pas pour habitude d’être charitable envers ses proches. Si elle n’était que vanité et égocentrisme, Deborah n’attirerait à elle que du dédain. Mais derrière la façade hautaine se cache une femme toujours prête à se remettre en cause bien qu’elle rechigne à le faire (ce qui est le propre de l’Homme). Elle sait qu’Ava lui permet d’accéder à un monde qui n’est plus celui qu’il était quand elle a écrit son spectacle. Elle est celle par qui elle peut renouer avec des codes sociaux et moraux qui ne l’ont pas attendus pour évoluer. Et si elle est trop fière pour lui signifier clairement sa reconnaissance, celle-ci n’en demeure pas moins palpable. En un mot comme en cent, les deux femmes finissent par non seulement s’apprécier mais surtout par s’aimer. Nul besoin pour elles de le formuler explicitement, cela se ressent à l’écran comme peu de relations y étaient parvenues jusque-là. Ainsi, quand leur chemin est amené à prendre des directions différentes, on est empli nous-mêmes du désarroi qui secoue Ava devant une rupture qui pourrait s’apparenter à une rupture amoureuse si elle n’appartenait à un champ affectif unique et inqualifiable. Toutefois, si Ava est certainement le personnage le plus plus touchant de la série, elle sait également faire preuve de poigne comme le démontre le final magistral de la troisième saison qui, à sa manière et dans un registre différent, rappelle celui, devenu culte, du second chapitre de Succession.
Une histoire et ses personnages
D’un point de vue strictement narratif, ce final étonnant constitue sans nul doute le point fort d’un récit dont il serait audacieux d’en relever les faiblesses. Si les enjeux des différentes saisons s’avèrent banals sur le papier (créer un nouveau spectacle, partir en tournée pour le tester et espérer ainsi faire un retour fracassant à Las Vegas puis tenter de devenir animatrice d’un talk-show), la série dépasse son statut de divertissement lorsqu’elle s’attelle à des sujets actuels tels que le traitement réservé aux femmes dans le milieu du spectacle ou le statut à attribuer à d’anciennes blagues discriminantes. Ce faisant, elle n’en sacrifie ni son identité ni son humour et prend soin d’inscrire ces réflexions dans le processus d’évolution de son héroïne. Même les plus cocasses de ses épisodes tels qu’une croisière inénarrable auprès d’un public lesbien ou qu’une ballade en forêt rocambolesque n’en oublient pas d’évoquer des thématiques contemporaines. Enfin, il ne serait pas juste de terminer cette chronique sans mentionner les personnages qui gravitent autour des deux femmes. Comment ne pas éprouver de la sympathie pour le fidèle Marcus, l’homme à tout faire de Deborah à qui il donne sans compter pour le simple plaisir de la satisfaire et de se sentir utile ? Les auteurs parviennent même à nous rendre attachante l’exaspérante Kayla, la secrétaire de Jimmy. Comme lui, rompus à l’excès de désinvolture inadaptée et de franc-parler flirtant avec la vulgarité dont elle est coutumière, on finit par rendre les armes devant le dévouement et la gentillesse de cette exubérante énergumène. De fait, il nous devient impossible de les imaginer l’un sans l’autre. Une fois encore, s’il n’est pas forcément question d’amour, le lien singulier qui unit ce « couple » bigarré et fantasque parvient sans peine à nous attendrir.
Bilan
« Hacks » possède donc tous les atouts de ce qui fait une excellente comédie : de l’humour bien sûr, une certaine profondeur dans son propos mais surtout une écriture délicate qui fait honneur à la psychologie de tous ces merveilleux personnages dont elle se charge de nous narrer les péripéties. Marcus, Kayla, Jimmy, Ava et Deborah, c’est avec bonheur que l’on vous attend pour une quatrième saison en espérant que vous n’aurez pas changé et que vos aventures à venir seront pour nous l’occasion de vous aimer davantage ! D’ici là, il convient simplement de vous dire merci !
Créée
le 4 févr. 2025
Critique lue 6 fois
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le 4 févr. 2025
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