The Queen gambit avec un couturier, voilà comment on peut résumer froidement les 3 premiers épisodes de la mini série autour de l'icône de la mode designer parfumeur Roy Halston, dont j'avoue, je n'avais jamais entendu parler jusqu'alors. Le dernier tiers s'émancipe un peu tardivement de la série de Scott Frank.
L'exubérant couturier américain mort du sida au début des années 90 aura eu un traitement aussi peu original que l'histoire fictionnelle de Beth Harmon, l'héroïne de la série qui a plus boosté les clubs d'échecs régionaux que les tips d'Etienne Bacrot dans Paris Match. Les deux personnages sont des jumeaux qui se ressemblent en de nombreux points :
La joie de Murphy
Halston est un jeune surdoué dans son domaine (elle c'est les échecs, lui c'est les chapeaux à plumes), il est "différent" (c'est une femme, il est gay), qui a des relations difficiles avec ses parents (mère suicidée et père intolérant et violent pour lui), qui impressionne ses contemporains grâce à son talent qui confine au génie mais qui entrave sa vie personnelle. Son besoin de sécurité perpétuel est exacerbée par les excès addictifs (elle c'est l'alcool, lui c'est la coke et les gros zizis). Ils sont tous les deux sûrs de leur talent et dominateurs mais bon, leur force est aussi leur faiblesse et la communication n'est donc pas leur principale qualité. Un trait de caractère bien utile au moment de créer des tensions. Tout comme les nombreux flash-backs de la petite enfance qui assaillent les deux personnages dans leur vie adulte.
Les péripéties et leur entourage sont à peu près les mêmes : des filles hautes en couleur (Liza Minelli / Jolene) avec un gros tempérament qui aiment sans condition le personnage principal, des marginaux pétris de talents qui restent dans l'ombre du génie (William Shaibel le prof d'échec, Joe Eula le bras droit d'Halston), des types dans la norme en faire valoir vaguement adjuvants au second plan (David Mahoney et Benny)... et enfin Halston et Beth s'efforcent de surmonter les obstacles sur leur route qui mène au toit du monde de leur discipline. Elle, de battre les russes en Union soviétique et écrasant des grands maîtres, et lui c'est de torcher Yves Saint-Laurent à l'occasion d'un défilé à Versailles ... et /ou de vendre des chaussettes dans tous les magasins Walmart du pays.
Ryan Murphy ne s'est pas trop embêté. Il produit 3-4 séries par an pour Netflix, alors ne lui demandez pas de faire de mettre de l'originalité hors des orientations sexuelles de ses personnages. Il n'est pas là pour ébouriffer les schémas narratifs des années 2020. Il est plus chargé de reproduire les trucs qui se sont fait durant des décennies, et d'insérer ses nouveaux modèles héroïques à la place des figures du passé. Par exemple, si Michou (le patron de cabaret, pas le youtubeur au regard vide) avait été américain, le papa de Nip Tuck aurait probablement pondu une série dans le même esprit mais avec Ryan Philippe dans le rôle-titre et Amy Adams en Régine. Je plaisante à moitié.
Générateur automatique de série de Murphy.
En revanche, des choses pour lesquelles l'ami Murphy ne transige pas, sont les incalculables scènes racoleuses de sexe. Depuis American Horror story c'est sa marque de fabrique. Il en colle à tour de bras. Et Halston n'échappe pas à la règle. Les créateurs de Game of Thrones se sont fait taper sur les doigts pour ces raisons-là, mais est-ce que les critiques viendront un jour ironiser sur sa fixette ? Dans 10 ou 20 ans, quand on regardera ses productions avec le recul, on se dira certainement mais "mais pourquoi y a-t'il autant de scène de sodomie dans des escaliers ?".
Pour le reste, Ewan McGregor est tout de même un sacré acteur, il flirte parfois avec la limite (Michel Serrault), mais vu le modèle il fallait mettre la dose. Krista Rodriguez qui incarne Liza Minnelli, s'en sort très bien (sa première scène notamment), David Pittu le fameux bras droit mérite une mention.
La différence avec Queen Gambit se situe dans le destin tragique d'Halston. Il tombe dans la drogue - c'est fou comme voir des personnages prendre des rails de coke fait immanquablement penser à Scorsese - et va subir de plein fouet le fléau de son époque. Et si Beth, le personnage fictif du binôme se paye un happy end, le vrai Halston n'aura pas de scénariste pour lui sauver la mise. Les deux derniers épisodes s'éloignent du schéma Queen gambit et s'attardent sur la chute du couturier avec une pudeur qui faisait défaut jusqu'à alors.
La série bénéficie d'une production d'une qualité irréprochable proche du cinéma. Comme beaucoup de séries Netflix d'ailleurs. L'interprétation et les moyens empêchent de mettre une note négative, mais le racolage permanent et le cruel défaut d'originalité plombent ce qui aurait pu constituer une grande mini-série. Dommage.