[D'abord et avant tout, il me semble important de préciser que ceci est une critique écrite par un fan des livres de Thomas Harris, qui connaît le "monde" d'Hannibal sur le bout des doigts. Sans être pour autant profiler, l'auteur reste fasciné par les serial killer et surtout leur psychologie. Ceci dit, on y va ... ]
"Tu devrais regarder Hannibal, c'est pas mal du tout!"
"Mouais, tu sais, je me méfie ... Je suis plutôt du genre fan du silence des agneaux. Et les séries, j'accroche pas trop."
"Baaaaah tu risques rien"
Et voilà comment je me suis retrouvé à regarder la série Hannibal ...
Si vous aviez apprécié le côté certes un peu gore des oeuvres originales mais tout de même fort documenté et encore dans le domaine du crédible, oubliez. Nous ne sommes plus dans le même registre.Hannibal joue dans la surenchère.
Une traque au serial killer requiert du temps ... Beaucoup de temps. Là, nous avons à faire à un format de 45 minutes, complètement incompatible avec la patience que nécessite ce genre d'enquête. Plus de subtilité, il faut du rendement. On brainstorme 20 minutes, on arrête le gars qui nous fait pousser des champignons sur ses victimes et on passe au suivant qui va qui nous bâtir un totem de cadavre sur une plage. Je veux bien jouer avec la suspension volontaire d'incrédulité, mais là, on en demande tout de même beaucoup. Le profil psychologique des tueurs est complètement évacué. Aux chiottes la psychée! Alors que bon, on est tout de même sensé baigner dans un contexte un peu psychologique, avec de bonnes grosses tares et de bonnes grosses psychoses!
On les a, je vous rassure ... Mais chez les enquêteurs ...
Par où commencer la galerie de portrait? A tout seigneur, tout honneur, commençons par le bon docteur. Si le casting est plutôt bien pensé (Mads Mikkelsen campe un Lecter tout à fait lecterien), pourquoi porte il ses affreux costumes?!? Lecter est un esthète! Il est sobre, discret, mais a très bon goût. en gros, il porterait du Gucci plus que RG512 .. et là, il porte ... des ... costumes à carreaux?! Sérieusement?!? C'est comme si le Joker de Batman portait un costume de coupe italienne sombre, passe-partout et chic.
L'antre du "Monstre" (enfin, les puristes savent que Lecter est tout sauf un monstre), est bien pensée. La cuisine lui correspond bien, son cabinet aussi ...
Détail cocasse, Lecter a un(e) psy. Lui qui a bouffé le foie d'un recenseur se fait psychiatriser. Bon, en même temps, c'est une Gillian Anderson sexy en diable, limite hitchcockienne qui lui sert de shrink. On comprends dès lors que passer une petite séance avec l'ex-Scully motive. C'est toujours un bonheur de la découvrir ... Et le blond lui va si bien!
Notre héros, Will Graham, a fort à faire. Si dans "dragon rouge", il n'était qu'un profiler un peu plus empathique que la moyenne, se mettant à la place des tueurs qu'il traque, nous avons maintenant devant nous un névrosé total, au moins aussi malade que les personnes qu'il arrête (ou qu'il tue, c'est selon). Bon, admettons, pourquoi pas après tout, c'est intéressant de changer de point de vue, de mettre les personnages en difficulté. Ce qui me choque un peu plus, c'est que notre prof de psycho criminelle va devoir mener une vie tout à fait normale après la série si on colle à la chronologie canonique. Il va devoir trouver une femme (coucou Molly, bon courage avec ton névropathe de mari), élever un fils ... Vu son état, ça me semble légèrement optimiste.
Jack Crawford ... Que dire ... 2 mots ... Lawrence Fishburne ... Voilà ... Crawford est devenu black. Là, ça commence à faire quand même beaucoup! Je ne pourrais rien dire de sa performance d'acteur, je n'arrive pas à me concentrer quand je le vois comme ça.
Freddie Lounds ... On continue dans le délire total avec un changement de sexe du journaliste superbement interprété par Philip Seymour Hoffman dans "Dragon Rouge".
Alana Bloom ... Là, on change le nom (qui était Alan dans le canon) et le sexe. Bon, et ça ne choque apparemment personne que Will veuille se taper le docteur Bloom. Si on est logique, il veut donc sortir avec le docteur mâle Alan Bloom ... Et il se marie avec une femme quelques années après si on suit ce qui se passe dans les livres. Tout va bien.
On évitera de trop s'attarder sur les décors ... Celui qui m'a particulièrement marqué est la morgue du département des sciences du comportement du FBI qui devient subitement une sorte de showroom de salle de bain. Tout est chromé, avec des parois en verre. On est très loin d'une vraie morgue impersonnelle, fonctionnelle, stérile ... A l'instar des personnages, il y a énormément d'incohérences.
L'histoire est ce qu'elle est, ni pire ni mieux qu'une série lambda. Quelques longueurs par ci par là et on est bien loin de la profondeur du silence des agneaux. On sent bien que Thomas Harris n'est pas en charge du scénario.
La réalisation est classieuse. Rien à redire, il y a des moyens et ça se voit. Belles images, beaux cadrages ... Ca claque la rétine pas mal.
D'un point de vue purement personnel, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le réalisateur se casse les pieds à respecter des détails comme la maladie de Mme Crawford (plutôt bien amenée en plus!) pour ensuite abandonner tout respect pour l'oeuvre originale.
Soit on respecte tout, soit on part sur totalement autre chose (en lui donnant un autre titre en plus, ne serait-ce que par respect pour les fans).
Au final, on reste constamment le cul entre deux chaises. C'est du Hannibal ou ça en est pas?!?
Un spectateur peu au fait des origines et des futures pérégrinations des persos (ou qui s'en fout tout bêtement) regardera sans doute Hannibal avec plaisir. Quelqu'un de plus au courant et de plus tatillon sera lui plus critique, agacé par chaque coup de canif planté dans le canon.
Perso, je n'ai pas accroché plus que ça, mais je suis assez curieux de savoir comment les auteurs vont faire pour retomber sur leurs pattes si tant est que ce soit leur but.