Prétentieux, Pauvre, Pompé et Pathétique
Tout d'abord, précisons que le titre de la série induit profondément en erreur le spectateur : Hannibal Lecter est, au mieux, un personnage secondaire dans cette série. Il eut été plus honnête (mais moins vendeur) d'appeler la série "Will Graham" ou, peut-être, d'écrire la série de sorte qu'elle soit centrée sur le personnage dont elle prend le nom. C'est déjà un gros problème. Il y a de l'incompétence, de la malhonnêteté, ou les deux derrière cette œuvre.
Ensuite, voyons de quoi la série est faite... C'est l'histoire d'un agent du FBI qui harcèle et manipule un personnage de type "Gregory House - Modèle : Enquêtes Policières 42B bis" afin d'utiliser ses super-pouvoirs grossiers et inexplicables pour pourchasser des serial killers, dans un monde où le Minnesota en a au moins un nouveau par semaine à offrir, toujours plus exceptionnel que le précédent. C'est la base et c'est une base qui est hélas assez pauvre et vue, revue et re-revue des dizaines de fois ces deux dernières décennies. Rien de particulièrement prometteur, donc. Une série "low concept" sans aucun doute, malgré la prétention flagrante avec laquelle elle est abordée, réalisée et présentée.
Développons. L'agent du FBI en question a l'instinct et la capacité à cerner les gens d'un nouveau-né attardé mental. Il décide donc, entre tant d'autres fautes professionnelles si énormes qu'elles ne seraient même pas crédibles une seconde s'il était commissaire de quartier en rase campagne, de déléguer tout pouvoir de décision et toute action de surveillance vis-à-vis de son petit protégé aux pouvoirs magiques uniques au monde (sauf pour les gens qui ont vu Psych ou Monk ou The Mentalist ou...). De plus, il choisit de confier cela au mec le plus ridiculement et évidemment louche, insensible et flippant de toute l'histoire de la télévision, qui lui est présenté comme un grand psychiatre qui comprend les psychopathes et sur lequel il n'effectue aucun contrôle sérieux et ne se pose pas la moindre question un seul instant. Oui, trollilol, il s'agit bien du fameux "Hannibal" qui n'est qu'un prétexte et ne sert à rien sinon à appâter le chaland et à donner l'occase aux scénaristes de mettre leur nez de clowns et de se foutre ouvertement de nos gueules.
Même en faisant abstraction du gadget scénaristique assez pauvre, mal amené et qui lasse très très vite, dit du "haha il s'appelle Hannibal Lecter donc c'est le futur grand vilain méchant cannibale de Silence of the Lambs hihi nous, on le sait, mais le flic il ne le sait pas hoho", un simple coup d’œil au type donnerait à n'importe qui le réflexe d'appeler la police tout en se protégeant les parties intimes. Leurs échanges lors de leur première rencontre donneraient à n'importe qui des soupçons très forts quant à la santé mentale et la dangerosité évidente du bonhomme. Je dis bien à n'importe qui, monsieur ou madame tout-le-monde, hein. Mais le super agent du super FBI super spécialisé dans les super serial killers ? Naaan. Il lui inspire tout de suite confiance et ce bien plus que la petite gourde de psychiatre juste normale qui le lui a recommandé à la base, une nunuche pas très compétente du tout, mais qui ressemble au moins à un être humain équilibré, elle.
Pour faciliter encore davantage le travail des scénaristes, déjà bien feignants jusque-là, Jacadi a dit que dans ce monde pas crédible pour un sou et où évoluent des personnages pas crédibles pour le tiers d'une moitié de rouble, il ne fallait compter sur à peu près RIEN de ce qu'on peut habituellement attendre d'un professionnel, en particulier des forces de l'ordre. Pas même le strict minimum pour ne pas se faire virer pour faute lourde sur le champ. Comme ça, pas besoin de se faire chier à faire une histoire qui tienne un peu la route. Si quelque chose "doit" arriver pour faire avancer la trame sans se creuser, il suffit de recourir au principe du "on dirait que dans ce monde...".
Par exemple, on dirait que dans ce monde, le FBI débarque dans un putain de supermarché, à une trentaine d'agents suréquipés et en communication en temps réel entre eux, pour arrêter un boloss de pharmacien qui est en train de bosser et dont ils connaissent le nom, la gueule et le rayon. C'est une opération planifiée, pas une impro, hein. Très franchement, les moyens mis en œuvre sont carrément disproportionnés, même en sachant que le boloss en question est un tueur en série (il tue des nanas en les empoisonnant lentement, ce n'est pas exactement le Punisher, vous noterez).
Pourtant, et c'est là que ça se gâte vraiment, on dirait que dans ce monde, il arrive quand même à leur échapper. Non, non, pas en faisant une ruse de Sioux ou au terme d'une course-poursuite ou quoi que ce soit de bien malin, particulier ou crédible. Il les voit arriver et il se barre vite fait, tout simplement. C'est à dire que l'équipe d'intervention n'a même pas cerné les sorties du putain de supermarché ! Ils sont arrivés à trente, mais ils ont été moins efficaces que de "simples flics" de la vraie vie peuvent l'être à trois (et je ne vous parle même pas de ceux des séries bien écrites).
Et tout est comme ça, dans cette bouse bâclée qui se croit super profonde parce qu'elle aligne de la psychologie de comptoir au kilomètre, quelques termes vaguement techniques pour meubler ses dialogues affreusement creux et de gros effets spéciaux à la Matrix pour tromper l'ennui du spectateur. Une fois qu'on a compris ce principe, on a tout compris.
Le comble reste quand même le personnage de la journaliste rouquine qui publie les enquêtes de la section du FBI spécialisée dans les serial killers en série quasiment en temps réel, sur son site du deep web que tout le monde connaît et re-tweete en boucle. La nana, tout le monde connaît son nom, sa gueule, son métier et son absence totale de déontologie, mais c'est pas grave, on dirait que dans ce monde, elle s'introduit quand même absolument partout, sur les scènes de crime, dans la chambre d'hosto d'une victime suspecte hyper surveillée, chez le grand psychiatre creepy, chez les flics... partout. Pas de problème.
Et la réaction du FBI ? Alors, d'abord une petite intervention complètement démesurée où ils déboulent à douze chez elle, la ligotent et lui parlent mal quelques instants, lui balançant carrément à la tronche toutes les charges pour lesquelles ils pourraient et devraient la mettre en taule, mais sans le faire... non, c'est juste un avertissement : "fais gaffe à toi, pétasse ! t'arrête maintenant, sinon croix de bois, croix de fer, on fait notre putain de boulot, quoi ! non, mais vraiment, attention, hein ! MÉFIE !!!1". Hmmm'okay.
Et ensuite ? Quand elle continue et fait encore dix fois pire, en leur faisant des gros doigts et en leur crachant très ouvertement à la gueule, à l'oral et par écrit ? Oh, ben... plus rien. Plus rien du tout. Ils se contentent de lire son dark blog illégal qui a pignon sur rue et doit avoir 10 millions de vues par jour, celui-là même qu'ils pourraient saisir en claquant des doigts (rappel : il s'agit du putain de FBI, quand même), et de se dire "oh mais... elle... elle est PAS GENTILLE, la demoiselle." Écoutez, ils ont déjà menacé de faire leur taf, elle s'en bat la race, que voulez-vous de plus ? Qu'ils fassent VRAIMENT leur taf ? HAHAHA. On dirait que dans ce monde... nan.
Une belle grosse merde. Il est vraiment, vraiment consternant qu'elle ait d'aussi bonnes notes (autant ici que sur IMDB) et qu'elle semble marcher. Les gens sont apparemment assez cons. Profitez-en, grosses feignasses d'Hollywood ! Tant que ça marche... V_v