Saison 1 :
Annoncée comme un nouveau sommet de la série "conceptuelle" de la série TV moderne, "Heroes" déçoit à plusieurs niveaux : on est plus près ici de l'héritage Marvel etc. que de la profondeur de la psychanalyse de la société américaine conduite par Shyamalan sur des sujets très similaires. De plus, le foisonnement des personnages et des situations sacrifie la logique des enchaînements et des temporalités, créant un manque de crédibilité dommageable. Mais "Heroes" a aussi appris du rejet par le public de la narration façon "Lost", et les scénaristes nous livrent ici une histoire bouclée, avec une vraie conclusion qui ne génèrera pas de frustration. La vraie force de la série, c'est sa capacité à créer une véritable ambiguité, aussi bien des situations que des personnages, allant donc à contre-courant de la fiction "hollywoodienne" comme de l'idéologie néo-con (le stupéfiant épisode "5 ans dans le futur" propose une vision sans concession des dérives post-9/11, jusqu'à la possible "solution finale" !). Ce n'est pas rien. [Critique écrite en 2007]
Saison 2 :
Comme abondamment annoncé aux US lors de sa diffusion, cette seconde saison de "Heroes" commence par irriter et décevoir, entre le périple vaguement grotesque de Hiro au Japon des samouraïs, et l'incohérence du comportement et de la situation des personnages par rapport à la fin de la 1ère saison. Mais le tir s'avère brillamment corrigé : un fort utile épisode de flash back permet de remettre les pièces du puzzle dans l'ordre sans que le suspense soit gâché, tandis que les scénaristes (juste avant la grève) accélèrent l'intrigue, pour la boucler superbement en 11 épisodes "de crise". On appréciera beaucoup le thème fort de l'héritage désastreux "des pères", contre lesquels "les fils" doivent se dresser pour survivre, un thème au pessimisme moderne et assez peu "américain". On sera aussi surpris de la similitude du sujet avec celui de "20th Century Boys", entre l'obsession de "sauver le monde" et le développement d'un virus destructeur par un groupe d'amis réunis en société secrète. Coïncidence ? [Critique écrite en 2008]
Saison 3 :
Les 13 premiers épisodes de cette troisième saison de "Heroes" sont tout simplement catastrophiques, le scénario bégayant de manière totalement incohérente des situations déjà vues et revues au cours des deux précédentes. Et puis, conscients sans doute qu'ils sont en train de perdre leur public (moi, personnellement, j'avais décidé de décrocher…), les scénaristes referment ce triste chapitre et lancent une nouvelle histoire, qui, de manière époustouflante, se met à fonctionner : avec deux vrais méchants (Sylar, qui retourne enfin à sa belle noirceur, plus un nouveau et superbe fasciste néo-con magistralement interprété par le troublant Zeljko Ivanek) et un scénario qui colle de près aux préoccupations politiques actuelles (le terrorisme, le patriot act, Abou Grail), en acceptant enfin de tuer certains de ses personnages principaux, "Heroes" devient - pour la première fois ? - une vraie bonne série. Dommage que la conclusion, qui "pousse le bouchon" un peu loin vers l'invraisemblance, gâche un peu notre enthousiasme… [Critique écrite en 2010]
Saison 4 :
Regarder la dernière saison de "Heroes" ne m'a jamais semblé "vital", tant la belle ingéniosité des débuts s'est rapidement érodée. Et de fait, les scénaristes ont définitivement perdu la recette qui avait enchanté le public mondial lors du lancement de la série : on s'enlise ici dans une succession de dilemmes psychologiques (rires) au mieux sans grand intérêt (l'impact de la mort retardée de Nathan sur sa famille) voire contre-productifs (Sylar veut devenir bon !!!) ou même ridicules (les tourments d'une sirène sourde !!!). S'ensuivent d'interminables scènes lourdingues qui ne méritent qu'un zapping, et ce d'autant que le fil conducteur général (Samuel et le "carnival") est d'un manque de cohérence étonnant. Sans véritable "méchant" pour respecter le dogme hitchcockien du bon suspense, sans réel défi pour nos ex-héros qui ressassent ici leur fatigue et leur nostalgie d'un "brave new world" inaccessible, nous avons l'impression d'assister aux derniers sursauts d'une série qui n'avait plus rien à dire et qu'il était alors logique d'enterrer. Paradoxalement, le - très bon - dernier épisode nous laissera avec des regrets, grâce au paradoxe temporel romantique de la vie de Hiro, et aussi grâce à l'interprétation toujours fine de Robert Knepper... Mais ce n'est pas assez pour que "Heroes" nous manque à l'avenir. [Critique écrite en 2012]