A partir des années 2000 et avec l’évolution des technologies côté jeux-vidéos, plusieurs studios d’animation japonaise se sont lancés dans l’adaptation en animé d’œuvres locale spécifique méconnu en France. En particuliers les light Novel qui sont des romans destinés aux jeunes adultes et public adolescents et les Visual Novel qui sont une sorte d’entrecroisement entre les jeux vidéo et le roman ou l’on incarne un personnage avec lequel on avance selon les décisions que l’on prendra.
Si vous n’y avez pas joué (moi non plus d’ailleurs), vous en avez peut être déjà vu une comme Sword Art Online, Baccano !, la série des Fate Stay Night ou encore l’animé d’horreur/enquête Higurashi traduit en Quand pleurent les cigales pour le visual novel et en Hinamizawa, le village maudit pour la série d’animation. A la base il a été crée en tant que jeu amateur par un petit cercle appelé 07th Expansion et il a gagné une immense popularité après avoir été édité sur PC et sur Playstation 2. De même pour la transposition en série animée qui a tout de même été exploité jusqu’en 2013 sous forme d’OAV après 2 saisons, et c’est la première saison ici qui nous intéresse.
Cet animé, il faut le savoir, adapte le jeu en restant fidèle à son système de fonctionnement : la première saison, celle des "Questions", reprenant le concept du jeu en disséminant à chaque arc des indices afin de laisser au spectateur des pistes pour déterminer la cause des malheurs frappant le village. Il faut partir avec l’idée que cette première saison est centré sur les "Questions" autour de la malédiction et ne donnera pas de réponse concrète aux événements à l’unique exception d’un arc optant pour le point de vue d’un autre personnage, et invite clairement les spectateurs à se forger leurs théories et à jouer le jeu jusqu’au bout.
Cela aurait pu devenir redondant, sachant qu’on repasse par la fête annuelle de la rivière de coton (Watanagashi dans sa version originale) et les principaux meurtres pour la cinquième année de suite. Mais il y a deux parades qui empêchent l’animé de tomber dans ce piège.
La première c’est la place accordée à chacun des membres du club de jeu qui deviennent aussi bien attachant dans une première moitié d’arc (de Keiichi au charisme naturel à Rika adorable comme tout en passant par le garçon manqué Mion Sonozaki ou encore l’espiègle Satoko) qu’ils en deviennent méconnaissable et déroutant lorsqu’ils se retrouvent isolés des autres physiquement ou psychologiquement
(Mion et Rena refusant d’informer Keiichi sur les meurtres d’Hinamizawa chaque année, Shion considérée comme une existence honteuse au sein de sa famille et condamnée pour avoir défendu le fils d'un couple étant opposé à sa famille et au village par le passé, etc…).
Le deuxième point est le contraste sur lequel joue l’animé à chacun de ses arcs. Partant toujours avec la naïveté et l’insouciance des débuts de chaque arc (comment résister à Rena tellement obsédée par ce qui est mignon qu’elle veut tout de suite l’emmener chez elle ? Ou à l'adorable frimousse de la curieuse prêtresse du village Rika ?) et les premiers signes de la malédiction qui se repose sur le point de vue de ses protagonistes et leur perception des événements et dans la peau duquel on finit par se mettre. Et par ressentir tantôt la même incompréhension qu’eux face à ce qui se passe, tantôt à éprouver de la terreur lorsque ce sont ces mêmes personnes qui sont propice à cette présumée "malédiction du Dieu Oyashiro" poussant au pire.
Les éléments poussant à la folie et à la tragédie sont suggérés avec un bon sens du dosage et toujours un lien concret et conséquent avec l’évolution psychologique de notre groupe
(l’implication supposée de la famille ancestrale Sonozaki depuis le premier meurtre, les liens plus que suspects entre les précédents meurtres et les filles du club de jeu, la disparition suspecte de Satoshi, l'implication du forcené commissaire Oiishi dans cette affaire)
et un élément final venant volontairement mettre à mal le raisonnement que l’on est venu à e forger. Même si on ne peut pas nier que la frontière entre rationnel et surnaturelle est quelques fois trop tirée par les cheveux pour y croire
(personnellement je n’arrive toujours pas à concevoir l'idée que Shion ait pu survivre à sa chute mortelle de plusieurs étages d’un immeuble et retrouver Keiichi à l’hôpital pour terminer le travail).
Bon malheureusement il y a un point sur lequel on peut logiquement faire des reproches et sur lequel on ne peut pas jouer la carte de la mauvaise foi : son animation aux limites techniques évidentes. Le studio Deen est un petit studio qui a moins de moyen que d’autres et n’est pas aussi inventif que Gainax ou Trigger pour masquer leur manque de moyen à l’écran (les visages des parents de Keiichi jamais dévoilé, le chara-design parfois très simplifié, trop selon certains).
Mais à son crédit on peut leur reconnaître de bonne idée pour tirer profit de ce manque de budget, comme avec les déformations faciales servant à exprimer la démence des personnages sous l’emprise de la malédiction du dieu Oyashiro ou en jouant sur la suggestion
(l’assassinat de Mion et Rena à coup de batte de base-ball à l’épisode 4 ou les corps ne sont dévoilés qu’après le massacre, la tragédie du village d’Hinamizawa à la fin du troisième qui ne donne rien de plus concret que ce que nous disent le journal télé).
Ajoutez à cela que la VF est excellente pour cette première saison et que si la musique de Kenji Kawaii n’est pas aussi marquante que d’autres, font très bien leur boulot en termes d’ambiance.
Sachant que pas mal de Visual Novel passent par des sujets redondant et des stéréotypes moins amènes pour le public, Hinamizawa s’en distingue à mon sens remarquablement. Tant par sa narration réussie que par l’atmosphère brouillant progressivement superstition locale et rationalité et chaque arc trouvant quoi rajouter pour rendre l’enquête et le mystère des meurtres du village palpitant ainsi que notre groupe intéressant et crédible à connaître sur cette première saison.