Pas une critique !
VOI restaurée revue en Fuori Orario.An unfinished "workers" soap-opera, with exaggerated soap technischen, funny thanks to its characters (notably the young elder couple).I needed some time to get...
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le 11 juil. 2022
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On dit souvent du cinéma italien des années 50 qu'il a permis à sa population de se fonder une nouvelle identité à la sortie de la libération. Or si cela est valable pour le néoréalisme italien, force est alors de constater que cela l'est d'autant plus en ce qui concerne le rapport qu'une Allemagne, littéralement divisée dans les années 70, a pu entretenir avec le nouveau cinéma allemand dont Fassbinder apparaît comme le chef de file le plus influent.
Entièrement produite par la WDR (la Westdeutscher Rundfunk qui était alors la télévision de la RFA), cette "série familiale" de cinq épisodes retraçant le destin d'une famille d'ouvriers sera diffusée par la chaîne allemande à partir d'Octobre 1972 jusqu'en Mars 1973. Destinée aussi bien à toucher qu'à éduquer le spectateur à la manière des films prolétariens (Arbeiterfilm) très répandus à cette époque, la série connut manifestement un large succès auprès du public malgré des critiques beaucoup plus réservées voire réticentes à son endroit. Il aura ainsi fallu attendre pas moins de 45 ans pour que la série soit finalement restaurée en version 2K et éditée par Carlotta en version DVD et Blu-ray en Avril 2018.
Or à une époque où le président d'un pays n'hésite pas à déclarer publiquement qu'il faut prendre conscience du fait qu'il y a "les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien", on peut semble-t-il s'interroger aujourd'hui sur la pertinence et la valeur d'un genre aussi populaire et politiquement engagé que celui qui est ici promue par le jeune réalisateur allemand (âgé alors de seulement 28 ans au moment du tournage). En effet, ces "gens qui ne sont rien", à l'instar de ces prolos allemands que Fassbinder s'est constamment employé à mettre en scène dans ses films, semblent constituer le coeur même de son cinéma : tantôt un prolo homosexuel qui vient de gagner à la loterie dans son extraordinaire "Le droit du plus fort" (Faustrecht der Freiheit), tantôt une prostituée dans son autre film "Lola, une femme allemande", une retraité tombant amoureuse d'un immigré marocain dans "Tous les autres s'appellent Ali" (Angst essen Seele auf) ou encore un ancien détenu au chômage dans son autre série télévisée "Berlin Alexanderplatz", etc... L'ensemble de la filmographie de Fassbinder apparaît nécessairement indiscernable des personnages auxquels elle renvoie et de leur quotidien au sein duquel la fameuse réussite sociale est plus souvent synonyme de chute qu'autre chose et est vécue par les personnages comme une grande désillusion menant à la mort comme c'est notamment le cas dans "Le Mariage de Maria Braun" (Die Ehe der Maria Braun).
Revenons-en cependant à la série "Huit heures ne font pas un jour" (Acht Stunden sind kein Tag) elle-même. Il ne s'agit très certainement pas là du meilleur travail de Fassbinder et force est d'avouer que, malgré le talent indiscutable de son réalisateur ainsi que des nombreux aspects très techniques que ce dernier a su utiliser afin de mettre en scène le quotidien de cette famille prolétaire allemande, la série contient indiscutablement plusieurs défauts. A commencer nécessairement par le message extrêmement politique (pour ne pas dire carrément brechtien et marxiste) qu'elle ne cesse de formuler de manière beaucoup trop didactique. En effet, si Fassbinder n'a de cesse d'inviter à l'action en faisant répéter à ses personnages le fameux mot d'ordre de Marx "Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer", celui-ci se voit cependant présenté de manière beaucoup trop frontale et redondante pour être pris au sérieux : c'est tout simplement à la fois trop beau et trop gros pour être vrai et cru pour le dire plus simplement. Ainsi les diverses conversations (néanmoins très instructives cela dit) que peuvent avoir les personnages autour de la lutte des classes se voient constamment dotées d'un caractère beaucoup trop didactique qui créé inévitablement une certaine distance avec le spectateur que l'intrigue ne parvient pas à abolir.
Un caractère didactique emprunt de naïveté qui constitue ainsi très certainement le plus gros défaut de la sérié mais qui dans le même temps, paradoxalement, semble constituer sa plus grande force car c'est cette même naïveté qui, tout en guidant les personnages dans leurs actions, parvient à les rendre aussi touchants et qui confère à l'ensemble de la série quelque chose de poétique à l'image de la petite musique ouvrant chaque épisode. Certes, les personnages sont extrêmement encrés dans leurs rôles d'idéalistes naïfs et sont mis en scène de façon extrêmement théâtrale aussi bien dans leurs interventions que dans leurs réflexions, certes la résolution des conflits a parfois des allures de dessin animé tant Fassbinder semble vouloir inviter le spectateur à réfléchir par lui même sur les conclusions de l'histoire à l'instar de ses personnages ; cependant c'est précisément là que réside tout l'intérêt de cette fiction, à savoir, dans son parti pris politique extrêmement engagé ainsi que dans son partis pris esthétique qui se veut volontairement très théâtrale : "Die Idee war gut aber sie functioniert nicht" (l'idée était bonne mais elle ne fonctionne pas) adresse de manière comique la grand mère à son compagnon Gregor comme pour nous rappeler que bien que la fiction semble trop souvent se heurter à la dure réalité des faits et se voit contredite par celle-ci, elle n'en demeure pas moins utile voire indispensable pour bâtir un monde meilleur et plus juste. Le couple que forme le personnage de la grand mère interprété par Luise Ullrich (absolument exceptionnelle dans ce rôle qui en fait sans le moindre doute le personnage le plus marquant de la série) et Gregor apparaissant ainsi lui même comme une métaphore de l'opposition entre immobilisme et activisme politique. En définitif, Fassbinder parvient à trouver de manière assez habile le juste milieu entre l'expression des idées et celle des sentiments et c'est pourquoi dans chacun de ces films l'une ne se fait jamais au détriment de l'autre.
En ce qui concerne maintenant le côté purement esthétique de la série, on retrouve incontestablement avec plaisir la patte si spécifique de Fassbinder qui parvient à sublimer chacun de ses personnages par le biais des différentes prises de vue. Hanna Schygulla est absolument magnifique aussi bien dans son jeu d'actrice que physiquement tant les fleurs dont son visage est constamment orné magnifient chacun de ses traits à l'écran. On déplorera cependant l'absence d'un directeur de la photographie plus talentueux que Dietrich Lohmann. Par exemple un directeur de la photographie tel que Xaver Schwarzenberger qui a travaillé par la suite avec Fassbinder sur "Berlin Alexanderplatz" ou encore l'incroyable Michael Ballhaus, véritable génie qui a su accomplir un travail véritablement époustouflant lors de ses diverses collaborations avec le réalisateur allemand et ce à tel point qu'il a été immédiatement repéré par la suite notamment par Martin Scorsese (Les affranchis) et Francis Ford Coppola (Dracula). La série aurait très certainement alors énormément gagné en visuel mais après tout c'est simplement là une oeuvre de jeunesse qui a beaucoup plu à l'époque et qui saura, très certainement encore, ravir les adeptes du cinéma de Fassbinder ou encore ceux désireux de découvrir ce que l'on appelle dorénavant aujourd'hui le Nouveau cinéma allemand.
En 1973, alors qu'elle avait initialement prévu la production de plusieurs autres épisodes, la WDR annonce cependant la fin de la série et par là même également la fin de la poésie prolétaire chantée par Fassbinder. On ne connaîtra donc vraisemblablement jamais le destin final de cette famille d'ouvriers qui, à l'image du destin de son auteur, aurait peut-être pu s'avérer tout aussi tragique...
Créée
le 15 janv. 2019
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