La maman et les putains
J'avais entendu beaucoup de bien de "El Inocente", du coup j'achève le visionnage avec une certaine déception, même si cette nouvelle adaptation d'un roman d'Harlan Coben reste un divertissement...
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le 1 juin 2021
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Il est difficile pour qui aime les thrillers – les vrais, bien écrits, bien réalisés, bien interprétés, et sans trous béants dans l’intrigue ni accumulation de problèmes de crédibilité – de ne pas être émoustillé à l’annonce d’une mini-série adaptée d’un roman de Coben, écrite et dirigée par l’un des plus excitants jeunes réalisateurs catalans, Oriol Paulo, et avec une pointure comme Mario Casas (vu et très impressionnant récemment dans "Irrémédiable")… Et, autant commencer par la très bonne nouvelle, aucune déception, ou presque, au visionnage (binge-watching inévitable !) de "El Inocente" ("Innocent"), qui évite, assez invraisemblablement, tous les pièges dans lesquels s’enferre la quasi-totalité des séries Netflix : pas de remplissage ici, mais une intrigue d’une richesse étonnante qui ne laisse jamais le téléspectateur en repos ; pas de tunnels interminables de scènes faussement psychologiques ou stupidement sentimentales, mais des vagues d’anxiété attaquant de manière quasiment permanentes les nerfs du téléspectateurs ; pas de déclarations systématiques d’adhésion à la cancel culture, aux mouvements woke, pro LGBT, etc. comme presque partout ailleurs, mais des situations politiquement pertinentes et des personnages dont l’identité et le comportement sont justifiés par le scénario… Ouf !! Revue (rapide quand même, car spoiler serait un crime) de détails…
On sait que 80% des polars du prolifique Harlan Coben fonctionnent de cette manière, donc on ne sera pas surpris de découvrir qu’"Innocent" raconte l’enfer d’un couple plongé dans un labyrinthe de manipulations, de crimes et de faux semblants dont la source se trouve enfouie dans leur passé : lui, Mateo, a fait de la prison pour avoir accidentellement tué un jeune homme lors d’une rixe, tandis qu’elle…. Eh bien, n’en disons pas plus pour vous laisser le plaisir de la révélation progressive d’une intrigue aussi compliquée que très bien ficelée… Bien entendu, et c’est là encore une quasi constante chez Coben, nos “héros” ne pourront trouver aucune aide auprès de la police et devront se débrouiller tous seuls ou presque pour se tirer de ce guêpier !
Les deux premiers épisodes, présentant deux situations qui semblent n’avoir rien en commun et qui vont se rejoindre, provoquent un délicieux effet de sidération, et nous convainquent rapidement qu’Oriol Paulo sait parfaitement ce qu’il fait, et va nous embarquer dans un tour de montagnes russes délicieux et terrifiant à la fois, comme il se doit.
On sait aussi depuis "Ne le Dis à Personne" que les romans de Coben sont parfaitement adaptables hors des USA, parce qu’ils font avant tout appel à des sentiments universels comme l’amour filial ou parental, et comme les traumatismes familiaux : "Innocent", qui se déroule à Barcelone, ne fait heureusement jamais “américain”, et Paulo a l’intelligence dans son travail d’adaptation (et de complexification…) du livre original d’y intégrer les sujets très espagnols du proxénétisme et de la violence faite aux femmes, le tout dans un contexte de corruption des “élites” politiques et du pouvoir. Certains auront pointé une certaine similitude lors des épisodes centraux – coïncidence du timing des sorties sur la plate-forme – avec "Sky Rojo", mais il est à notre avis difficile de regretter la prise en compte d’une réalité sociale aussi insupportable, et ce d’autant que, à la différence de "Sky Rojo", il n’y a pas ici de “glamourisation” de l’horreur.
Non, s’il faut chercher des défauts à "Innocent", ce sera plutôt du côté de la trop grande richesse de l’intrigue, obligeant le téléspectateur peu coutumier à ce genre de “problème” scénaristique chez Netflix à des efforts de concentration inhabituels : c’est d’ailleurs là un reproche que l’on fait souvent aux scripts d’Oriol Paulo ("L’Accusé", "Mirage" …), qui gagneraient à être plus simples. Plus sérieusement, il y a aussi ces passages “récapitulatifs” avec voix off, personnage par personnage, qui permettent assez artificiellement de faire le point sur l’intrigue mais aussi d’y ajouter des éléments qui n’auront pas été “montrés” jusque-là : on comprend bien que, sans ça, la mini-série aurait pu comporter le double d’épisodes, mais le procédé – pour le moins inhabituel – rompt carrément le pacte de croyance, brise l’effet d’immersion indispensable au fonctionnement de tout bon thriller.
Mais sinon, c’est un délice… un délice de tension permanente, avec certains moments qui frôlent l’insoutenable – comme les scènes dans le complexe de containers, littéralement atroces -, mais aussi un délice d’ambiguïté, grâce à des personnages qu’on se trouve finalement incapables de qualifier : c’est d’ailleurs là le véritable « plus » du travail d’Oriol Paulo (qui est coutumier du fait, souvenons-nous que le meilleur de "l’Accusé" se trouvait déjà dans l’indécidable position des personnages…), qui enrichit la vision beaucoup plus manichéenne de Coben et relativise tous les jugements que l’on pourrait porter sur les « bons » comme sur les « méchants » (et il y en a beaucoup…) de "Innocent". La manière dont Paulo désamorce par exemple un effet « happy end » trop rassurant, grâce à une dernière scène, d’ailleurs portée comme une grande partie de la série par l’excellente interprétation de Mario Casas, est réellement tout à son honneur.
[Critique écrite en 2021]
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Créée
le 7 mai 2021
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20 j'aime
2 commentaires
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