Inspecteur Derrick
3.2
Inspecteur Derrick

Série ZDF (1974)

Quand l’action prend un café bien serré avant de s’endormir

Inspecteur Derrick, c’est un peu comme si tu prenais un thriller, mais que tu décidais de le servir en version ultra-slow, avec une pointe de sérieux germanique et zéro course-poursuite. C’est la série où les enquêtes sont aussi lentes que la ligne de cheveux de Stephan Derrick qui recule épisode après épisode. Ce brave inspecteur, toujours vêtu de son trench impeccable et de ses lunettes à la monture épaisse, incarne la patience personnifiée, à tel point que tu te demandes parfois si la résolution de l’enquête n’arrivera pas après une bonne sieste.


Derrick, c’est un flic à l’ancienne, du genre qui préfère les discussions interminables aux confrontations explosives. Ici, pas de poursuites à pied à la Starsky & Hutch, pas de fusillades chaotiques comme dans les polars américains. Non, Derrick préfère poser ses questions, enchaîner les "Hm, ja" en hochant gravement la tête et attendre que le criminel avoue de lui-même, fatigué par le simple fait de parler. On a parfois l’impression que Derrick fait partie de l’ameublement de la scène de crime, à force d’être impassible et méthodique.


À ses côtés, on trouve Harry Klein, l’éternel second, dont le rôle se résume à hocher la tête, dire "Ja, Herr Derrick" et éventuellement taper quelques rapports. Si Derrick est la tortue de la police allemande, Harry est son ombre fidèle, prêt à le suivre dans n’importe quelle enquête, même si cela signifie boire trois cafés avant d’obtenir le moindre indice. Leur dynamique est un peu celle d’un vieux couple : pas de grandes déclarations, juste de la complicité silencieuse et beaucoup de regards entendus.


Les enquêtes de Derrick sont tout aussi méthodiques que lui. Oublie les criminels fous qui sèment des indices partout. Ici, les meurtres sont d’une simplicité déconcertante : des coups de feu en pleine nuit, des poignardages dans des salons moquettés, des empoisonnements dans des cafés enfumés. Tout est bien rangé, bien propre, sans la moindre goutte de sang qui pourrait abîmer les nappes. Il n’y a jamais d’urgence chez Derrick. Un meurtre ? Pas de souci, Derrick arrivera dans son style monocorde, et tout se déroulera dans le calme le plus absolu.


Visuellement, Inspecteur Derrick a tout du décor minimaliste : des bureaux bruns où rien ne bouge, des intérieurs allemands avec des rideaux en dentelle et des tableaux qui semblent peints avec la même palette de gris que les costumes de Derrick. On sent l’influence des années 70 dans chaque plan, et même les épisodes des années 90 ont ce parfum d’un temps figé dans la lenteur. Ici, chaque scène est un tableau en mouvement lent, un peu comme si tout le monde attendait que Derrick ait fini de réfléchir avant de bouger.


Les dialogues, quant à eux, sont à l’image de Derrick : économiques et peu chargés en émotion. Il interroge avec la patience d’un moine bouddhiste, et ses suspects finissent souvent par avouer non pas par pression, mais parce qu’ils sont probablement épuisés d’attendre qu’il conclue son interrogatoire. Les confessions arrivent d’ailleurs souvent sans trop de résistance. C’est comme si les criminels se disaient "Bon, de toute façon, Derrick finira par me coincer, autant avouer tout de suite et gagner du temps". Ce qui est ironique, car si une chose manque dans cette série, c’est bien l’efficacité temporelle.


Inspecteur Derrick n’a pas vraiment de suspense haletant. On devine souvent l’identité du coupable bien avant que Derrick lui-même ne s’en approche. Mais ce n’est pas pour ça qu’on regarde la série, non. On la regarde pour cette ambiance si particulière, ce mélange de sérieux policier et de scènes quotidiennes figées, où même un rendez-vous dans un bar semble aussi dramatique qu’un conseil d’administration. L’action, si on peut appeler ça ainsi, se résume à des confrontations finales dans des salons éclairés par des lampes tamisées, où Derrick balance une réplique cinglante… puis attend que le coupable s’effondre moralement.


Le rythme lent et les intrigues souvent redondantes peuvent en rebuter plus d’un, c’est sûr. Si tu es adepte des polars dynamiques, Inspecteur Derrick te semblera probablement aussi excitant qu’un documentaire sur la reproduction des escargots. Mais pour les fans de l’école "je prends mon temps", il y a un certain charme dans cette lenteur assumée. La série prend tout son temps, comme un bon vieux vinyle grésillant, avec ses imperfections et son côté désuet.


En résumé, Inspecteur Derrick est une série qui fait de la lenteur et de la sobriété son fond de commerce. Pas de grandes envolées ni d’action explosive ici, juste des enquêtes menées à coups de discussions feutrées et de regards perçants derrière des lunettes bien ajustées. Si tu apprécies le calme, la précision méthodique, et les flics qui résolvent des crimes comme d’autres remplissent des formulaires d’impôt, alors tu trouveras peut-être dans Derrick une étrange forme de satisfaction. Pour les autres, mieux vaut avoir un bon café à portée de main pour éviter de sombrer dans la même léthargie que les suspects.

CinephageAiguise
5

Créée

le 15 oct. 2024

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