Une excellente surprise que cette série inclassable, qui ne ressemble à aucune autre. Une sorte de réflexion métaphysique sur la création qui se doublerait d'un reportage sur le tournage d'une série, la réalité et la fiction se carambolant de façon inattendue et souvent finaude. Dans les premiers épisodes, on se familiarise avec des personnages qui ont l'air de clichés : la star hollywoodienne adulée pour des films populaires qui ne lui ressemblent guère, le réalisateur lunaire perdu dans ses mondes imaginaires et en proie à une dépression rampante, l'agente carnassière prospérant aux crochets de monstres qu'elle fabrique, les producteurs hors sol grenouillant dans les milieux du fric, les débutantes mijaurées prêtes à se faire les dents, les acteurs de théâtre cabotins exigeant des égards indus, les stars de la chanson bouffées par leurs fans, les assistants multitâches aux aptitudes indéfinissables, les acteurs médiocres à l'égo pachydermique, les petites mains au statut précaire, bref, tout ce qu'on pouvait attendre d'une histoire pareille y est. Sauf que, petit à petit, derrière les apparences, d'autres dimensions se dessinent, d'abord de façon ténue, puis plus franchement. Et la série décolle. D'autant qu'elle intègre différents niveaux de narration, dont des extraits d'un feuilleton de 1915 de Louis Feuillade sur une bande de truands vaguement surnaturels. Puis des extraits du journal intime de Musidora, star de l'époque qui cède son visage à celui d'Alicia Vikander, dans un rôle proche d'elle, probablement, mais différent quand même. N'oublions pas Maggie Cheung, première Irma Vep à l'écran, venue hanter l'avatar de son réalisateur et ex-mari Olivier Assayas. Tout ceci aurait pu rester confus et nébuleux, mais non : la narration nous prend malgré tout par la main et nous accompagne dans ce jeu d'images gigognes dont on ressort étourdi et ravi. Surtout, il faut souligner la qualité d'interprétation de tout ce petit monde (et donc probablement celle de la direction d'acteurs...). Bref, une démonstration de maestria étourdissante qui donne envie de voir le film à l'origine de tout ce joli bazar... j'aurai peut-être dû commencer par lui, mais j'imagine que ce menu désordre n'écornera pas le bel agencement de la série, qui supporte visiblement quelques entorses à la chronologie.