Des innombrables adaptations du célèbre roman de Charlotte Brontë, je n'avais jusqu'à présent vu que celle signée Cary Fukanaga, fort intéressante bien qu'imparfaite et surtout expurgée d'une bonne demie-heure pour son exploitation en salles. Sur les conseils avisés de ma bienaimée (et sous les menaces et les coups, il faut bien le dire), je me suis donc plongé dans cette mini-série en quatre épisodes de cinquante minutes chacun, réalisée par Susanna White et diffusée sur BBC One à partir de 2006.
Là où le cinéma n'a point d'autres choix que de tailler sans vergogne dans la majorité des romans qu'il adapte, la télévision a bien évidemment le temps de livrer un travail bien plus fidèle aux écrits d'origine. Fort de ses quatre épisodes, cette nouvelle adaptation prend donc le temps nécessaire pour dérouler convenablement son intrigue, même si elle fait le choix compréhensible de laisser certaines sous-intrigues dans l'ombre et de passer rapidement sur l'enfance de son héroïne, afin d'aller droit à l'essentiel.
Et c'est peut-être là le principal reproche que je ferais à cette cuvée 2006, tout à fait recommandable au demeurant. Car si sa longueur lui permet justement d'être le plus fidèle possible à l'oeuvre de Brontë, le scénario signé Sandy Welch oublie parfois d'aérer un minimum son récit dans sa volonté de cumuler les moments clés. Ce qui apporte malheureusement à l'ensemble un petit coté "digest" qui aurait pu être évité grâce à l'apport de moments plus anodins.
En l'état, Jane Eyre version 2006 remplit haut la main son contrat, conservant l'essentiel du roman, à savoir un superbe portrait de femme forte et déterminée, loin de l'habituelle jouvencelle attendant bien sagement son prince charmant, doublé d'une histoire d'amour complexe et diablement romantique. Dans les rôles principaux, Ruth Wilson et Toby Stephens conviennent parfaitement. Elle, parfaite incarnation de l'héroïne imaginée par Brontë, lui, aussi attirant que menaçant, constamment sur la brèche.
Bien que trahissant plus d'une fois ses origines télévisuelles, la mise en scène évite soigneusement tout académisme, s'évertuant au contraire à poser une atmosphère à la fois baroque et anxiogène, à la limite du surnaturel. Si cela ne va pas sans quelques fautes de goût, cela a au moins le mérite de taper dans le pur roman gothique, et de retranscrire à merveille la beauté ténébreuse des superbes paysages naturels.
Certes imparfaite et ayant peut-être méritée un épisode de plus afin d'aérer davantage son récit, cette nouvelle adaptation télévisuelle de Jane Eyre reste une franche réussite, notamment grâce à la qualité de son interprétation, à des images parfois sublimes et à une mise en images loin de sentir la naphtaline.