Voir Ace Wo Nerae en 2022 ça peut constituer une épreuve pour certains. Techniques d'animation rigides, dessin parfois maladroit, son strident, recyclage très fréquent de plans clés... Mais après tout j'avais regardé le pilote de Sabu to Ichi de Rintaro, qui date de 1968 donc 5 ans avant AWN et qui m'avait bluffé alors qu'il s'agissait quasiment d'un roman photo avec des techniques de montage pour le rendre dynamique. Or Osamu Dezaki (La rose de Versailles, Oniisama E, Golgo 13, Space Cobra...) est également un réalisateur hors pair, qui grâce à son ingéniosité parvient à faire de AWN un show étonnamment solide.
Drama sportif mettant en scène une jeune fille faisant partie du club de tennis de son lycée, AWN suit une trame très classique, mais ce qui le rend immédiatement singulier c'est bel et bien son style visuel et ses dynamiques de montage - que l'on pourrait décrire comme "gracieux et scintillants". Les graines de La rose de Versailles (et même de Utena puisque Ikuhara s'en inspirera énormément) sont déjà là ; malgré le manque évident de moyens et de technique qui confère à la série un côté cabossé et amateur pour un œil contemporain, Dezaki s'affaire à rendre chaque plan le plus expressif possible, en mettant des paillettes partout, en figeant les plans iconiques comme des cartes postales, en composant ses plans avec amour, en crayonnant à traits épais les silhouettes des sportifs en contrejour, bref en stylisant au possible pour accroître l'expressivité de sa série.
Le constat n'est pas tout rose non plus ; l'arbitre se trompe régulièrement dans l'annonce des points, Dezaki a une tendance abusive à représenter le désespoir de son héroïne en faisant en sorte que ses adversaires lui envoient des balles dans la figure (visiblement dans les écoles japonaises des 70s on apprend que la stratégie optimale c'est de viser la tête) et globalement il y a une complaisance assez ridicule à violenter physiquement Oka. Le pire pour moi restant le personnage de l'entraîneur, qui est montré comme cet étalon ténébreux qui n'expose jamais ses motivations mais a toujours raison, tandis qu'il passe l'essentiel de son temps à mettre une Oka ignorante (et pas qu'elle) dans des situations de plus en plus désespérantes et toxiques, comme s'il cherchait à briser son mental au lieu de réellement élever son talent. À chaque fois qu'il donnait une consigne insensée avant de rester mutique lorsqu'on l'interrogeait, j'avais envie de lui ravaler la façade. Je sais que ça n'est qu'une technique efficace de narration mais qu'est-ce que c'est agaçant... Enfin bref.
En dépit d'un milieu de série plus creux et beaucoup dans le recyclage, la dernière volée d'épisode m'a fait ravaler mes grommellements et m'a plutôt ébloui, sincèrement. Lorsque les enjeux se sont hissés au plus haut, soudainement les plans de match se sont avérés neufs, frais et beaux, le recyclage est devenu un mauvais souvenir, et même si on se doute de l'issue les parades de paon de Dezaki et son éclatante mise en image subliment tout et font oublier le reste.
Une série que je ne recommande qu'aux motivés - qui sont avant tout sensibles à l'attirail esthétique d'Osamu Dezaki et globalement des années 70, qui est sans doute un peu longue mais qui sait ménager des fulgurances de grâce. Et en bonus l'opening et l'ending sont excellents.