Kenny Powers
7.3
Kenny Powers

Série HBO (2009)

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Quand la vulgarité la plus crasse cache mal un désespoir profond

Kenny Powers est un peu à l'humour ce que Vic Mackey de The Shield est au genre policier: un personnage borderline sans limites, testant constamment la capacité d'attraction/répulsion du spectateur.
Improbable gloire déchue du base-ball, Kenny Powers est en effet un gros bâtard ventripotent, misogyne, raciste et imbu de lui-même (« I'm Kenny Fucking Powers!!»).

Si Eastbound & Down se démarque tout de suite par son connard absolu de personnage principal, la liberté de ton générale de la série surprend aussi.
Diffusé sur HBO, elle ne se prive jamais de se vautrer dans la vulgarité et la stupidité la plus édifiante, dans une débauche constante de sexe, drogue et rock'n roll sudiste.
Mais le vrai tour de force des créateurs de la série sera de dépasser ces limites pour livrer un portrait humain de son personnage principal, tout en restant fidèle à sa stupidité de départ.

La mise en scène virtuose des deux réalisateurs attitrés, David Gorden Green et Judy Hil, excelle ainsi à créer une ambiance troublante, trouvant un ton unique entre rire gras, lyrisme, consternation et malaise existentiel.
La série tutoie à plusieurs reprises la grâce, achevant de rendre humain ce personnage si détestable.

Danny McBride, aidée par une clique géniale de seconds rôles hilarants, trouve le rôle de sa vie, dépeignant sans jugement un personnage perpétuellement en équilibre entre crétinerie, prétention ahurissante et masochisme.

Le générique « I'm going down », toujours calqué sur un arrêt sur image drolatique, ne fait d'ailleurs que mettre en emphase cette chute annoncée qui n'en finit pas, les paroles sombres de Freddie King sur fond de guitare endiablée illustrant à merveille le destin à trajectoire unique du personnage.

La B.O en général est d'ailleurs particulièrement soignée, approfondissant le côté Amérique profonde de la série par un Rock bien sale et rugueux.
Presque constamment utilisée en décalage par rapport au personnage principal, la musique apporte beaucoup, par exemple dans ce grand moment de solitude lyrique qu'est la traversée en jet-ski d'un lac par Kenny, sur une reprise grégorienne de The Sound of Silence de Simon & Garfunkel.

Si Eastbound & Down restera dans les annales (hin hin), ce sera grâce au personnage culte de Kenny Powers, qui porte sur ses épaules cette série hilarante, grasse mais irrémédiablement humaine, qui négocie avec virtuosité ses ruptures de ton.

Saison 1: Ayant provoqué sa chute par son caractère impossible et sa consommation de produits dopants, Kenny Powers touche le fond et se voit obligé de revenir dans la petite ville où il a grandi pour devenir coach d'EPS.
Ce retour à la case départ n'est pas pour lui l'occasion de faire le bilan sur ses erreurs passées, mais bien plutôt de s'éclater un maximum, en buvant, sniffant et baisant le plus possible.

Complétement crétin, Powers est évidemment un prof ahurissant de nullité pour ses élèves, n'hésitant pas à sniffer discrétos une ligne en pleine cafétaria, à les traiter avec condescendance et à organiser des duels de free fights.

Sentimentalement parlant, l'objectif avoué de Powers est de se retaper son amour de jeunesse, un lent zoom sur la poitrine opulente d'April rendant très claire la nature de l'attrait qu'elle représente pour lui.

On réalise plusieurs fois le décalage absolue entre la réalité et les prétentions de Kenny, qui se voit bien plus grand qu'il ne l'est.
On se souviendra longtemps de l'hilarante danse de Kenny en entrant au ralenti dans le collège, provoquant l'hystérie de ses élèves sur le « Your Touch » sauvage des Black Keys, alors qu'une coupure abrupt nous montre que Kenny n'assure en fait que dans sa tète.

Sur ce principe de décalage, on retiendra ce moment crucial, douloureux et bouleversant: Quand Kenny écoute l'audio book qu'il a enregistré du temps de sa splendeur, qu'il s'entend débitter les pires énormités, genre « certaines personnes sont destinées à accomplir de grandes choses, je n'avais pas d'autre choix que d'être une légende », alors qu'il est manifestement au fond du trou, on voit qu'il en vient à détester ce qu'il est devenu.

Face aux échecs à répétitions, Kenny est forcé de voir la vérité en face. Il n'est pas une légende, il ne retrouvera probablement jamais la gloire, et il réalise l'inanité absolue de son existence.
Les larmes aux yeux, il confiera très justement à son frère « I'm super sad ». S'ensuit un super monologue de Kenny qui se dit prêt à renoncer à ses rêves et à accepter d'être un raté comme les autres.
C'est une réelle performance que de rendre un crétin pareil aussi émouvant.

Et c'est avec ce même lyrisme épique que Kenny dicte à son ami Stevie sa décision de prendre sa retraite, alors qu'un montage parallèle nous montre Kenny, iconique, mettre le feu à tous les objets de sa gloire passée.

La fin de la saison est, alors que tout semble s'arranger pour Kenny, un cruel rappel de sa nature profonde de connard.
Laissant littéralement son amour sur la route plutôt que d'avouer son échec, Kenny semble plus perdu que jamais, entre solitude absolue et déni.

Saison 2: Kenny Powers n'est manifestement pas le seul à avoir une grosse paire, les créateurs de la série ayant carrément décidé de consacrer toute cette saison à une parenthèse mexicaine.
Une saison de transition avec un cadre totalement différent, délestée de tout les éléments tournant auparavant autour de Kenny.
A part Stevie bien sur, qui suit Kenny dans sa fugue mexicaine (« Welcome to the motherfuckin' resistance ») et qui découvrira l'amour avec une mexicaine obèse ayant des poils sous les bras, Maria.

Kenny gravite maintenant dans les bas-fonds de Mexico, organisant des combats clandestins de coqs. Un délire complet, Kenny étant en partenariat avec un nain moustachu sournois et ordurier, joué par le génial Deep Roy, l'oompa-lumpa du Charlie et la chocolaterie de Burton.

Mais les arnaques ne durent qu'un temps, et Kenny revient lentement à ses premiers amours: il intègre l'équipe locale de base-ball.
Une intégration qui n'est pas de tout repos, Kenny venant parfois sur le terrain en moto, quand il n'insulte pas un par un ses coéquipiers, ou qu'il ne sort pas un gun pour tirer en plein stade, dans un grand moment de détresse.
Sa relation conflictuelle avec son entraineur, rencontré alors qu'il urinait aux bords du stade, va peut-être enfin lui apporter la maturité nécessaire pour remonter la pente.
Pas évident lorsqu'on est un âne buté comme Kenny qui s'impatiente carrément lors de la confession de l'entraineur, avouant pudiquement devant la vitrine de sa gloire passée que lui aussi a eu ses moments d'égarement. Réaction de l'intéressé: « Je ne comprends pas du tout de quoi on parle, et cette vitrine me fait flipper! »

Kenny essaie tant bien que mal d'oublier April (même s'il se masturbe parfois devant sa photo) dans les bras de Vida, une chanteuse qui vit avec son fils. Une relation triangulaire qui aboutit à de grandes répliques (« Tu veux voir un tour de magie? Appelles moi Papa. », « Toi et moi on sait que tu n'es que la petite amie de transition, comme la meuf en Sicile dans Le Parrain »). Kenny n'hésite aussi pas une seconde à mimer une levrette devant le gamin lorsque Vida se penche pour attraper quelque chose dans le frigo. C'est toujours de bon goût.
Kenny, à côté de la plaque comme jamais, ira jusqu'à déclarer à Vida et son fils, qui n'en croient pas leur yeux, qu'il est maintenant prêt à se poser avec eux et former une vraie famille.

La famille, une question qui travaille Kenny, s'étant secrètement donné comme mission de renouer avec ses origines en retrouvant le mystérieux Eduardo Sanchez. Qui n'est pas le réalisateur de Blair Witch comme le pense Stevie, mais bien le père de Kenny, joué par un Don Johnson goguenard et très en forme.
Les retrouvailles seront fidèle au caractère de merde des Powers, les coups bas s'enchainant entre deux joints et promenade en karts.

Grand moment de barre de rire: dans une hilarante reprise des codes du clip de rap, Kenny et Stevie s'éclatent au ralenti sur une musique gangsta, kiffant la vibe en faisant s'exploser les canettes de bières sous les roues de la voiture, entre deux signes de mains genre « représente ».

La fin de la saison voit l'escapade mexicaine toucher à sa fin, et ce n'est pas une moindre performance que de faire ressentir le retour à la maison des débiles Kenny et Stevie comme une odyssée existentielle bouleversante (le crescendo musical de la fin d'ep 06 donne la chair de poule).
L'enfant prodige (ou le sale gosse, au choix) est de retour, enfin prêt à s'assumer.

Étant maintenant passablement accro à la crétinerie crasse de Kenny, on attend la suite avec impatience.

The motherfuckin' end.
Dalecooper
8
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le 19 févr. 2011

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