Regarder L'Arme Fatale en série est très étrange. Elle représente tout ce qu'il y a de plus conventionnel avec un genre qui a été en partie fondé par les films dont elle est tirée, et qui à leur époque étaient vraiment frais et nouveaux. En somme, regarder la série L'Arme Fatale, c'est se dire qu'on regarde vraiment la base (au sens de "la chose la plus basique") du buddy-cop movie, en version sérielle. De l'action débridée, un duo comique et quelques pointes de drame. Sauf que depuis 1987, le genre a beaucoup été utilisé pour alimenter d'autres ambitions. On s'est rendu compte qu'en fait, ce stéréotype du duo que tout oppose et qu'à la fois tout rapproche, on peut l'utiliser n'importe où. Ce que j'entends par là, c'est que dans l'idée, ce duo marche, mais il faut l'accompagner de choses nouvelles pour le rendre intéressant, en film comme en série (du loufoque absolu de Men In Black au sérieux absolu de True Detective). Revenir en 2016 avec comme seule prétention de refaire le duo Murtaugh-Riggs, c'est un peu léger de base quand on a eu tout ce qu'il est possible d'avoir comme duo comique/conflictuel de flics ou autre depuis; et pour les fans, ça le sera d'autant plus que le duo Wayans-Crawford n'est pas Glover-Gibson. Mais pour être tout à fait honnête, je ne pense pas que ça soit vraiment la faute du duo non plus. Malheureusement, scénaristiquement, en tout cas sur les cinq premiers épisodes, ça n'est pas très glorieux.
L'idée de base du duo, c'est d'avoir un flic au bord de la retraite, qui pense avant tout à revenir sain et sauf à la maison pour sa femme et ses gosse, et qui se voit coller un jeunot limite nervous-breakdown depuis la mort de sa femme, et qui montre des tendances suicidaires. Ce duo marche parce qu'on a un policier qui pousse en avant et un autre qui tire en arrière. L'un parce qu'il s'en fout de tout, et l'autre parce qu'il ne veut pas mourir. L'idée de toute la saga c'est de les voir trouver un juste milieu. C'est ce qui fait que leur duo fonctionne; Murtaugh apprend qu'il n'est pas encore un vieux croûton et malgré les années et son fameux "I'm too old for this shit", il continue d'être un flic de terrain efficace. Et Riggs apprend à se retenir à plus réfléchir et trouve au fur et à mesure, en partie dans son partenaire et sa famille, une raison de ne pas se jeter au feu. C'est simple, mais diablement bien joué et ça mélange habilement de l'action, de la comédie (forcément avec un tel décalage de personnalité) et du drame.
Pour cette version, les créateurs de la série voulaient apparemment ne pas coller à 100% au matériel de base et ont choisi un pitch légèrement différent, ce que je trouve louable dans l'idée, mais qui dans les faits pose problème à deux égards.
Déjà, les deux personnalité ne sont pas si éloignées que ça:
Murtaugh a cinquante ans, une femme, deux ados et un bébé. Il revient au boulot après des soucis cardiaques; le premier épisode passe pas mal de temps à nous montrer sa cicatrice qui révèle une lourde opération. Il est prêt cependant à retourner sur le terrain; contrairement au Murtaugh original, il ne rechigne pas forcément à la tâche, mais les circonstances familiales et de santé font qu'il n'est pas censé faire n'importe quoi. Bien. En sus, l'un des gimmick de ce personnage, c'est qu'il a dans les premiers épisodes une montre qui suit son rythme cardiaque et lui indique quand il commence à faire n'importe quoi - je vais y revenir parce que c'est une des idées qui ne sont jamais utilisées. Seulement lors de son retour sur le terrain, on lui confie un certain Riggs, un flic de toute évidence dangereux. Pas léger, pas chien fou, pas efficace mais éléphant dans un magasin de porcelaine. Juste dangereux. Et là est un peu le problème.
D'un côté, on a un Murtaugh qui ne traîne pas particulièrement la patte en réalité. Dès le premier épisode, Riggs lui fait faire n'importe quoi sans trop rechigner; à vrai dire, c'est plus sa femme qui semble remplir son rôle de laisse au cou de Riggs (comme dans l'original certes, mais Murtaugh était plus eau tiède dans le premier film)...sans trop insister non plus puisque dès qu'elle rencontre Riggs elle le trouve assez sympathique pour lui lâcher la grappe.
Et de l'autre côté Riggs est trop, beaucoup trop problématique. Il ne s'agit pas d'un policier qui prend des risques parfois inconsidérés pour résoudre une situation de manière créative mais destructrice. Non il s'agit d'un mec qui n'a aucune retenue et se met lui ET LES AUTRES systématiquement et délibérément en danger, et le fait avec une absence complète de conscience des autres. Comme le scénario de la série justifie cela par le fait qu'il a des amis hauts placés qui l'empêchent de se faire virer, en gros, il est en roue libre complète. Qu'elle que soit la connerie qu'il peut faire, celle-ci est balayée d'un revers de main par un simple: "nan c'est bon vous pouvez y aller, Riggs". Et le pire est sans doute le rôle attribué à Jordana Brewster qui est ici la psychologue censée rendre un verdict sur l'aptitude de Riggs à travailler ou non, et par ailleurs solliciter le côté sombre du personnage, suicidaire en puissance; celle-ci ne donne jamais un signal rouge alors qu'il est de toute évidence inapte à servir. Quand l'a question lui est posée directement, elle répondra qu'elle n'en sait rien (déjà ouvre tes yeux) parce que ce dernier ne vient jamais aux séances, ce qui devrait lui valoir une suspension de base, puisqu'il est entendu qu'il ne peut retourner sur le terrain que contre un peu de bonne volonté.
Dans l'idée, ça ne serait pas si problématique que cela si cela était fait correctement. Les films en faisaient pratiquement autant mais rapidement, on se laissait porter par le rythme et l'histoire, les personnages plutôt que de questionner chaque décision de la hiérarchie qui laissait Riggs faire n'importe quoi.
Mais ici, en plus, ça va trop vite:
En plus d'avoir un Riggs réellement dangereux, la série essaye de compresser la relation entre Murtaugh et Riggs dès le premier épisode. En 45 minutes, la question de leurs méthodes opposées est réglée puisque Murtaugh est plutôt content de cette collaboration et de cette action dans savie. Il dira à sa femme dès le deuxième ou troisième épisode qu'il a eu un job plus intéressant en quelques jours avec Riggs que toute sa carrière jusqu'ici. La fameuse montre, qui est un accessoire narratif pas si con (mettre en visuel le fait qu'il doit se ménager, c'est une bonne idée) est abandonnée en deux-deux, sans même que l'épisode ne s'attarde un minimum dessus. Après un build-up sur la cicatrice et cette montre, c'est incroyable que la série passe sur la sensibilité cardiaque du personnage.
Rapidement donc, on trouve le fameux équilibre qui était pourtant tout l'intérêt de la relation entre les deux personnages. Murtaugh ne dit même pas sa catch-phrase favorite, c'est Riggs qui la prononce pour lui. Et dès troisième épisode, on a un Murtaugh qui tire dans le pied de son collègue pour qu'il esquive une balle et récupère une arme au sol pour tuer un sniper...
Tout ces détails, la montre, la catch-phrase etc. ne sont pas que des détails. Le "Je suis trop vieux pour ces conneries!" n'était pas sorti de nul part; il servait à montrer un Murtaugh qui se croyait au bout du rouleau, mais qui quelques minutes plus tard prouvait qu'il ne l'était pas. Ici, tous les artifices narratifs permettant de cadrer Murtaugh dans ce rôle sont oubliés le rapprochant dès le début de Riggs. Et Riggs en compensation est juste complètement débile, au lieu d'être fougueux. Débile et sans attache au sol, ni de la part de ses supérieurs qui le laissent faire, ni de la part de Murtaugh qui ne l'empêche pas de faire grand chose, et le raisonne assez peu.
Et puis la précipitation condamne aussi un peu le drame de la série qui tombe souvent comme un cheveu sur la soupe et se voit désamorcée en deux secondes par une vanne. Difficile de se soucier de Riggs quand on répète ad nauseam qu'il a des envies suicidaires, mais que personne ne fait rien pour l'empêcher de se tuer, parce que c'est plus marrant de lever les yeux au ciel quand il fait exploser un camion de propane au milieu d'une rue en pleine journée et de dire "Ooooh RIGGS! Vous êtes pas sérieux quand même! Bon allez, retournez à votre enquête mais attention, vous coûtez trop cher au contribuable!".
Manque de dynamique du duo et de dynamisme des enquêtes...
Du coup, même en ayant rien contre Wayans et Crawford, les personnages ne leur permettent pas vraiment d'avoir une dynamique intéressante à suivre comme les films pouvaient l'avoir. Ce n'est pas pour rien qu'ils étaient écrits comme ils étaient écrit et que des films comme Men In Black reprenaient exactement la même dynamique. Et comme le tout est servi par des enquêtes assez peu intéressantes jusqu'à présente, compte tenu du fait qu'on est en 2017 et qu'on a des vingtaines de saisons de séries policières post-CSI derrière nous, avec tous les concepts du monde déjà faits (le Mentalist, le mec qui lit sur les visages, la meuf qui voit dans le passé, dans le futur, dans l'imparfait du subjonctif etc.) c'est dur de trouver un vrai intérêt à la série, malgré la relative alchimie entre les deux acteurs.
Au final, je ne trouve pas que Lethal Weapon version série soit une offense quelconque aux films que j'ai pourtant en haute estime. Simplement, c'est une série médiocre sur le concept (avec du blé pour les explosions à chaque épisode par contre) qui ne tire pas vraiment partie de son concept de base. Les personnages principaux ne sont pas à des spectres opposés de la façon de faire. Il y en a juste un complètement marteau et l'autre qui le suit sans trop faire d'histoire parce qu'au final, il aime bien ça. Du coup, bah...c'est pas complètement nul, mais ça n'a vraiment rien qui accrochera quiconque à part les fans de séries policières (dont je suis). Bof!