À l’heure où bon nombre de shônen « cultes » des années 2000 sont terminés, que ce soit depuis un certain temps comme Full Metal Alchemist ou Death Note, ou que ce soit plus récemment come Naruto, Bleach ou Fairy Tail, certains s’étaient déjà chargés de prendre la relève pour les années 2010 touchant déjà à leur fin. À chacun des mangas cités, l’adaptation animée avait eu un certain succès, et il en fut de même pour Attack on Titans, probablement l’un des populaires de ces dernières années. Les fans ont dû prendre leur mal en patience, attendre quatre ans pour douze épisodes, ont-ils autant récompensé, l’héritage a-t-il été porté ? À mes yeux, la réussite est de taille !
Cette deuxième saison reprend là où la première s’était achevée. D’emblée, cette suite se présente comme fidèle tout en innovant : les précédentes qualités se mêlent aux nouvelles, comme pour former une genèse. Elle va plus loin, elle est plus puissante, plus rythmée, et propose des idées comme des révélations excellentes. Bon nombre des défauts de la saison 1 ont été gommés pour laisser place à un développement de personnages exemplaire ainsi que des combats de qualité.
Outre ces généralités, il faut concéder que quelques défauts subsistent, hérités de la forme et de la technique de la première saison. Difficile de se détacher entièrement des codes inhérents à bon nombre d’animes type nekkestu. Ainsi nous assisterons à moult flash-backs à des moments parfois inopportuns. Certains sont utiles comme j’en parlerai après, d’autres sont prétexte à gagner du temps, car je ne pense pas que le spectateur ait oublié ce qui s’est déroulé cinq minutes plus tôt à l’écran. Le rythme en devient ralenti alors que la saison est assez dense et riche en événements, tout du moins lors de sa première moitié.
Parmi les qualités techniques, citons une mise en scène toujours immersive. Cette saison voyage, voltige, nous transporte telle une incoercible brise et ne s’arrête que pour souffler un peu. En (quasi) parfaite alternance entre combats, révélations et sérénité, l’animation s’adapte aux événements. Citons les combats tridimensionnels toujours aussi fluides et dynamiques. Les décors demeurent très jolis malgré une répétition de plaines et de forêts. Appuyés par les événements, ils tiennent ici un symbolisme évident à défaut d’être subtil. La musique soutient également le socle entier : les meilleurs thèmes de la première saison se mélangent au nouveau dans une harmonie impeccable.
Un vent de fraîcheur s’abat dès le premier épisode qui nous remet dans le bain sanglant. Il nous rappelle que même si la série comporte bon nombre de clichés, tout son intérêt réside dans le désespoir latent d’une humanité en perdition et des jeunes en perte de repères. Je vais être franc : Eren Jäger représente pour moi un personnage inintéressant. Non pas parce qu’en dehors de sa soif de vengeance, il se différencie peu des héros de shônen lambdas, mais parce que son évolution stagne. En trent-sept épisodes, j’ai l’impression que son personnage n’a pas évolué d’un poil, comme si il était enfermé pour toujours dans ce cycle frustration/espoir/tristesse/colère/vengeance, sans nuance possible.
Voilà où je voulais en venir. Je crois qu’à l’instar de Naruto et Harry Potter, Attack on Titans brille davantage par l’écriture de ses personnages secondaires. Certains avaient été délaissés lors de la seconde partie de la première saison, ils sont enfin mis à l’honneur. Tous ont leur moment de gloire, leurs instants intimistes, tous extériorisent leur humanité que ce monde âpre tente de happer. Sauf quelques exceptions : Rivaille, Hanzi et Erwin, beaucoup vus lors de la saison précédente, sont plus en retrait, et Jean est sûrement le personnage du groupe principal faisant le moins d’apparition.
Le combat final verra quand même Erwin se faire arracher un bras et Hannes se faire bouffer par le même titan qu’il n’aura pas réussi à tuer au début. Cette mort était prévisible à partir de trois épisodes avant, et bien qu’elle soit un peu clichée, la mise en scène et son utilité scénaristique rattrape le reste.
Les lumières éclairent donc le groupe principal en dehors du trio principal. Successivement on verra les fantômes du passé hanter Sasha et Conny, passant d’éléments comiques (la morfale et le nain) à véritables humains tourmentés (ancienne fille raciste, maintenant héroïne malgré elle, ancien garçon loyal, maintenant frappé par la vérité), tous deux intimement liés à leur famille.
Les bonnes surprises de cette saison sont Ymir et Christa. Peu mises en avant lors de la première saison, elles étaient déjà prometteuses par leur complémentarité. Ce qualificatif ne les aura jamais aussi bien définies. Leur relation est touchante, véritable. Je ne suis pas amateur des « couples » dans les shônens en général, mais celui-ci est particulièrement réussi. J’affirmerais même qu’Ymir s’avère le personnage le mieux écrit de cette saison-ci. Son ambiguïté la caractérise jusqu’à la fin de la saison, et ses nombreux états d’esprit l’empêchent d’être unilatérale. Tantôt mystérieuse, tantôt audacieuse, sa loyauté vacillante se voit ébranlée, à chaque fois définie par les liens qu’elle tente de refouler.
Je ne m’attendais à ce qu’elle soit un titan, mais au-delà du twist, cela rentre en cohérence avec le personnage. Son passé est poignant, plus que tout autre personnage. Le culte de la personnalité dont elle n’avait pas vraiment voulu s’est retourné contre elle, elle a souffert, elle a erré, et maintenant, elle se voit en Christa, la gentille, la courageuse, la peureuse, l’altruiste, l’égoïste. Son visage toujours angélique, pourtant déjà marqué par les épreuves de sa vie de soldate.
Au-delà des ruines et des batailles, la saison 2 nous assène de révélations, nous empêche de nous y mettre, ne serait-ce que par un halètement. Ceci soulève la question de la place de chacun, eux qui souhaitent découvrir à tout prix les mystères enfouis de l’humanité. Et surtout quels magnifiques paysages se situent hors des murs. On en reste pantois, essoufflés.
J’avais été, à mon grand dam, spoilé que Reiner et Bertolt étaient respectivement le titan cuirasse et le titan colossal (évident pour le premier vu la coupe de cheveux). Cela n’a pas gâché le plaisir de la révélation qui sort de nulle part, un anticlimax maîtrisé, silencieux, pesant, opposé même à ce qui avait été montré pour Ymir quelques épisodes plus tôt.
La plupart des promesses auront été tenues, l’adaptation aura été de taille, les enjeux maîtrisés. Attack on Titans a prouvé qu’il existait par ses thèmes : la jeunesse oppressée, la famille, l’isolement, l’amitié, tout reste touchant sans s’engouffrer dans la mièvrerie. Mais la série existe également au travers de ses personnages, des relations qu’ils tissent avec autrui. L’individu face à la communauté, l’avenir de tout un chacun demeure incertain…
La saison 3 risque de se faire désirer encore plus que la saison 2. Même en supposant qu’il faudra moins patienter, l’intérêt est présent, éveillé. Des questions ont été résolues mais le double est en suspens. Et, d’après ce que je sais, la série s’engagera par la suite dans une voie plus « politique ». Qu’en sera-t-il ? Après une bonne saison 1, une très bonne saison 2, ma confiance est entière !