L'Incroyable Famille Kardashian par Alligator
Il existe une incroyable famille, la mienne, dans laquelle ma femme m'oblige à voir cette émission sur E quand SFR nous ouvre les droits deux fois l'an gratuitement. Une semaine de E équivaut à une semaine de Kardashian et autres Real housewives. Chacun sa croix.
À force de regarder cette chose bizarre, ce concept hallucinant, j'en viens à me poser des questions existentielles... ou disons moins sérieusement sur la télévision en général, sur l'état d'une civilisation qui pond ça et sur ma femme qui jubile devant et sur moi qui prend goût à jubiler de conserve... Je sais bien que de tout temps il y eut des spectacles navrants et des spectateurs jubilants. Je sais, mais je ne peux m'empêcher de me demander si on atteint pas là le fond du fond. Illusion d'optique qui se répète de génération en génération. Non, mon vieux ce n'était pas mieux avant. Reste ce sentiment que l'on est peu de chose. Voilà où me mènent les gesticulations des Kardashians! Comment a-t-on pu penser à faire ce genre de télévision? Pourquoi regarde-t-on ça? Qu'est-ce qu'il y a derrière tout ça? Quelles sont les équivalences?
Moi qui regarde parfois de sombres bouses cinématographiques, de bons gros nanars, j'essaie en fait de donner un sens rapprochant, comme s'il y avait une "télé-nanar" que l'on regarderait sans y croire, mais en se posant toujours la question du réel derrière le feint, le scénario. Je me demande bien ce qui peut pousser des gens sensés (merde, oui quand même, on passe pas notre temps devant une télé aussi plate sans arrêt!) peuvent se divertir avec ce fatras hypocrite et factice jusqu'au bout des ongles manucurés. Il faut croire que ma femme et moi ne sommes pas si "sensés" que je voudrais le croire. Tout simplement je crains bien que ce ne soit la seule raison. Au moins cette émission aura le mérite de me ramener un peu sur terre. Une émission de télé-réalité peut rendre humble celui qui la regarde. Mais le monde reste encore plus mystérieux par sa complexité : on peut lire "le débat" ou "Commentaires" et regarder "Cauchemar en cuisine" ou les Kardashians.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette dernière, il s'agit de l'histoire très creuse d'une famille millionnaire de névrosés californiens menée par une mère omnipotente, une marâtre qui rend ses filles aussi hystériques qu'elle, qui coupe les coucougnettes de tous les hommes alentour, à commencer par son fils et son mari envahis par toutes ces donzelles exubérantes et castratrices.
C'est vide. On nous sert un pseudo problème par épisode avec sa solution en guise de morale à deux balles pour conclure. On y aligne connerie sur cliché. On se plaint, on chouine, on gueule, on se rabaisse, on crise, mais tout finit par un sempiternel "la famille et l'amour avent tout" qui pue l'écriture de scénaristes mal besogneux.
Le tout est parfaitement incohérent. Car ce qui est indéniable, c'est bel et bien l'emprise du fric et des apparences chez tout ce petit monde. La mère maquerelle a beau singer l'amour épanouissant de la famille vertueuse, elle n'est qu'une femme chef d'entreprise, de l'image de ses filles, surtout de la première, Kim. Le pire, c'est qu'il n'y en a pas un pour relever l'autre. Alcoolisme, addictions diverses forment le lot des boulets que ces pauvres gens traînent pour supporter ce cynisme et cette hypocrisie constants. Je suppose alors que les téléspectateurs sont censés se sentir mieux en se comparant à cette engeance déplorable et vulgaire? C'est juste ça? Il va falloir que j'arrête ce genre d'émission. Pernicieux tout ça hein?
Bon après tout ce verbiage de vierge effarouchée (en fait d'hypocrisie, je me pose là hein?), il n'en demeure pas moins que j'ai regardé cette chose avec les yeux tout ronds, me demandant bien ce qui se passait devant moi, et petit à petit, à en rire... oui, de la nanaritude de la télé on peut bel et bien former un concept qui peut expliquer que cela fasse du tabac. On n'aime pas mais on regarde quand même. Autre vérité obligée, le taux de lassitude est également très fort sur ce genre de shows. Arrive en effet un moment où l'on sature et où les personnages apparaissent de plus en plus difformes et emmerdants. Le consensus sur la fausse "réalité" qu'on nous montre ne fonctionne plus. On se rase.