Et voilà! Après les Leterrier, les Mégaton et consort, voici intronisé représentant du film d'action hexagonal: Franck Gastambide! Je vais commencer par une allusion il est vrai douteuse à son nom de famille en disant que la dernière syllabe de celui-ci aurait dû nous renseigner sur les capacités cinématographiques du Monsieur! Mais c'est vrai, c'est un peu facile et bas. Mais bon, dans cette série il s'attaque à un genre tout aussi noble que le sport auquel il se rattache, car même si l'on est dans l'univers du MMA, nous savons très bien que le genre a été balisé par de grands titres sur la boxe. Et la méthode de Gastambide est d'aller piquer un peu partout dans ces références (surtout Rocky!) et d'assembler tout ça à grands coups de chattertone scénaristiques. Malheureusement rien ne prend!
Débutons par le casting qui ne fonctionne jamais à de rares exceptions. Commençons donc par le rôle principal tenu par Melvin Boomer qui, mise à part un petit air boudeur maintes fois répété, n'a pas un éventail de jeu très riche c'est le moins que l'on puisse dire. Le problème c'est que pour ma part ce manque flagrant de densité de jeu, d'incarnation, n'a pas facilité mon identification au personnage, même après que Gastambide et ses scénaristes l'aient affublé d'une mère caricaturalement ignoble. Je me suis même laissé dire qu'il fallait qu'elle soit ignoble afin de compenser le manque d'épaisseur du personnage principal et de doper le tragique qu'il ne peut exprimer seul.
Ensuite passons à l'entraineur, Franck Gastambide himself! Lorsque l'on choisit de répéter une trame scénaristique comme celle de Rocky, on doit être conscient de la dimension des personnages clé et l'entraineur en est un et de taille. L'entraineur chez Stallone c'est l'âme double du boxeur, celui qui ravive la flamme en faisant passer la filiation du héros avec les légendes passées. C'est le père symbolique qui relie le boxeur à un tout légendaire. Burgess Meredith avait la densité de jeu pour le faire passer, Forest Whitaker également dans Southpaw d'Antoine Fuqua qui reprenait aussi la dramaturgie de Rocky mais en réussissant l'exercice autrement mieux que Gastambide. Ce dernier ne doit pas avoir conscience des limites de son propre jeu, car dans le rôle de l'entraineur rien de ce que je viens de dire ne passe.
Passons maintenant au rôle anciennement dévolu à Talia Shire, Adrian! N'en déplaise à certains ou certaines qui pensent (parfois à juste titre) que les rôles féminins ne doivent pas remplir les mêmes critères que par le passé, mais toute la dynamique entre le boxeur et la femme dont il est épris dans Rocky repose sur le fait qu'elle ne fait pas complètement partie de son monde et qu'elle représente plutôt l'archétype de la mère, celle qui protège. Antoine Fuqua l'avait bien compris, Rachel McAdams remplissant cette fonction à merveille et Creed ne fait également pas exception à cette règle, car c'est aussi à cette condition que le personnage féminin participe au ravivement de la flamme du boxeur. En choisissant de faire d'elle une combattante, Gastambide atténue profondément cette dynamique à tel point que le personnage joué par Edwige Ahonto devient très vite totalement accessoire car sans dynamique. Il faut alors lui trouver un nouveau ressort et c'est par une triste affaire de jalousie digne de Plus belle la vie que Gastambide essaie laborieusement de la réinstaller au coeur de l'intrigue. De la mère protectrice à la femme convoitée et accessoirisée, à vous de choisir!
Maintenant passons au gros méchant qui est très clairement inspiré du personnage de Clubber lang dans (encore!) Rocky 3. J'ai franchement trouvé que Mister T ne faisait pas trop d'ombre à Bosh qui livre ici une bonne prestation avec une présence épaisse en haine et fureur. Le problème c'est que le scénario le cantonne toujours à la même fonction et le personnage, pauvre en motivations plus complexes, souffre de répétitions. D'ailleurs, à l'instar de la mère, je pense que cet aspect caricatural de Bosh vient encore compenser le manque de densité du héros. Dans Rocky 3, même si Clubber Lang était également caricatural, le discours d'Apollo Creed lui donnait une autre dimension, car il personnifiait ce que Rocky avait perdu: L'oeil du Tigre. C'est d'ailleurs lors de la scène avec Jon Jones lorsqu'il parle justement de l'Oeil du Tigre, que l'on s'aperçoit que le réalisateur n'a rien compris de la dynamique des films dont ils se réfèrent, collant maladroitement ces citations au gré d'un scénario opportuniste.
Pour en fini avec le casting, il faut s'arrêter sur la présence de nombreuses guest Stars. Ce qui est probant en regardant la série, c'est que Gastambide fait appel à ces stars du MMA pour remplir une sorte de fan service, mais aussi afin d'enraciner son histoire dans le réel. Mais force est de constater que cette caution de réalisme se retourne contre la véracité de sa fiction. En effet, dans la série le réel ne vient pas au secours de la fiction, il la rend juste totalement Fake. Car à chaque fois que le héros se trouve en présence d'un personnage réel je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il n'était qu'une fiction. Il y a plusieurs raisons au fait que cela ne prend pas du tout. Encore une fois cela vient d'une mauvaise compréhension de ce dont Gastambide s'inspire. Dans le premier Rocky et parfois dans ses suites, Stallone a fait intervenir plusieurs fois des personnages de la réalité (les chroniqueurs des combats étaient de vrais journalistes, etc...), mais ceux-ci n'étaient là que pour rendre un environnement et ils ne pénétraient jamais la fiction intime qui elle était jouée toujours par des acteurs. Mais Stallone est un véritable auteur qui a foi en la puissance de l'imagination et qui sait intuitivement que le réel est souvent l'ennemi de la fiction s'il n'est employé qu'à la secourir. Si on analyse bien ses propres sensations, dans toutes les scènes où Jon Jones, George Saint Pierre ou Ciryl Gane apparaissent nous ne croyons plus en notre héros en tant que combattant, nous voyons plutôt un acteur qui joue face à de réels combattants. Il n'est donc pas interdit d'utiliser des personnages du réel dans un film, mais je pense qu'il faut savoir les tenir à distance de la fiction afin de ne pas l'altérer. La deuxième raison qui rend cette série complètement artificielle est la forme.
Esthétiquement, la série nous renvoie tout le temps a une forme que nous connaissons bien lorsque nous sommes fans de MMA et qui correspond au dispositif audio-visuel mise en place par toutes les grandes fédérations de MMA tel que l'UFC, les épisodes faisant penser parfois à une succession d'Embedded. Nous pourrions voir dans ce choix le désir de donner à la série une facture documentaire, toujours avec l'intention de l'enraciner dans le réel. Mais le problème se situe dans la réalisation et la chorégraphie des combats. Il est vrai que techniquement ils sont tout à fait respectueux de ce sport, les combats ayant été chorégraphiés par Taylor Lapilus. Mais leur rendu donne la forte impression qu'ils ne sont que des chorégraphies justement. L'enchainement des mouvements est tellement clair, l'arrivée des coups qui feront la différence tellement marquée que dans cet environnement réaliste les affrontements font fake. Le choix des bruitages pour les coups, digne des bruitages des années 80, n'aide également pas non plus à la véracité de l'affaire. Je pense que lorsque l'on s'attaque au film de boxe, il faut donner une certaine attention à ce que les meilleurs en ont fait. En matière de réalisme la meilleure manière de redonner un combat a été faite il y a maintenant 20 ans par Michael Mann pour Ali. Quand on regarde bien un vrai match, on se rend compte que bien que les boxeurs sont des professionnels, il y a toujours une part d'imprévisibilité dans l'affrontement qui rend le réel parfois difficile à lire, presque confus. C'est exactement ce que Michael Mann a tenté de rendre et prendre Mann comme référence aurait grandement aidé cette série à gagner en réalisme.
Dans ses non-choix et ses facilités, Gastambide ironiquement se fait complètement avoir par cette tendance à vouloir absolument rattacher la fiction à la réalité. Il fait du Métacinéma malgré lui, car ses pauvres protagonistes de fiction ne sont pas conscients de leur propre supercherie.