Cela faisait si longtemps que j'espérais une série sur la gestion des affaires étrangères... Beaucoup de coups retors, de complexité, de personnages et nations aux approches diverses et variées. Un Game of Thrones moderne en réserve ! L'idée seule d'une équipe comme celle du Bureau des légendes s'occupant de ce thème me faisait saliver.
Quel plaisir de voir la chose arriver ! Bon c'est une prod Netflix et c'est Américain donc ce sera plus Homeland que Bureau des légendes ce qui implique plus de théâtralité, de politiquement correct et moins de réalisme mais tout espoir n'est pas perdu.
Assez rapidement, nous voici déçus par une succession d'invraisemblances : l'ambassadrice est convoitée pour un autre poste plus important que tout le monde semble vouloir lui donner sans raison aucune. "Elle est taillé pour le rôle" disent-ils après que cette dernière ait réussi à ne rien faire de spécialement remarquable.
Le premier grand problème se dessine progressivement : dans cette série, Kate Wyler est le centre et nous suivons l'évolution de l'intrigue à travers sa perspective. La réalisation se retrouve alors confronté au choix du personnage capable de susciter de l'empathie (accessible au spectateur) ou bien de l'admiration (le héro). C'est ce dernier choix qui sera fait. Le problème c'est que pour la rendre "extra-ordinaire" les procédés sont mauvais. Une piètre tentative est faite pour nous faire croire qu'elle a des idées géniales mais, bien que logiques, elles ne le sont généralement pas.
Donc 1er procédé) par contraste, la réal décide de rendre les autres personnage cons. Elle se retrouve par exemple à dire au ministre britannique des affaires étrangères comment faire son travail avec des évidences grossières et celui-ci prend sa moue surprise "wouah si seulement j'y avais pensé !". Elle explique au 1er ministre au détour d'une sortie pyjama/casse-dalle de minuit qu'il ne faut pas bombarder l'ennemi sans dégainer le moindre argument et le Mr. répond qu'il est impressionné et change immédiatement de position.
2ème procédé) Il faut comprendre qu'une personne qui ne souhaite pas faire de politique "politicienne" est une bonne personne donc notre protagoniste n'aura de cesse que de rappeler qu'elle n'est pas faite pour toutes ces conventions alors même qu'elle les enchaine avec brio. Plus simplement : elle s'invente une difficulté avant d'aller la franchir. Qui plus est une diplomate qui s'affranchit des conventions sociale ? Comme un enseignant qui s'affranchit d'élèves.
3ème procédé de loin le pire de tous : les dialogues écrit par des gens qui fantasment les élites. A-B-S-O-L-U-M-E-N-T rien n'est dit simplement. Tous les échanges sont lourds :
1) "Voudrais-tu que je reste ?"
2) "Voudrais-tu que je te demande de rester ?"
3) "Voudrais-tu que je te demande de me demander ?"
(ce n'est pas une blague ce dialogue s'y trouve)
On finit par comprendre que derrière cette apparente complexité se cache généralement des échanges plutôt simples. Mais rendre volontairement la chose plus dure d'accès pour donner l'impression qu'il y a substance est un procédé vraiment médiocre.
Le second grand problème est la "féminité" de la série à la limite de la débilisation. Il suffit de comparer ce traitement à Mare of Eastown ou à notre chère Carrie Mathison pour voir toute la différence. Une romance entre deux espions peut être utile et magnifiée. Ce sont-elles qui ont déclenché la fureur de l'intrigue d'Homeland et du Bureau des légendes. Mais ici, il s'agit purement de romance annexe sans implication. Son flirt adultère et ses problèmes de couple (eux aussi totalement inventés) n'apportent rien à l'histoire, si ce n'est tenter d'émoustiller les fans de 50 nuances de bullshit. Après la romance, encore le contraste : les hommes sont bêtes et méchants (Rory Kinnear...) ou bêtes et creux (David Gyasi...) mais ils sont sous les projecteurs pendant que dans l'ombre des femmes intelligentes font tourner la machine. On se doit de concéder que c'est une part du traitement majoritaire qu'ont reçu ces dames au cinéma depuis qu'il existe, c'est simplement triste d'avoir mis ça en lumière pour se contenter d'échanger les rôles.
Cela dit, une forme de complexité diplomatique résidant dans différents facteurs tels les obligations politicienne (pression populaire..) qui ne coïncident pas avec le calendrier des services secrets, les ambitions individuelles.. tout ça a pu rendre la série quelque peu intéressante par moment.