Avant de se lancer dans une série de 62 épisodes, on a quelques hésitations, on jette un coup d’œil aux notes peu engageantes, à la seule critique décrivant un naufrage et puis on se dit que c'est de la fantasy, un genre délicat où trucages, costumes et effets spéciaux ridiculisent plus souvent l'imaginaire qu'ils ne l'illustrent avec bonheur, un genre rarement exploité car sa réussite demande un peu de foi. Si l'on démarre, le nez au vent, le rire aux lèvres et l’œil à l'affût des défauts techniques, c'en est fini de la magie qu'on nous conte, des comédiens grimés et costumés s'agitent dans des décors factices balayés par des effets spéciaux plus ou moins réussis. Clairement les moyens techniques ne sont pas à la hauteur, mais le récit est suffisamment riche, regorgeant de personnages, d'imagination et d'aventures pour occulter les imperfections. On finit par vouloir y croire à cette grande saga d'immortels qui s'affrontent, qui se souviennent de leurs légendes, qui s'aiment et se trahissent, avides de pouvoir ou prêts au sacrifice tandis qu'un noir pouvoir caché dans l'ombre attend l'heure de la destruction.


J'ai commencé doucement la série, un ou deux épisodes par-ci par-là. C'était assez plaisant mais pas vraiment passionnant. La première partie(une dizaine d'épisodes), la guerre entre le feu et la glace puis la quête des cristaux dans le royaume mortel s'enchaine très vite et a pour but d'introduire tous les personnages, les différents clans avec leurs pouvoirs respectifs, les mondes et la façon dont ils s'organisent sous l'autorité des rois de la glace. L'action prime, parfois trop rapide, empruntant des raccourcis abrupts qui ne nous laissent guère le temps de nous familiariser avec les personnages, ils surgissent tour à tour avec chacun leur histoire qui semble anecdotique mais prendra de l'importance par la suite.
Le manque de moyens est parfaitement visible: les décors intégralement artificiels font parfois toc surtout quand il s'agit de villages ou de forêts aux feuillages factices(comme le clan des guérisseurs), certains plus réussis comme le palais rougeoyant du clan des rêves, ou au royaume de glace sous ciels infinis, les cerisiers roses dans la neige. Cet aspect volontairement artificiel finit par donner l'impression de tourner les pages d'un livre d'illustrations où finalement on se moque du réalisme. Et plus on approche de la fin, plus les décors et les lumières nimbés dans une atmosphère irréelle s'harmonisent au récit. La quête du Lotus Pourpre en particulier, plus tragique révèle de nouveaux mondes plein de poésie, d'inattendu et des scènes de combat ou de magie mieux maitrisées qui nous plonge en plein rêve, visions fantastiques pleine d'émotion.
L'abus du contre-plonger m'a pas mal agacé au début aussi, histoire de donner plus d'envergure aux décors et à l'action je suppose, comme les ralentis systématiques dans les combats. Peu de figurants, pas de grandioses batailles, quelques troupes ou rangées d'hommes en armures et la perpétuelle présence des serviteurs silencieux dans le décor.
Des combats à la chinoise, vol et virevoltes avec effets spéciaux magiques pas toujours bien contrôlés, mais qui vont en s'améliorant à mesure qu'on avance dans la série. Il y a des trouvailles très habiles dans la deuxième partie, des scènes de combat vraiment réussies, toujours empreintes d'une volonté de poésie, de féérie.
Car ce qui séduit dans Ice Fantasy, c'est avant tout le récit, lorsque l'univers nous happe dans sa complexité et que l'histoire, mosaïque de destins entremêlés, erreurs du passé, tragédies, amours impossibles, vengeances et trahisons révèle une vaste fresque mythologique et fantastique, plus intimiste que spectaculaire.
3 royaumes: le royaume du feu dont les princes ont le "cœur froid et crue"l(mais comment ne le serait-on pas en étant contraint de vivre dans une sombre caverne baignée de lave en fusion?), barbares guerroyant et flamboyants, certes caricaturaux, ils convoitent la suprématie des rois de glace drapés dans leur vertu, réputés sages et bienveillants(bien que les récits du passé les révèlent tout aussi injustes et cruels), le peuple des sirènes qui comme l'eau unit, calcule, séduit et louvoie pour préserver la paix et la neutralité et dans le royaume mortel, demeurent 4 clans, celui des guérisseurs, le clan des rêves, celui des esprits et le clan de l'ours. Si le clan du feu parait limité dans son traitement(mis-à-part la princesse que sa relation avec Shi rend plus ambigüe), celui de la glace et les sirènes recèlent bien des mystères et le clan des rêves et celui des esprits détiennent des pouvoirs qui s'avèreront précieux.
Au sein de cet univers l'engrenage du destin s'est mis en mouvement à chaque évènement, chaque quête achevée s'enchainent de nouveaux récits, d'autres aventures, des périls inattendus, des mystères et des retournements: quête du pouvoir, alliances et trahisons, prophéties et malédictions. Deux frères en sont le centre, leur amitié indéfectible et leur rivalité, l'un généreux et réfléchi et l'autre vilain petit canard dont on devine qu'il pourrait se révéler puissant cygne en grandissant.

Après la quête des cristaux de magie qui nous fait traverser de nombreux mondes réels ou parallèles mais reste anecdotique, les enjeux changent, les personnages ont évolué tandis que leurs relations les uns avec les autres sont peu à peu révélées, des secrets voient le jour, les prédictions sont obscurcies. On s'attache aux personnages: Ka Suo, le prince parfait tout du long qui deviendrait vite ennuyeux sans son amour interdit pour une mortelle et sa loyauté indéfectible envers son petit frère méprisé. Shi fils d'une concubine, environné d'hostilité, pris au piège des mensonges est contraint de tracer sa propre voie, le plus intéressant car au contraire de son frère il évolue sans cesse au cours de l'histoire, change de forme et d'identité si bien qu'on ne le cerne jamais.
Un grand nombre de personnages prendra tour à tour le devant de la scène: une matrone sirène avisée, une pauvre petite princesse sirène qui(au début)ne sait que rire et chanter, une grand-mère facétieuse(eh oui! même les immortels vieillissent), des femmes guerrières ou calculatrices, des princes délicats et sophistiqués côtoyant des brutes sympathiques. Chacun aura son moment de gloire dans la joie ou la mélancolie.
De fait, les 62 épisodes sont bien remplis, fertiles en découvertes et péripéties, retournements et bouleversements allant crescendo avec l'épisode suivant de sorte qu'il est difficile de ne pas enchainer. Quêtes et enjeux varient souvent dans plusieurs mondes, plusieurs plans, intégrant des légendes du passé et des prophéties du monde des rêves de sorte que le récit n'a rien de répétitif mais se renouvelle régulièrement. Des personnages secondaires passent au premier plan, d'autres révèlent des identités insoupçonnées. Et peu à peu, les rivalités pour le pouvoir, les désirs de vengeance, quête d'une vérité tragique ou poursuite d'un amour impossible seront entrainés dans une tornade démoniaque car un mal sournois est à l’œuvre et opère dans l'ombre qui ne sera révélé que goutte à goutte.
C'est donc bien une saga de fantasy, des peuples, traditions et légendes qui prennent corps, une épopée de rois et de héros dont le destin est de se confronter aux prophéties, conquérir leur bien-aimée ou exhumer le secret de l'immortalité. Mêlant récits du passé et quêtes au présent, c'est finalement un univers bien plus complexe que ne le laissait entrevoir le début, bien construit et passionnant où chaque épisode apporte une réponse et soulève de nouvelles questions. Mystère et magie, licorne et épée buveuse d'âme, histoires d'amour et d'amitié, meurtres et tragédies, le tout dominé par l'attachement fraternel des deux héros teinté de rivalité et de sacrifice.


Ce qui me rend beaucoup plus complaisante à l'égard des maladresses visuelles qui n'en sont peut-être pas, car sans les moyens de faire paraitre réaliste ce qui n'a aucune chance de l'être, autant tirer parti des défauts et en faire une illustration à l'aspect résolument irréel, un univers de jeu vidéo où l'imagination peut s'exercer et qui mettra d'autant mieux en valeur la richesse de l'aventure et les émotions des héros. C'est un grand livre qu'on peut choisir de refermer dès les premières pages si l'on n'apprécie pas les images ou de se laisser captiver par le récit.

boomba
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le 10 juin 2018

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