Il arrive parfois - souvent - d'être totalement happé par une création alors que, si l'on prend un peu de recul, beaucoup de choses nous sautent aux yeux tellement ça ne va pas. C'est ce qu'il s'est produit avec la série Ice Fantasy (traduite en La Fantaisie de glace dans la langue de Molière bien que je ne sois pas sûr que ce soit bien officiel), réalisée par Ju Jue Liang et, apparemment, basée sur l’œuvre littéraire de Guo Jingming City of Fantasy. Autant vous dire que je suis assez curieux de me mettre à cette lecture, au cas où on aurait le droit à des surprises insoupçonnées. Mais revenons à la série télévisée : de la Fantasy Orientale dont j'avais déjà pu entendre l'existence de la bouche de certains de mes camarades sans vraiment approfondir la chose jusqu'à récemment. Une série qui, si elle est plutôt mal reçue par la critique SensCritique (voire d'autres), propose des éléments intéressants et divertissants sans pour autant nous étonner dans le mauvais sens du terme. Alors, Ice Fantasy, est-ce bien ? Est-ce mal ? Est-ce ?


Nous suivons les aventures du prince des glaces Ka Suo dans son combat contre le Clan du Feu, affrontement qui sera à l'origine de bien des maux à travers les Trois Royaumes.
Pas plus de spoil !


Débutons avec l'histoire et par un point qui mérite d'être soulevé dès maintenant : cette série est beaucoup, mais alors beaucoup trop longue ! La première saison comptabilise 62 épisodes ! C'est beaucoup trop, et ce qui achève définitivement le spectateur, c'est que chaque épisode dure, en moyenne, près de trois quart d'heure ! Autant vous dire que dès les cinq premiers épisodes, on en peut déjà plus (surtout que je regarde la série en VO sous-titré, le temps me semble si long)... Il aurait, en effet, été intéressant, voire plus que recommandé, de mieux découper cette série : la réduire de moitié ou même la séparer en plusieurs saisons, mais pas la laisser telle quelle ! Ce doit être véritablement l'élément qui peut gêner le plus au sein de cette série - dira-t-on pour être gentil que le reste des "erreurs" est moindre même si il y a du lourd. Car ce qui découle de cette longueur exagérée, c'est bien évidemment une répartition et un rythme de péripéties peu digérables. Paradoxalement, ce n'est pas parce que on nous bombarde d'éléments ou de détails concernant le lore, absolument pas ! C'est parce que c'est lent ! C'est si lent ! Les intrigues tirent en longueur, ponctués par des dialogues beaucoup trop répétitifs (et niais). Concrètement, à chaque fois que l'on avance dans le scénario, nous avons au moins un personnage qui explique - paraphrase bêtement - ce qu'il s'est passé ou ce qu'il s'est dit. Alors certes, pourquoi pas, ça peut être utile pour ceux qui sont un peu lent mais ne faites pas ça à chaque épisode ! Surtout que l'on accentue ces phases de ré-explication avec des, comme par hasard pour une production asiatique, séquences de flashback... Le problème, c'est qu'elles ne sont pas variées : ce sont les mêmes deux (j'exagère mais c'est plutôt bien imagée) scènes des premiers épisodes que l'on repasse en boucle tous les trois épisodes pour nous marteler quelque chose que l'on avait déjà bien saisit. Additionnons à ça les phases de monologues intérieurs (encore un cliché assez récurrent dans ce genre de production) et les ralentis inutiles (mais on y reviendra) et on a déjà entamé une bonne grosse moitié du temps d'intrigue. En conclusion : la moitié de ce qu'on regarde est une répétition pure et dure de ce qu'il s'est déjà produit par le passé ; laissez un peu de place pour la nouveauté !
Surtout que, lorsqu'on regarde de plus près le scénario, l'histoire est ultra sympathique... C'est ça qui est dommage, un bouquet de détails lassants et évitables qui entache une histoire divertissante. On a le droit à une fresque vraiment sympathique et plutôt bien organisée malgré quelques interrogations chronologiques (au sein de l'histoire j'entends, ce n'est que de la Fantasy Historique). On arrive rapidement à être transporté avec le héros et à suivre avec joie les différentes alliances qu'il formule, amenant dans son sillage des alliés charismatiques et découvrant des lieux intéressants. Bon... Après, une grande part de l'aventure est destinée aux histoires de cœur de notre héros (et de ces alliés, ils y ont le droit aussi) : des romances assez "cul cul la praline" dans l'ensemble et soumises aux fameuses séquences de flashback, pour ne rien arranger. Et même si l'aventure, de manière générale, est intéressante, jonglant sur de belles rencontres à travers des royaumes sympathiques, force est de constater qu'avec un peu de recul, on peut vite s'embrouiller en proposant des aller-retours possiblement lassants à la longue (62 épisodes, faut bien remplir à bloc la série). Les différents arcs au sein de cette première saison sont globalement réussis et intéressants, les rebondissements pas forcément devinables à des kilomètres (même si ça arrive) et des enchâssements plus ou moins logiques et fluides.
Grosso-modo, nous avons le droit à une histoire vraiment sympathique, plutôt bien étalée et construite malgré de nombreux éléments fragiles qui laissent dubitatif quant au déroulement de l'action, ponctué par de petits défauts qui, accumulés, peuvent rapidement exaspérer. Néanmoins, force est de constater que dans l'ensemble, l'intrigue principale et ses sous-intrigues s'en sortent pas trop mal pour une production de cette ampleur, avec les erreurs qu'elle laisse passer.


Pour ce qui est des personnages, il y en a beaucoup. Beaucoup beaucoup. Après, ce n'est pas forcément dérangeant en soi dès l'instant où les personnages présentés sont charismatiques, en un sens. Car, globalement, tous les personnages de la série sont intéressants. Malheureusement, là où ça coince drastiquement, c'est dans leurs évolutions. Autant vous dire que c'est varié mais un peu trop. Certains personnages évoluent trop, d'autres pas assez (et c'est clairement dommage car rester naïve les trois quart de la série, à la longue, ça devient légèrement chiant)... et certaines finalités laissent le spectateur (moi pour prendre un exemple que je connaisse) complètement déçu.
Pour essayer de hiérarchiser les propos : les personnages principaux sont de loin les plus intéressants malgré une évolution de l'un d'entre eux discutable. Le prince Ka Suo et son frère Ying Kong Shi (dont les métamorphoses visuelles sont assez sympathiques) propose une relation fraternelle touchante et font vivre admirablement la série. Ils vont être en relation avec trois protagonistes femmes : Li Luo (une gardienne des royaumes mortels attachée à la personne du prince Ka Suo) qui est plus que badass et offre une figure féminine combattante intéressante à analyser, Yan Da (une princesse du Clan du Feu) qui est de la même stature que Li Luo, et enfin Lan Shang que je n'ai pas pu blairer la moitié du temps : elle est mignonne, elle est sympathique mais elle est d'une naïveté ennuyante (ça à l'air d'être la visée primaire de la série, du coup c'est très réussi). Ce sont entre ces cinq personnages que les romances principales vont tourner, autant vous dire qu'il va y avoir du rebondissement !
Mais la série va prendre son véritable sens épique dès l'instant où Ka Suo va s'entourer de sa compagnie de chefs de clans :
-Chao Ya, du Clan des Esprits
-Pian Feng, du Clan de l'Aigle
-Liao Jian, du Clan de l'Ours
-Huang Tuo et Yue Shen, du Clan des Guérisseurs
-Xing Jiu, du Clan des Rêves
Concrètement, la série a une bien meilleure saveur dès l'instant où elle se focalise sur les aventures de cette compagnie. Les relations entre ces personnages sont tout bonnement amusantes et pas forcément amicales, ce qui rend ces personnages encore plus appréciables. Ils ont chacun un but, des qualités/défauts et une vision du monde ainsi que de la guerre qui sévit dans les Trois Royaumes. De plus, ils ont chacun une entrée dans l'aventure mémorable, ce qui est à saluer comme il se doit ! Une mention particulièrement spéciale à Xing Jiu qui demeure mon personnage favori, autant pour son charisme que son importance au sein de la série.
Sorti de la catégorie des personnages et des adjuvants "principaux", on trouve les antagonistes principaux à savoir Huo Yi (qui se révèle un bien meilleur antagoniste que son copain vendu comme le grand méchant de la série) et Yuan Ji (qui, si vous avez lu la parenthèse précédente, m'a complétement déçu tant son importance est nulle). Huo Yi, chef du Clan du Feu, est une figure charismatique à l'évolution discutable mais logique scénaristiquement parlant (par contre, les rires de gros méchant... bref). Vient ensuite de nombreux autres personnages, plus secondaires et tertiaires qui ne manquent cependant pas de piquant ou de classe. Globalement, la majorité des personnages présentés au sein de cette série est attachante. Il est juste dommage qu'une minorité d'entre eux, malheureusement des figures importantes, soit assez détestable au bout de quatre-cinq épisodes... Autrement, on suit avec eux leurs craintes, leurs interrogations, leurs évolutions... et le tout est assez plaisant en toute honnêteté malgré, là encore, des répétitions dans les propos et les questionnements.


Pour ce qui est des effets spéciaux... Délicieuse catégorie...
Bon, c'est limite. Ce n'est pas moche mais c'est franchement, par endroit, plus que limite. Commençons par les sortilèges qui sont assez bien réussis mais qui ne font pas assez "réalistes" dans le sens où... bah... on voit que ce sont des effets spéciaux. Néanmoins, nous avons une certaine créativité au sein de ces pouvoirs magiques qui est plus qu'appréciables. Ensuite, vient les créatures : c'est de la 3D plus que remarquable dans le sens où ça se voit comme le nez au milieu du visage que c'est de la 3D ! Vient le tour des bâtiments et des divers lieux : là, on a deux écoles très distinctes. D'un côté, nous avons des lieux fort sympathiques avec une empreinte asiatique mémorable (concrètement les bâtiments du Clan des Rêves) et de l'autre, nous avons des structures en carton pâte à l'image du Clan des Glaces. Alors attention ! Les divers lieux proposés à l'écran sont magiques : ils sont vraiment imposants et bien pensés même si certains sont quelques peu légers mais ça se voit tellement que les stalactites de la capitale du Clan des Glaces sont fausses, que les murs ne sont pas en pierre et que la neige n'est pas de la neige (pas tout le temps). Et c'est dommage car dès l'instant où tu le remarques, tu ne vois plus que ça (alors certes, j'ai spoilé mais bon, ça se remarque immédiatement). Et si l'on poursuit sur les lieux, on a pour la capitale du Clan des Glaces et du Feu l'utilisation de forteresses numériques certes impressionnantes mais qui ne laissent personnes dupes. D'autant que ce sont les mêmes trois secondes de plan large qui nous sont montrés pour contextualiser l'endroit où va se passer la scène suivante (nouveau cliché), à part les couleurs du ciel (jour/nuit) et l'ajout d'un ou deux nuages, rien ne change ! Le même traveling, le même coup de caméra... C'est dommage car une fois de plus, le visuel n'est pas si mauvais. Exagéré, sûrement, mais pas mauvais. Et dans la même veine que ces forteresses, les paysages... Impossible de se faire avoir : une grosse partie des plans vient d'un fond vert, ça se voit bien trop facilement ! Tout comme l'eau sauf que là, c'est le niveau supérieur : pas une seule étendue d'eau n'est réelle, que du numérique ! Fort heureusement, pour ce qui est du sang, rien de numérique, dieu merci ! Et je ne parle pas de certains mouvements de caméra ou des ralentis détestables qu'on nous propose !
Dans l'ensemble, les effets spéciaux sont partout présents, usés à plus ou moins bonne escient mais dans l'ensemble, ça détruit pas mal notre immersion vis-à-vis de cet univers merveilleux et c'est dommage car on a de bonnes idées, ça se voit !


Pour les combats, là aussi, c'est dommage.
Sur les nombreux affrontements - entre deux armées j'entends dans un premier temps - il n'y a que deux plans de deux secondes qui m'ont donné des frissons. Le reste, ça peut partir à la poubelle recyclable : des ralentis excessifs, un nombre trop limité de combattants dans plusieurs scènes et pas toujours des actions fluides. Ce qui n'est pas le cas des affrontements où sont présentés les héros et les personnages importants : c'est déjà plus fluide, un peu plus dynamique malgré des choix "artistiques" discutables. Concrètement : les sauts exagérés des héros, ils sont ridicules même si c'est bien tenté.
Au niveau des armes, on a des trouvailles intéressantes (par exemple les pistolets de Li Luo), dommage que ce soit gâché par la matière de ces dernières. On dirait des jouets ! Surtout quand les armes légendaires sont aussi fournies en détails, sur leurs gardes et pommeaux. Là encore, personne n'est dupe et l'on remarque aisément la supercherie.
Et quitte à faire, parlons en ici : une mention spéciale (ça fait toujours plaisir) aux costumes qui sont tout simplement magnifiques, hormis les bottes qui sont assez mal rendues dans l'ensemble surtout pour les membres du Clan des Glaces.


Pour la musique, de nombreuses mélodies sont sympathiques et quelques chants touchants. Néanmoins, pour une série d'une soixantaine d'épisode, on aurait pu s'attendre à un nombre de musique équivalent. Parce que les dix uniques musiques, même si elles sont biens, répétées en boucle tout le long des 62 épisodes, à force, c'est chiant !


Ice Fantasy ou la série qui n'a pas su faire quelque chose de bien sans ajouter un défaut. En toute sincérité, il va sans dire que cette série est bourrée de défauts qui auraient pu largement être corrigés. Cependant, il se dégage de cette création un aura, une atmosphère si puissante qu'elle parvient, si l'on réussit à s'ancrer à fond dedans (ce qui n'est pas gagné d'avance), à évincer à nos yeux pas mal de ces défauts. L'histoire, bien que trop longue à mon goût (ou pas assez segmentée), est une pépite : un scénario prenant bien que partant rapidement dans tous les sens, des personnages principaux qui sauvent, rien qu'en leur présence, la plupart des meubles et d'autres petits détails font de cette création un divertissement plus qu'honorable qui mérite que l'on s'y attarde un instant. La passion est là même si les outils employés ne sont pas de la meilleure facture. Il n'en demeure pas moins que Ice Fantasy est une aventure dantesque et qui fonctionne à merveille dès lors que l'on ne s'attarde pas trop longtemps sur ses défauts, auquel cas il est impossible de continuer notre visionnage, il n'en sera que plus ennuyeux et détestable. C'est un gros travail sur soi qu'il faut faire pour contempler pleinement le potentiel divertissant de cette série qui saura ravir les plus jeunes d'entre nous et les plus ouverts d'esprit. Je la recommande, ne serait-ce pour le traitement des personnages, le point fort selon moi dans cette production.
Et n'oubliez pas que la Fantasy nous appartient !

PhenixduXib
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 8 oct. 2020

Critique lue 629 fois

2 j'aime

3 commentaires

PhenixduXib

Écrit par

Critique lue 629 fois

2
3

D'autres avis sur La Fantaisie de glace

La Fantaisie de glace
boomba
8

Grand livre illustré

Avant de se lancer dans une série de 62 épisodes, on a quelques hésitations, on jette un coup d’œil aux notes peu engageantes, à la seule critique décrivant un naufrage et puis on se dit que c'est de...

le 10 juin 2018

5 j'aime

3

La Fantaisie de glace
PhenixduXib
6

Plaisir coupable ?

Il arrive parfois - souvent - d'être totalement happé par une création alors que, si l'on prend un peu de recul, beaucoup de choses nous sautent aux yeux tellement ça ne va pas. C'est ce qu'il s'est...

le 8 oct. 2020

2 j'aime

3

La Fantaisie de glace
DomitienVissotsky
10

Le crack

le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack le crack...

le 26 nov. 2020

Du même critique

Beowulf : La Légende Viking
PhenixduXib
7

Un petit budget qui fait le café !

Le mythe de Beowulf possède de nombreuses adaptations, aussi bien littéraires que cinématographiques. Si le film La Légende de Beowulf m'avait laissé un peu dubitatif, il faut avouer que cette...

le 18 juin 2018

6 j'aime