Au terme de la première saison, on a déjà une assez bonne idée de la teneur de cette série gentillette qui ne mange pas de pain, ne casse aucune brique et ne met en péril aucune patte surnuméraire de canard. Malgré tout, elle se laisse regarder, au terme d'une journée de travail, par exemple, et parvient à induire un effet de détente imparable, qui frôle parfois la somnolence. Une veuve anglaise un peu portée sur la bouteille, pour les besoins de l'intrigue parce qu'en fait, elle est très saine, prend ses enfants ingérables sous le bras et débarque à Corfou. On connaît le potentiel comique de l'acculturation et cette histoire s'emploie à l'exploiter, pas toujours très finement. Les Grecs y forment une foule compacte assez peu commode, à part un ami de la famille, fort en gueule mais attentionné, qui dégotte tout de suite une grosse bicoque branlante dans un coin paradisiaque, où chacun, délivré de toute obligation professionnelle ou scolaire, va s'employer à laisser la bride sur l'encolure à ses petites névroses favorites. Et c'est parti pour une déclinaison répétitive des défauts véniels de tout ce petit monde : la mère culpabilise, le grand fils procrastine, le cadet tire sur tout ce qui bouge, le benjamin capture la moindre bestiole infortunée passant dans son champ de vision et la fille passe pour une idiote, que voulez-vous, c'est une fille, elle n'a pas de bol. Globalement, nous tenons là les principaux ressorts et péripéties de cette histoire. Quelques filaments d'arches longues viennent sauver ces 6 épisodes de la débâcle totale (la mère se recasera-t-elle, l'apprenti écrivain sera-t-il publié, le chasseur en herbe tuera-t-il quelqu'un par accident, la fille sera-t-elle complètement ravagée par son adolescence très hormonale ?), mais, globalement, ça reste très au ras des pâquerettes grecques. Sans pour autant provoquer une franche indignation. Attendons de voir si la saison 2 trouve son rythme (ce qui laisse de gros doutes quand on arrive à l'épisode deux, mais bon...).
Post scriptum après la saison 2. Mes craintes étaient fondées, on s'enfonce mollement dans de la guimauve sans imagination. Mme Durrell mère a changé de fiancé, ce qui provoque l'ire d'une grecque manipulatrice, il y a une tempête à moment donné et des tas de femelles de plein d'espèces différentes sont en gestation en même temps. Les grosses ficelles laissent augurer la teneur de l'épisode final, qu'on accueil avec soulagement, même s'il reste une saison 3 à voir et qu'on ne lâche aucune affaire aussi facilement. L'héroïne continue à laisser ses enfants en friche, les choses ne risquent pas de s'arranger à ce train-là, et les anglais sont d'indécrottables flegmatiques qui s'écorchent un peu au contact de grecs atrabilaires et chaleureux. C'est pas avec ça qu'on va gagner le Pullitzer.
Post scriptum 2 : Au terme de la saison 3, la consternation me saisit. Non seulement le scénario est répétitif (les amants de la mère, les outrages faciaux de la fille, les emportements d'un des fils, les frustrations littéraires de l'autre et l'obsession animalière du 3ème), mais les auteurs réussissent à rendre le tout encore plus tarte. Personne ne parvient à se renouveler dans cette resucée stérile et, au lieu de s'attacher davantage à des personnages familiers, on finit par les prendre en grippe. Pas tous, mais les principaux, non qu'ils soient antipathiques en soit, mais ils finissent par exaspérer à force de tourner en rond et de se reposer sans arrêt les mêmes questions. L'accablement s'est emparé de moi quand j'ai vu qu'au dernier épisode allait succéder le premier de la saison 4...
Post scriptum final, à la fin de la saison 4. La dégringolade semble sans fond sur certains aspects de l'histoire, notamment la romance morte-née entre deux des personnages principaux. Malgré tout, l'ensemble des 4 saisons semble avoir eu un cap, puisqu'elle s'achève au bout d'un cycle digne de ce nom, au terme duquel notre famille dysfonctionnelle et soudée va devoir quitter l'île de ses rêves en raison du climat délétère de la 2ème guerre mondiale. Ça, c'est quasiment intéressant. Ceci dit, aucun personnage ne fait vraiment de pas de côté et tous finissent comme ils ont commencé, avec à peine quelques fléchissements attendus : un sens accru de la solidarité familiale ou une légère ouverture vers les événements extérieurs. Pour le reste, ça a pas mal tourné en rond, et la mère de famille finit par jouer son personnage avec tellement de second degré qu'on finit par penser à Benny Hill. Mais bon, en attendant, ça donne vraiment envie d'aller se baigner dans les eaux turquoise de Corfou.