Cela fait quelques temps déjà que l'envie me chatouillait d'écrire une sorte de synthèse "critique" de The Civil War par Ken Burns sans trouver l'élan essentiel à sa composition. Hier soir pourtant , au son du Battle Cry of Freedom que je retrouvais par hasard lors de quelques pérégrinations musicales sur YouTube , l'ambiance toute entière de la série documentaire m'est soudainement revenu en mémoire , et je trouve donc aujourd'hui l'inspiration nécessaire à l'écriture ces quelques lignes.
Que savons nous , européens , de la Guerre Civile Américaine ? Seulement , vous en conviendrez avec moi , ce que nos professeurs d'histoires ou d'anglais glanent eux mêmes ci et là entre les manuels scolaires prémâchés et les quelques recherches globales qu'ils accomplissent de leurs cotés. Et comment leur en vouloir ? L'hermétique philosophie scolaire Française , qui consiste à répéter - parfois jusqu'à l'épuisement - un catéchisme simpliste vis à vis de l'histoire et de ses prétendues leçons à l'égard de notre génération , que cette même vision constitue comme l'ultime dynastie de l'humanité , est un dérapage flagrant dans l'enseignement. Un glissement finaliste , et fataliste. Hors , les Etats-Unis étant encore aujourd'hui considérés comme étant la première influence culturelle du monde , concevoir trop simplement la houle de sa difficile composition en ce bloc que peu de scénarios catastrophes pourraient désunir aujourd'hui c'est marcher en plein dans le jeu de cette conception abrutissante de l'histoire. Conception éminemment capitaliste , si vous voulez mon avis , nous répétant que ce monde est le seul possible...
The Civil War , de Ken Burns est avant tout là pour nous rappeler à la complexité en chaque événements historique.
Ken Burns est le talentueux réalisateur d'une série de documentaire portant sur les Etats-Unis. Si j'use du qualificatif talentueux , c'est avant tout pour rendre hommage au bonhomme qui est pour beaucoup l'inspirateur du documentaire télévisuel moderne. Il est le gaillard derrière l'insufflation d'un mouvement artificiel sur des images d'archives , conférant à ses travaux une esthétique de mobilité lente toute particulière. On retrouve la patte Burns dans tant de documentaires d'aujourd'hui qu'une liste exhaustive serait une affreuse perte de temps.
Pourtant , The Civil War apparaît comme une oeuvre massive et singulière , au sein même de l'oeuvre de Burns. Le grain de pellicule utilisé , ayant horriblement vieilli , offre à la série un cachet désuet supplémentaire , et par le biais d'une parallèle entre image d'archives et témoignages de tout bords ( contemporains du conflit et historien passionnés ) , Burns dresse épisode après épisode une synthèse bien trop hérissée pour être ne serait ce que considéré comme tel. Et si , au terme de son visionnage , vous en êtes encore à vous dires que la Guerre de Sécession est un conflit ayant opposé des nordistes humanistes à des péquenauds sudistes , foncièrement racistes , alors vous n'aurez rien compris - déjà , à l'histoire de l'humanité et puis à ce splendide documentaire.
Des noms doivent , à terme , résonner en vous en un chapelet de sonorités mélancolique : Shenandoah , Bull Run , Gettysburgh , Nashville , Antietam , Shiloh , Chancelorsville...Tant d'instants , figés à jamais dans le sang de la première véritable génération de sacrifiés , moins de cinquantes années avant la première guerre mondiale. Destins croisées , approches différentes , et au fond une expérience passionnante.
The Civil War fut pour moi le frisson définitif qui me poussa à étudier profondément , bien qu' en amateur , l'histoire des Etats-Unis. On y décèle les paradoxes de notre monde , mais aussi la beauté lugubre , gothique , des guerres d'antan. Cette série frise , à mon avis , l'atmosphérique perfection et demeure l'une des mes préférés , encore aujourd'hui.