Au début des années 1990, Mireille, son frère Julien et leur meilleur ami Laurier forment un trio inséparable. Mais une nuit d'octobre 1991, leurs destins sont à jamais bouleversés par un terrible incident. Leurs routes se séparent et les deux familles sont brisées. Trente ans plus tard, Mireille retourne dans sa famille suite au décès de sa mère. Elle retrouve ses frères qu'elle n'avait pas revus depuis des décennies. Les secrets et les rancœurs refont alors surface...
Xavier Dolan est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur canadien. Extrêmement populaire, mais également souvent décrié pour son côté très égocentrique et démonstratif, il revient ici sous un format totalement inédit, à savoir une mini-série en 5 épisodes.
Et ce format lui réussit totalement, puisqu'il s'affranchit (enfin) de ses manières qui pouvaient être particulièrement agaçantes dans ses longs-métrages. Le talent de Dolan n'est plus à prouver, mais le voir ici s'exprimer sans aucun artifice pompeux de réalisation est un aveu d'humilité et de maturité qui ravirait n'importe quel amoureux du cinéma.
Car oui, la série est extrêmement aboutie visuellement. La profonde mélancolie du récit est constamment soulignée par une photo aux teintes froides et tristes, mais également par des décors et une mise en scène millimétrés. La caméra se positionne toujours parfaitement au cours des scènes, afin de nous plonger pleinement dans l'horreur tragique que traverse continuellement cette famille.
Cette maestria technique est mise au service d'une écriture très maline, déployée à l'écran par un casting québécois absolument dingue. Chaque acteur fait un travail fantastique pour incarner ces émotions très démonstratives et excessives, caractéristiques des œuvres québécoises, sans jamais tomber dans le ridicule.
Ces différentes interprétations marquent autant car elles mettent en image ce qu'il y a de pire dans l'être humain, à travers des comportements d'une toxicité dévastatrice. L'ensemble est assez étouffant, avec une atmosphère poisseuse et anxiogène de bout en bout, allant jusqu'à des séquences à la limite du regardable.
Le récit traite effectivement d'une famille extrêmement dysfonctionnelle, au sein de laquelle chacun porte ses propres démons. De nombreux sujets très sensibles sont alors constamment rebattus, tels que l'addiction aux drogues, le deuil ou le traumatisme d'un viol.
Certaines scènes et dialogues sont absolument irrespirables, et Dolan se permet même des incursions horrifiques régulières (et géniales) pour achever le tout. Cette noirceur est soulignée par la bande originale de la série, composée par Hans Zimmer et David Fleming, à la fois bouleversante et glaçante.
En bref, c'est très dur et ce n'est donc pas pour tout le monde. Il faut en avoir conscience avant de se lancer.
On pourra reprocher à la série un trop-plein émotionnel qui alourdit le récit à certaines reprises. Des séquences fantasmées psychologiquement par les personnages sont notamment régulièrement représentées à l'image, souvent avec des visuels ultra gores et volontairement choquants. L'atmosphère globale de la série est tellement bien tenue que ces passages semblent assez vains et gratuits.
Difficile néanmoins de ne pas être happé par cette histoire familiale qui nous retourne et nous hypnotise totalement. Le procédé de mise en place lente des différents détonateurs émotionnels au cours des trois premiers épisodes offre une explosion destructrice et inoubliable dans le quatrième, pour se clore sur un dernier épisode qui nous arrache des larmes.
La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé est une excellente surprise, confirmant le talent immense de Xavier Dolan. Débarrassé de ses artifices, le réalisateur canadien nous terrasse en seulement cinq épisodes, à travers un récit d'une noirceur extrême qui ne quittera pas notre esprit de sitôt.