Véritable prise d'otage émotionnelle, la série de Xavier Dolan ne lésine pas sur les moyens pour agripper son spectateur : on plaque en permanence du tragique sur du tragique, où tous les outils sont bons pour amplifier le ressenti - gros plans, ralentis, musiques -, bref, pas de surprise concernant ce réalisateur qui a toujours oscillé entre le virtuose et le mauvais goût. Encore une fois c'est too much, tire-larmes, boursouflé ; et encore une fois c'est plutôt efficace.
La force de la série ne réside pas dans son suspense ou ses rebondissements, assez maigres, mais dans la profondeur de ses personnages. Ils incarnent tous une peur, une souffrance, dont certaines nous sont forcément familières - difficile donc d'y rester insensible. Il y a, en effet, ce point de départ vers lequel on reviendra régulièrement, cette fameuse nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé, et autour de laquelle s'articule tout le reste. Mais le champ d'action de la série est beaucoup plus large, porté par des comédiens et des dialogues d'une incroyable sincérité, qui transfigurent à mon sens une histoire presque éculée.
Au-delà de cet amour de jeunesse interdit qui aurait voulu continuer de s'écrire à l'encre transparente, la richesse des thématiques est indéniable. Ponctuée de nombreux instants de grâce, le charme de la série opère principalement dans la fibre nostalgique dont elle est nourrie. Fenêtre sur le temps qui passe, et qui entraîne avec lui les cicatrices que l'on dissimule, que l'on referme ou que l'on ouvre encore plus. Cascade d'émotions, de larmes, de sang, de pluies, au sein de laquelle un mot ou un regard peuvent parfois suffire pour tout apaiser.