Il n'est guère aisé de réussir en images une oeuvre littéraire de fantasy. Cela a pourtant déjà été réalisé avec succès : Harry Potter, le Seigneur des Anneaux.
Vouloir adapter la Roue du Temps était un beau challenge. Vu le pavé que représente l'Oeil du monde, le tome premier, il y avait de quoi remplir une saison 1 sans ajouter d'éléments digressifs. He bien c'est râté, la trame fait tapisserie.
Je me demande encore pourquoi les scénaristes en général, alors qu'ils disposent d'un matériau littéraire dense et solide, se sentent obligés de tout transformer pour coller au format vidéo. Dans certains cas, c'est compréhensible. Ici, bien des modifications ont été faites en dépit du bon sens.
Le casting, un peu surprenant, n'est pas si mal, en particulier pour le fameux binôme de l'Ai Sedai et de son champion. Les costumes et accessoires sont globalement réussis. Je me montrerais néanmoins plus critique vis-à vis de certains paysages, comme ce village niché dans une carrière abandonnée mais qui fleure bon l'explotation contemporaine. Je m'attendais presque à trouver une pelleteuse derrière un bosquet. Du côté des effets spéciaux, ce n'est pas fabuleux : cités vraiment trop cliché et créatures maléfiques ridicules, tant au niveau de leur aspect que de leur mouvements. Le générique en revanche m'a beaucoup plu, tant au niveau visuel que dans la bande annonce. Mais cela ne suffit pas pour que cette saison soit une réussite.
En effet, la trame narrative, pourtant sacrément fournie du côté du roman, a été charcutée pour des raisons qui me demeurent absconses.
Lors de l'attaque de deux-rivières, pourquoi Nynaeve se voit enlevée par un Trolloc ? Pire encore, pourquoi le père adoptif de Rand ne meure pas, rendant plus étrange le fait que son fils parte, emportant avec lui l'épée au héron. Une incohérence dont l'importance relative gêne pourtant la logique de l'histoire. Plus tard dans la série, moult étrangetés se produisent, gâchant la logique de Robert Jordan.
Mais le plus consternant selon moi, ce sont les romances qui fleurissent tout au long de cette saison. Tandis que le roman aborde avec subtilité les sentiments qui unissent les personnages, les scénaristes envoient ici de l'histoire d'amour par tombereaux. Je ne divulgacherai pas les baisers qui abondent mais cette mièvrerie n'apporte pas grand chose à l'intrigue. Ce manque de finesse se retrouve à bien des niveaux : lorsque certains personnages se voient affectés par quelque malédiction, il faut bien que le spectateur le plus obtus comprenne que " c'est très méchant" par des yeux très jaunes, des grognements bestiaux ou de sombres filaments noirâtres qui dégoulinent sur le visage. Pour la subtilité, on repassera donc. Jusqu'à l'épilogue de l'épisode 8 qui voit Moiraine subir une curieuse déconvenue (?!).
Bref, la série, pourtant suffisament longue pour aborder les aspects importants du roman l'Oeil du Monde, se voit amputée, remontée et complétée par des éléments grossiers qui ôtent une partie de ce qui fait le charme de l'histoire écrite.
Je ne pense pas que les lecteurs de la saga puissent y trouver leur compte. Il reste à voir si ceux qui n'ont rien lu y percevront un intérêt suffisant. La roue, qui aurait pu acquérir une belle rotation dans cette adaptation, s'est rapidement embourbée dans la fange scénaristique de paresseux plumitifs.