Ready, Set, Hut!

Raconter l'histoire des gens de Scooba, Mississippi, 600 âmes, bled oublié dans l'immensité du midwest et de ses joueurs de foot, c'est quelque part raconter les Etats-Unis.
Avec son stade et ses infrastructures sportives promptes à faire pâlir un club de Ligue 1, c'est faire un récit de la place démesurée accordée à leur football.
Mais c'est aussi raconter l'histoire de ceux qui d'une manière ou d'une autre, vivent et mourront avec les East Mississippi Lions.
Retour à Scooba pour le bilan de la série après deux saisons garanti no-spoil, un reportage sur le foot américain, mais pas que.

Saison 2015

Dans la moiteur de la fin de l'été, les Lions entament leur camp d'entrainement de pré-saison. Les chocs sont déjà rudes, les physiques sont impressionnants, le niveau élevé.
Car à Scooba, au East Mississippi Community College, le département football opère chaque année un recrutement audacieux pour former l'équipe la plus compétitive.
Des joueurs ayant eu des problèmes disciplinaires dans leur précédente fac? C'est pour eux! Des gars du coin quelque peu désœuvrés qui veulent quitter ce trou? On prend!

L'objectif assumé et martelé? Jouer, gagner ... et accessoirement obtenir les crédits nécessaires en un semestre universitaire pour correspondre aux minimas d'intégration des grandes et prestigieuses universités footballistiques. Dans ce coin, les équipes d'Alabama, Auburn ou Mississippi State font office de PSG ou OM local même si ce ne sont que des facs.

Pourtant, très peu sont choisis et personne ne se le cache. Sur les quelque 600 junior colleges similaires à celui de Scooba, les universités d'élite (les powerhouses) recruteront uniquement un ou deux joueurs chacune. Ces derniers auront alors la chance et la lourde tâche de jouer en première division universitaire, là où beaucoup ont échoué en premier lieu et où parmi les milliers de joueurs des centaines d'équipes, seulement une poignée seront draftés pour intégrer la NFL, le graal, les pros, bref les millions.

Ces chances sont donc vertigineusement faibles.

On nous propose alors de suivre des tranches de vies. Celles des joueurs, celles du staff sportif dirigé par le coach Buddy Stephens, colosse d'un quintal et demi au bas mot, toujours prompt à virer au rouge et pousser sa gueulante, et ses assistants. La vie de cette équipe et sa saison concentrent la majorité des scènes de la série.

La saison sur le plan football s'avère, sans rien dévoiler, incroyable dans tous les sens du terme. Chance pour les équipes télé, peut être, mais flair surtout d'avoir choisi ce groupe de rebuts attachants aux penchants de showmen. Il est d'ailleurs facile de voir au premier coup d'oeil que la plupart d'entre eux sont trop naturels pour en rajouter devant la caméra et que leur caractère de base suffit à fournir un matériau au reportage.

Focus sur un joueur, sur la famille d'un autre, sur le coaching staff, résumés des matches, des entraînements, les fans du sport seront ravis du style adopté, à la manière d'un Hard Knocks de HBO qui suit le camp d'entrainement d'une équipe NFL chaque été.

De l'autre côté, l'école donc pour ces jeunes athlètes, alias là où le bât blesse, là où les joueurs se sentent démunis de repères alors qu'ils cassaient des gueules de golgoths sur un terrain un instant avant.
Filmées le plus souvent sous la forme de conversations cocasses dans le bureau de leur conseillère Britanny Wagner, le reportage prend alors souvent un ton plus grave, pointant ici et là les dysfonctionnements du système scolaire ou l'éducation que certains de ces jeunes n'ont jamais pu recevoir. Les européens s'étonneront d'ailleurs de la faiblesse du niveau exigé aux élèves, autre indicateur extérieur de l'hypocrisie des universités américaines.
C'est par ce biais qu'est introduit le mantra qui régit l'école : do or die, marche ou crève. Etudier et réussir dans le football ou retourner à la délinquance sont les seules échappatoires pour beaucoup de ces joueurs.
Quand on connait le nombre d'élus à réussir chez les pros, les problèmes de délinquance des Etats-Unis hurlés à tort et à travers par leurs dirigeants politiques trouvent ici une source qui ne devrait pas avoir lieu d'être. Car ces jeunes à qui l'on promet un contrat pro en dépit d'une éducation se retrouvent pour la plupart abandonnés une fois leurs ambitions sportives détruites.

Saison 2016

Cette saison 2016 s'ouvre sur un postulat de départ, celle du changement et le premier changement, c'est l'équipe. Vivre, mourir, recommencer, on dirait un mauvais film de Tom Cruise mais c'est pourtant le quotidien de Scooba.
Voir partir les meilleurs vers un avenir plus clair, voir rester les plus jeunes ou ceux qui ont échoué, voir arriver de nouveaux déchus des hautes sphères du foot universitaire.
Sur ce plan, la deuxième saison fait fort puisque le recrutement est à la hauteur des ambitions de l'équipe et de la réputation de la fac d'aller chercher les têtes brûlées. Nous sont présentés les nouveaux joueurs, le plus souvent sous la forme d'articles leur étant consacrés aux titres évocateurs de leurs erreurs comme seuls les tabloïds US savent le faire (ironie).

Le niveau de l'équipe semble de prime abord un ton au dessus de celle de la saison 1 et la saison sportive est encore une fois extrêmement riche en émotions. Néanmoins peu de joueurs aussi charismatiques que ceux de la saison précédente font leur arrivée à Scooba, ce qui ne nuit pourtant pas à l'intérêt du reportage.

Le second changement de cette saison, c'est la route vers la rédemption pour Coach Stephens et les siens. Désormais entouré d'un conseiller spirituel (WTF dude?), le coach distribue sermons et bons mots en bon samaritain, confie à l'équipe télé bien plus présente dans cette saison qu'il cherche à être un homme meilleur ... pour mieux claquer la caméra hors de son chemin dans ses phases de colère!

L'équipe de reportage nous surprend cette fois en trouvant à raconter l'histoire du coin sous des aspects encore inexplorés. Via les nouveaux joueurs sur lesquels sont focus les caméras et interviews certes mais également via des concepts originaux, notamment cette semaine d'avant match suivie du point de vue des adversaires à venir, encore vierges de toute victoire cette saison et surmotivés à l'idée de recevoir les Lions et leurs presque-stars.
Le coaching staff n'est pas en reste avec des apartés sur leur vie privée et la place prépondérante qu'y prend leur métier/passion, avec une mention spéciale pour les assistants coaches Davern Williams et Marcus Wood, déjà présents l'année dernière et toujours de grands monsieurs.

Enfin, cette année 2016 d'élection de Donald a forcément un impact sur le petit monde de Scooba et encore une fois, la série surprend par sa pudeur dans le traitement de l’événement alors qu'il aurait été facile d'explorer les conséquences de cette élection sur des étudiants-athlètes majoritairement noirs et du ghetto vivant dans un état majoritairement blanc et conservateur.
Il n'en est rien et on apprécie d'autant plus les traits d'esprits parfois maladroits mais souvent futés des joueurs, leur nonchalance et leur auto-dérision.

Last Chance U est un reportage sportif plus que réussi sur les étudiants-athlètes d'aujourd'hui. Toutes les problématiques de ce système sont abordées sans tapage, sans exubérance. Il est certain que l'amateur de football américain y trouvera son compte.
Pour les autres, l'occasion est belle d'en apprendre plus sur les liens intrinsèques qui existent entre le sport et l'éducation aux Etats-Unis et de découvrir le pays là où la passion du pays est la plus fervente et l'union la plus complète.

Pas à la Maison Blanche non mais sous les lumières du vendredi soir, au stade du coin.