Après une lecture passionnée du chef d'oeuvre de Dumas qui mit ma santé à rude épreuve au cours de longues nuits blanches consécutives, j'attendais de Josée Dayan de me transporter dans une transcription visuelle aussi marquante pour moi que le fut son adaptation des Misérables. La déception fut malheureusement à la hauteur de mes attentes même si le téléfilm n'est pas non plus indigent en lui-même.

Mais quel a été le problème majeur de cette adaptation ? Eh bien ce n'a été pour moi ni les acteurs qui livrent une bonne prestation dans l'ensemble (à quelques exceptions près, même si l'on est à mon sens un cran en dessous des Misérables), ni les décors que je trouve authentiques et pas non plus la trahison de la trame du livre (il y en a, mais ce n'est pas fondamentalement ce qui tue cette adaptation). Non, le gros problème c'est que toute l'essence du livre a été sacrifiée sur l'autel de la traditionelle caricature manichéenne d'un héros idéaliste balançant toujours les mêmes réflexions formatées sur la justice et compagnie (une espèce de rengaine propagandiste sur les valeurs démocratiques de notre siècle). Fondamentalement je n'ai rien contre ce modèle quand il est employé dans une structure qui le justifie, mais l'appliquer au Comte de Monte-Cristo, même sans parler de trahison de l'oeuvre originale, simplement en le plaçant dans la structure du roman, c'est retirer à l'histoire absolument tout ce qui faisait son intérêt et sa puissance.

En fait, on retrouve cette tendance dans les Misérables, mais si ça collait plutôt bien dans ce dernier, ce modèle ne sied absolument pas au Comte.

En effet, dans le roman de Dumas, ce qui était intéressant c'était la réflexion sur la légitimité, le doute sur la moralité et sur la nature des personnages. Ce qui faisait la force du roman, c'était les retournements de points de vue qui faisaient des démons d'hier les martyrs d'aujourd'hui. Pendant tout le roman, le lecteur était amené à partager l'envie de vengeance du Comte qu'il comprenait et approuvait. Parce que ceux qu'il punirait c'était "les méchants", tout simplement. Et progressivement, insidieusement les convictions se retiraient jusqu'au retournement final. Bref, le Comte était un perosnnage complexe en évolution perpétuelle. Là où le film nous présente la caricature d'un taulard transformé en gentil bien-pensant à sa sortie de prison, le livre nous montrait un homme devenu dur, presque artificiel en surface et délivreur d'une justice froide, calculée et implacable dans lequel on retrouvait avec soulagement parfois les réminescence de sentiments.
Bref, l'élément central du récit a été floué par une politique simplificatrice. Jamais l'on ne retrouve dans ce film cette idée, et il en résulte du coup un film plat, une vengeance vidée de son essence et surtout une fin qui n'a plus aucun intérêt (d'ailleurs elle a été changée en happy end risible, jamais il n'y a eu de changement de cette envergure dans l'adaptation des Misérables).

Et le pire c'est qu'à un moment le Comte dit bien qu'il "déteste ce qu'il est devenu". Alors c'est bien, on pourrait se dire que Dayan a finalement bien pris en compte cette dualité, malheureusement compte-tenu des choix de scènes (entre d'autres inventées) qui ne mettent le Comte que dans la situation d'un "gentil" en justifiant le moindre pêché minime du garçon (mais vraiment minime ! ), ce discourns n'est pas du tout crédible ! Je ne sais pas, mais faire dire à un saint qui n'a rien fait de mal qu'il regrette d'être devenu une ordure, c'est une incohérence de scénario flagrante ! Un peu de sérieux que Diable ! Je pense notamment à une scène où un type est pendu, on retrouve exactement le même discours bien-pensant du 21 ème siècle sur la peine de mort (que l'on retrouve dans une montagne de films) alors que la seule scène de pendaison dans le roman montre un Comte au discours pro-décapitation publique avec un détachement et une froideur presque choquants ! Et ce n'est pas le seul exemple de froide violence du livre. Et même si les objectifs étaient les mêmes, parce que finalement la dureté du réquisitoire du Comte conduisait à une opposition forte du lecteur. On avait donc une critique bien plus forte tout en conservant cette ambivalence du personnage principal duquel même le lecteur était amené à douter.

Outre cet aspect moral, il y a également deux facettes du Comte qui ne sont pas retranscrites.

D'une part c'est bien sûr le faste du Comte qui apparaissait comme un personnage presque iréel tellement il brillait, tellement sa fortune était colossale. N'oublions pas qu'en résumant grossièrement, il faisait passer les parisiens pour des ploucs avec ses montagnes de trésors étrangers, ses étoffes, ses mets, son château : c'était le prince venu d'ailleurs, une figure extraordinaire. Eh bien dans le film, c'est sans doute attribuable en partie à un manque de moyen mais aussi et surtout à une volonté de faire du Comte un héros idéaliste et bien-pensant, note ami Dantès ne passe même pas pour un bourgeois ordinaire, mais pour un bourgeois humblement vêtu dont le faste fait pâle figure par rapport aux autres personnages ! Mais ça c'est encore complètement trahir le roman au profit d'une énième apologie de l'humilité vis à vis de sa richesse (bref, la condamnation du beauf parvenu du 21 ème...dans le Comte de Monte Cristo version Dayan).Là encore le message était en partie présent dans le roman, mais de manière inversée. Le Comte au contraire étalait sa fortune et ne ratait pas uen occasion de montrer au tout Paris l'étendue de ses richesses et de son faste princier. Il montrait que la fortune était gage de moralité, c'était son masque, mais bel et bien de cette manière qui nourissait cette dualité du vengeur masqué tout en nourissant l'aspect extraordinaire du personnage. Là encore, la force du message tout comme l'émerveillement en prend un coup. Mais le pire c'est que comme pour la moralité, Dayan contedit ses choix en faisant bien dire aux autres personnages que le Comte éblouit les gens de ses richesses et de son faste, sauf que c'est tout le contraire dans les faits (à part l'exposé très prosaïque à UNE seule reprise d'une grosse somme à investir). Le simple rempalcement de la jeune et magnifique amante affichée du Comte (Haydée), couverte de diamants et de fard a été remplacée par une veuve quelconque à l'habit humble. Non suelement ça trahit le faste du livre, mais ça contribue encore à faire du Comte un bon samaritain qui va voler au secours d'une bourgeoise qui ne peut plus assurer financièrement l'entretien de son statut.

J'ai déjà plus ou moins abordé la seconde facette du personnage qui est celle du masque. Si dans le film Edmond Dantès se livre régulièrement à la confesson et à l'affichage de ses sentiments et de sa véritable personnalité sur la place publique, dans le roman c'est complètement le contraire ! Je veux dire que le Comte de Monte-Cristo c'est bel et bien le récit d'un plan d'une ampleur incroyable qui inclut le travestissement total de sa personne. D'ailleurs dans le roman, outre le fait qu'on se doute que le personnage que l'on retrouve est Edmond Dantès compte-tenu du déroulement classique d'un roman, l'identité du personnage n'est révélée que plus tard, l'accent étant vraiment mis sur l'impénatrabilité de ce masque, sur ce brouillard épais qui entoure le véritable Edmond. Ce déquisement est d'ailleurs tellement sans faille que le lecteur même est amené à douter de la varitable personnalité du personnaeg que l'on retrouve des années après. Il y a vraiment ce jeu des masques dans tout le roman qui amène le lecteur à guetter avidemment la moindre réminescence de l'Edmond qu'on avait quitté. Et c'était ça qui tenait en partie en haleine. Mais dans le film il n'y a aucun changement dans la ligne de conduite du personnage qui en plus expose sa personnalité sur la place publique de manière flagrante. Le jeu des masques n'est pas respecté, donc là encore on ne peut aps trouver le personnage crédible quand il dit qu'il est fatigué de se cacher (ce qui n'est en plus pas dit dans le roman, le doute est maintenu sur la réalité des pensées du Comte). Encore que du fait du cinéma les transformations physiques présentées comme totales dans le roman sautent (ce qui était irréaliste mais permis par le genre romanesque), d'accord, mais cela ne s'applique pas au mental.

Je voudrais dire également que le découpage de l'oeuvre originale n'a vraiment pas contribué à sauver l'essence du roman. Rien que le fait d'être passé aussi vite sur l'épisode de l'emprisonnement qui conditionne TOUT le récit et l'expérience délivrée par le roman est rédhibitoire. C'est normal de découper un roman quand on l'adapte, mais bon sang pas en supprimant tout ce qui est nécessaire au film quoi. Là où les Misérables réussit son découpage, ce Comte de Monte-Cristo échoue lamentablement. Et je ne parle pas des scènes inventées qui contribuent encore plus à dénaturer l'oeuvre en la rendant d'une platitude mais d'une platitude... La gestion du temps est vraiment déplorable, sérieusement on perd un temps considérable sur une amourette déprimante avec une bourgeoise quelconque en laissant de côté tout ce qui est important. On a l'impression que Dayan a même fait passer cela avant la relation à Mercédès (qui est presque le personnage le moins dénaturé du film). Un peu de sérieux quoi !

Au final, le film se révèle tout juste moyen en tant que film avec sa platitude globale et surtout complètement à côté de la plaque en tant qu'adaptation d'un roman dont il porte le titre, surtout quand on n'assume pas de trahir l'ouvre jusqu'au bout (cf les répliques en totale contradiction avec ce qui se passe dans le film) ! La dualité, le merveilleux, le masque, tous ces thèmes ont été floués au profit d'un modèle du bourgeois gentilhomme éclairé du 21 ème siècle. Par pitié gardez votre camion de topoï ressortis à chaque films pour vos productions, mais ne venez pas salir des oeuvres comme celles là de tels affronts. Bon, je pardonne tout de même à Dayan qui a mon sens a livré plus tard une adaptation exceptionelle des Misérables. Cependant, c'est un carton rouge pour ce téléfilm.
Foulcher
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le 2 nov. 2011

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