Lorsque le jeune CEO et créateur de leur entreprise meurt assassiné, les employés d’une entreprise de jeux vidéo en difficulté ont la surprise de voir apparaître un bien étrange consultant, Regus Patoff, qui prend la direction et impose des méthodes pour le moins singulières afin de redresser les comptes…
… Voilà le point de départ de la série (mini-série sans doute, car l’histoire se boucle à la fin des 8 épisodes, et une suite paraîtrait superfétatoire…) le Consultant : ce résumé – objectif – laisse attendre une dénonciation de la violence faite aux employés dans l’entreprise mue par les ressorts du capitalisme financier le plus inhumain, mais également de la facilité, voire de l’enthousiasme avec laquelle les victimes du système deviennent complices de leurs bourreaux. Et, en effet, ce thème, passionnant, et politiquement percutant, sous-tend l’arc narratif du Consultant, jusqu’à une conclusion logique, très satisfaisante d’ailleurs même si elle suscite un rejet général de la part de téléspectateurs peu séduits par son cynisme… ou plutôt son réalisme ?
Mais comme le showrunner et scénariste du Consultant est Tony Basgallop, déjà responsable du délire plus ou moins contrôlé qu’est Servant, il semble qu’il n’ait pas été possible de se limiter à ce sujet, pourtant passionnant : Basgallop introduit une multitude d’éléments de thriller, de fantastique, voire de Science-Fiction qui ont un effet déroutant. Car ce que Basgallop challenge ici, ce n’est pas seulement les limites de notre moralité, de notre éthique, quand il s’agit de survivre dans un milieu toxique comme celui de certaines (de beaucoup d’) entreprises, et de progresser dans la hiérarchie en écrasant les autres, mais également l’altération de la perception de la réalité que cette « aliénation » provoque.
Le personnage quasi surnaturel – ne révélons pas ici l’incroyable découverte faite par les protagonistes dans la seconde partie de la série -, voire même « divin » comme l’on souligné certaines critiques US, de Regus Patoff doit évidemment beaucoup au talent de Christopher Waltz, co-producteur de la série. Même si l’on peut trouver qu’il reste un peu trop dans la ligne de son inoubliable personnage de Colonel Landa dans Inglourious Basterds (son usage des langues, ici le coréen, renvoyant d’ailleurs plus encore au « génie » de Landa), il déploie un mélange de malveillance infinie, de pouvoir irrésistible, et de séduction perverse que peu d’acteurs peuvent suggérer. Le problème est qu’évidemment, face à un tel « monstre », on a du mal à s’intéresser réellement aux états d’âme d’Elaine (Britanny O’Grady, sympathique mais peu apte à jouer les jeunes femmes ambitieuses) et de Craig (Nat Wolff, aussi passe-partout que son personnage), ce qui déséquilibre la série.
Néanmoins, le plus gros problème du Consultant – comme c’est le cas de toutes les séries qui, à la manière de Lost, multiplient les énigmes sans leur apporter de réponses – se pose au spectateur qui ne serait pas fasciné par la formidable méchanceté de la série (il y en aura peut-être même certains que cela fera fuir…). Il aura d’autant plus de mal à accepter les manipulations successives auxquelles se livre Basgallop, et auxquelles il n’apporte jamais de véritable conclusion, comme si la structure de la narration était une sorte de marabout-d’ficelle ne servant qu’à faire monter la tension et augmenter la confusion des personnages comme du téléspectateur.
Dans tous les cas, que l’on souscrive ou pas aux petits jeux du Consultant, voilà une série qui se distingue du tout-venant, et qui mérite donc que chacun y jette un œil. Au mieux, on passera un excellent moment, au pire, on réfléchira aux attitudes et comportements de nos chefs et collègues de bureau !
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/03/10/prime-video-le-consultant-le-plaisir-et-lefficacite-du-harcelement-au-boulot/