Les vrais pions sont plus influençables qu'on ne le croit.

Et j’en ai marre des histoires qu’on nous serine de ces destins uniques pour gens extraordinaires. Rien de lambda. Donnons à rêver aux gens banals, aux moins que rien, aux anonymes, aux innocents, aux pauvres et aux lâches. Montrons leur ce qu’ils n’auront jamais et expliquons leur toutes les bonnes raisons pour lesquelles ils doivent se soumettre. Quel putain de monde serait celui où une jeune orpheline est née avec le talent ultime pour devenir la meilleure joueuse au monde d’échecs. Et comme dans un manga pour ados, elle franchirait successivement les obstacles que la vie dresserait sur son chemin. Ils seraient nombreux et elle les surmonterait les uns après les autres. Elle créerait ses propres difficultés sans cohérence et les résoudrait sans effort ni sacrifice. A la fin, on découvrirait que malgré son égoïsme, même pas justifié par un semblant d’asperger qui ne serait pas traité, malgré sa méchanceté, sa bêtise humaine, son inconsistance, son absence totale d’empathie et de sentiment, son unique expression figée, elle serait entourée, aimée, adorée. Par tous ces hommes qui sont tombés amoureux, l’admirent, de ces femmes qui voient en elle un modèle. Du public aussi, évidemment, miroir aux alouettes fadasse et prévisible. La foule n’est pas un public difficile.

Pour faire pire, moins crédible, moins intéressant, il faudrait je sais pas moi proposer un jeune homme hyper malin qui tomberait amoureux de sa prof de français de vingt ans son aînée et grâce à qui, contre tous, il conquerrait le pouvoir absolu. Ça ne tient pas, les ficelles sont trop grosses, personne n’y croit si ce n’est les simples d’esprit. Et putain qu’ils sont nombreux ces cons là.

Maintenant, si je dois parler de cette foutue série, portée par le visage aussi particulier qu’attirant d’Anya Taylor-Joy, mais pas du tout par sa direction d’acteurs, ni la réal’ qui passe un temps infini à figer les moues soporifiques de ladite Anya, à pomper des mises en scène chiantes pour remplir des épisodes de parties d’échec à la chaîne, je devrais demeurer discret sur la réalité prétentieuse du résultat final et surtout sur la faiblesse intellectuelle de ceux qui crient déjà au génie absolu. Les diplômes ne font pas l’intelligence et l’intelligence n’est jamais la caractéristique qu’on doit flatter pour réussir, convaincre et conquérir. Contrairement au faux message pas du tout subtile que tente vainement de faire passer The Queen’s Gambit mais bien conformément à la vérité qu’elle scande.