Le Prisonnier est une série télévisée britannique de 17 épisodes diffusés entre 1967 et 1968. Il s’agit d’une des séries anglaises les plus marquantes et mémorables de cette époque, avec Doctor Who et Chapeau Melon et Bottes de Cuir (The Avengers en VO). Mais contrairement à ces deux dernières qui sont pourtant plus connues, The Prisoner revêt une aura plus importante par sa fulgurance, son originalité et sa profondeur thématique indéniable. Alors Doctor Who et The Avengers se veulent plus du registre du divertissement et de la représentation légère et décalée des Swinging London, The Prisoner marque durablement à la fois par ses questionnements et sa capacité à brasser une multitude de références, de tons, de genres et de thématiques pour créer quelque chose de décalé, d’inclassable et de fascinant. Par son étrangeté, la série est à la fois intemporelle et délicieusement datée aussi.
Alors de quoi s’agit-il ?
Après sa démission fracassante, un agent secret se fait enlever et se retrouve prisonnier dans un village irréel peuplés d’individus interchangeables portant tous un numéro. Notre agent se voit attribuer le numéro 6. Dès lors, il n’aura de cesse de lutter contre les membres de la mystérieuse organisation dirigeant le village, dont divers numéros 2 qui cherchent par tous les moyens à percer le secret de sa démission, tout en affirmant sa liberté et sa volonté de s’échapper de ce lieu d’aliénation malgré la menace constante d’un dangereux ballon-sonde blanc rugissant, étouffant ses victimes et faisant office de gardien.
Première idée géniale, le générique de la série est hautement symbolique et parfaitement diégétique. Il fait partie intégrale de l’histoire puisqu’il raconte le début de l’histoire et les enjeux dramatiques de la série. De plus, ce générique est un exemple de montage et de mise en scène. Véritable signature de la série, il contient tous les éléments significatifs de l’histoire ainsi que le mémorable dialogue initial qui peut être reprit au compte de chacun d’entre nous. Pour que chacun ai en tête durablement les images de ce générique mythique, voici un lien
Deuxième atout essentiel de la série : Patrick McGOOHAN (1928-2009). Cet comédien américain d’origine irlandaise ayant passé son enfance en Angleterre est l’acteur principal, le scénariste, le producteur et le co-créateur de la série avec Georges MARKSTEIN (ancien agent-secret, auteur de romans d’espionnage et figurant important du générique de la série. C'est lui l'homme à qui McGOOHAN remet sa démission).
Patrick McGOOHAN porte littéralement la série sur ses épaules tant par son investissement dans l’intrigue que par son interprétation du rôle. Dans chaque épisode, il crève l’écran par un jeu d’acteur tout particulier et très personnel. Le générique en donne d’ailleurs un bel aperçu. Notre acteur est totalement investi dans son rôle et exprime continuellement cette volonté de résister, de vaincre, de comprendre et d’exercer son esprit critique. Physiquement et dans sa silhouette, le Numéro 6 est l’image même de l’anticonformisme, du rebelle, du subversif, de la résistance de l’individu face au système. Patric McGOOHAN a un jeu très expressif qui le rapproche de l’archétype du mâle viril des années 50 (froid, sec, sûr de lui, toujours impeccable et légèrement pince sans rire) mais aussi de l’expressionnisme allemand (regard halluciné ou suspicieux, gestuelle saccadée et heurtée, sourcils froncés ou soulevés, expressions surjouées). Cela constitue un personnage fort et monolithique mais aussi plein de failles qu’il tente de cacher et qui se trouve toujours au bord de la rupture. A plusieurs moments de la série, le Numéro 6 souffre, a peur et semble être proche de la défaite. McGOOHAN arrive parfaitement à distiller et à exprimer cette diversité et cette profondeur de sentiments. Comme le personnage du Prisonnier, le spectateur sort exténué et halluciné après la prestation et l’énergie continuelle du jeu de Patrick McGOOHAN.
Le casting des seconds rôles n’est pas non plus en reste. Dans chaque épisode –et comme le célèbre dialogue du générique le laisse entendre- le Prisonnier doit lutter contre un nouveau numéro 2 en charge de priser son esprit pour obtenir de précieuses « informations ». La valeur d’un héros se mesure à la qualité de ses ennemis. Ici, Patrick McGOOHAN a su s’entourer d’acteurs de d’actrices aguerris du théâtre, du cinéma et de la télévision britannique de l’époque. Chaque comédien apporte une touche personnelle de perversité, d’autorité, d’élégance ou de supériorité qui coïncide avec les plans échafaudés pour faire tomber numéro 6. L’alchimie entre les acteurs et McGOOHAN marche à chaque fois et donne lieu à de savoureuses joutes verbales et à des débats enflammés qui enrichissent la réflexion de la série sur l’aliénation, l’emprisonnement, le totalitarisme et la volonté de résistance à l’oppression.
Je reviendrai sur certains de ces seconds rôles au cours de la présentation de chaque épisode.
Le dernier élément notable de la série Le Prisonnier est le choix esthétique de ses créateurs quant à l’aspect visuel global de l’ensemble.
L’action principale prend place dans une prison, mais cette prison a clairement l’apparence d’un village bucolique. Cela crée un premier décalage, un malaise. Il y a quelque chose d’anormal, de caché, donc il y a quelque chose de dangereux et d’incontrôlable. De plus, ce village parfait, ce lieu de villégiature est en fait un amoncellement d’architectures improbables mélangeant les styles spécifiques de différents pays et époques : palladianisme renaissance, baroque italien du XVIè siècle, rococo autrichien, romantique victorien, campaniles, fontaines, dômes, port fictif, etc. Les murs sont peints de couleurs chatoyantes voire criardes, des ruelles dallées, des escaliers tortillant entre les maisons se succèdent partout dans ce décor idyllique et labyrinthique. Il s’agit d’une prison dorée. C’est un espace déroutant où l’on est désorienté et sans repères. Même si ce village-prison n’est pas sans rappeler les gravures de Piranese, il ne s’inscrit dans aucune époque et ne peut être localisé par son architecture. D’ailleurs, le lieu n’a pas d’autre dénomination que « Le Village ». Ce village n’est nulle part, il pourrait donc être partout. Ce non-lieu anachronique donne une impression d’étrangeté et d’anxiété qui immerge le spectateur dans le mystère et l’inquiétude. La perte de repères est due à un environnement étrange voire hostile. D'ailleurs, il s'agit du village réel de Portmeirion, au Pays de Galle, dont le nom et la localisation sont judicieusement cachés jusqu'au dernier épisode. Ce dévoilement souligne que le Village et la série peuvent exister, ce n'est pas seulement de la fiction.
De même, les habitants-prisonniers du Village sont tous habillés pareils avec marinières colorées mais à rayures de bagnards, casquettes gavroches, parapluies multicolores par tout temps. Ils se déplacent sur d’antiques vélocipèdes mais reçoivent les informations et injonctions des dirigeants du village par haut-parleurs futuristes. Les portes des maisons s’ouvrent et se referment seules et l’intérieur des bâtiments est en contraste avec leur extérieur par un mobilier moderne et futuriste typique des années 60.
Les références au passé évoquent l’ordre, la stabilité, la continuité que les dirigeants du village veulent conserver jusqu’à l’absurde (les vélocipèdes) contre tout comportement rebelle. Les utilisations de l’informatique naissant et des nouvelles technologies évoquent un futur totalitaire qui contrôle les individus et les déshumanise en les surveillant, en leur attribuant un numéro et en voulant connaître leurs pensées.
Tout ce mélange d’époques, de techniques, de styles et d’idées accentue l’intemporalité et l’universalité de la série. L’implication émotionnelle du spectateur n’en est que plus forte puisque tous ces éléments (village, costumes, décors) marquent encore durablement les esprits et sont devenues de véritables signatures visuelles de la série.
Évoquons enfin l’ambiance sonore extraordinaire de la série. Outre la voix grave de Patrick McGOOHAN et sa diction rapide et déterminée, il y a aussi le rugissement du rôdeur et surtout l’excellente musique. Le générique mémorable est de Ron RAINER (1922-1981, aussi co-créateur du thème original de Doctor Who en 1963 tout de même). La musique des épisodes est écrite entre autre par Albert ELMS (1920-2009) et Robert FARNON (1917-2005). Étrange et dissonante, à base de cuivres et de synthétiseurs, la musique illustre et accompagne parfaitement le mystère, le malaise et l’angoisse distillées par les images des mésaventures du Prisonnier. La musique contribue autant au succès de la série que les éléments précédemment cités. C'est est aussi un élément de compréhension et d’analyse de l’intrigue. Ainsi la série emprunte aussi quelques morceaux préexistants comme la comptine « Pop goes the weasel » ou plus surprenant le « All you need is love » des Beatles. Mais leur utilisation est tout à fait à propos et accentue l’absurdité des situations ou le cynisme de l’auteur et donc celui que doit avoir le public face à certaines images.
Voyons maintenant le déroulement de l’intrigue à travers la présentation sommaire de quelques épisodes parmi ceux qui m’ont le plus marqués. Mais la plupart des épisodes apportent leur lot de surprise, de révélations ou de trouvaille de mise en scène. C’est pourquoi, je vous invite à visionner toute la série, afin de vous faire votre propre idée.
Épisode 1 : L’Arrivée.
Première rencontre avec le Prisonnier. Découverte du Village, de ses habitants, du Numéro 2, de son écharpe et de son bureau futuriste au fauteuil globe sortant du sol et ses téléphones de couleur, du Majordome nain et du Rôdeur. Le spectateur est aussi halluciné que le Prisonnier face à cet univers inédit. Parfaite identification au personnage car le public n’en sait pas plus que le héros et découvre tout en même temps que lui. Ambiance anxiogène très bien construite par un montage et une musique efficaces.
Épisode 2 : Le Carillon de Big Ben.
Intelligent coup de théâtre : dès le second épisode, le Prisonnier réussi à s’échapper du Village. Après un long périple clandestin, il arrive à Londres où il cherche à expliquer la situation à ses supérieurs du Service Secret dont il vient de démissionner.
Mais même ces derniers semblent complices de l’organisation dirigeant le Village qui avait facilité l’évasion, espérant obtenir les raisons de la démission du héros par le biais hiérarchique. A son insu, le Prisonnier est renvoyé au Village. La surprise n’en est que plus grande !
A noter qu’à partir de cet épisode, le Numéro 6 portera toujours sa mythique veste noir à liserais blanc. C’est aussi avec cet épisode que l’on découvre que plusieurs individus peuvent se succéder au poste de Numéro 2, selon leurs compétences, leurs méthodes ou suite à l’échec de leur prédécesseur.
Épisode 3 : A, B et C.
Le Numéro 6 est drogué pour que ses pensées soient visualisables sur les écrans du nouveau Numéro 2. Ce dernier espère trouver dans les rêves du prisonnier la raison de sa démission. Ce scénario est un prétexte pour réaliser une histoire d’espionnage car les rêves du Numéro 6 le mettent en scène dans sa vie d’avant. Nous avons donc droit à smoking, soirées de gala, castagnes, trahisons et jeux de dupe. Il s’agit d’une référence à James Bond mais surtout à Destination Danger (Danger Man en VO), la série télévisée qui a fait le succès de Patrick McGOOHAN au court de la décennie 60. A l’issue de l’épisode, nous apprenons que notre héros n’a pas démissionné pour des raisons diplomatiques ou de trahison liées à son ancien métier.
Épisode 4 : Liberté pour tous, scénarisé et réalisé par Patrick McGOOHAN lui-même.
Pour contredire le Numéro 6 et pour lui prouver que le Village n’est pas l’organisation totalitaire qu’il croit, le nouveau Numéro 2 annonce des élections pour sa propre succession. Il incite le Numéro 6 à présenter sa candidature. D’abord soupçonneux, ce dernier se laisse tenter et se lance dans une campagne acharnée. Probablement le meilleur épisode de la série. Pour commencer, le Prisonnier ne cherche plus tant à s’évader qu’à mettre à mal l’organisation qui le retient au Village. De plus, la lutte qu’il engage n’est plus violente et anarchique mais utilise le système pour mieux le détruire. Il accepte de jouer selon les règles du Village et selon les règles démocratiques (même si celles-ci sont perverties par l’organisation). La lutte se fait à couvert. L’épisode est plus psychologique et le Numéro 6 dévoile une certaine habilité à la manipulation et un goût pour l’autorité. Il se rapproche de ses geôliers. A noter surtout la fin brillante et particulièrement amère que je vous cache volontairement.
Les épisodes 5, 6 et 7 n’apportent rien de particulier à la mythologie de la série et traitent de sujets annexes à ceux initialement présentés dans la série.
Épisode 8 : Danse de mort.
Alors qu’il tente de planifier une évasion avec d’autres prisonniers, le Numéro 6 est invité à des festivités en son honneur. Mais sous l’instigation de la nouvelle Numéro 2, ces fausses réjouissances vont vite se transformer en procès pour comportement asocial dont la sentence sera la mort par vindicte populaire. Il s’agit d’un épisode intéressant durant lequel on découvre un peu plus le fonctionnement du Village. Le Numéro 6 parvient à trouver des résistants comme lui et d’anciens collègues même s’ils ne résistent pas longtemps.On comprend aussi comment l’organisation qui contrôle le village gère la disparition public de ses prisonniers. A noter le costume de Numéro 2 durant les festivités : Peter Pan. Cela colle bien à sa petite silhouette aux cheveux courts et à sa personnalité intelligente et déterminée, comme un petit gnome malfaisant dont l’actrice Mary MORRIS joue avec délice et professionnalisme.
Avec les épisodes 9 à 12, il semble que la série s’essouffle : le schéma d’opposition entre le Numéro 6 et les Numéros 2 à tendance à se répéter (Numéro 2 utilise la technologie ou la science pour briser le Prisonnier mais échoue par trop d’arrogance). De même, il n’est plus du tout question de percer le secret du Prisonnier, juste de le rendre docile ou de briser son esprit rebelle (ce qui n’est pas inintéressant en soi). L’épisode L’enterrement va même jusqu'à présenter un Numéro 2 complotiste qui n’a absolument rien à faire du Numéro 6 et dont le seul objectif est de devenir Numéro 1. C’est même le Prisonnier qui le fera tomber pour sauver le système. Enfin, si le personnage de McGOOHAN reste combattif et déterminé, il n’est plus acteur et ne fait que répondre aux attaques dans ces épisodes-là.
Épisode 13 : L’impossible pardon ( Do not forsake me oh my darling en VO).
Épisode très curieux dans lequel le Prisonnier est joué par un autre acteur (moins charismatique que McGOOHAN) à la suite d’un procédé scientifique échangeant les esprits entre deux corps. De même, le scénario donne au Numéro 6 une fiancée à laquelle il n’a jamais pensé auparavant et qui ne semble pas présenter d’enjeu émotionnel pour lui. Enfin, le Numéro 6 est envoyé en mission en dehors du Village, comme si ce détail carcéral n’avait plus d’intérêt. Ces changements s’expliquent en partie par l’absence de McGOOHAn qui était au même moment sur le tournage du film Destination Zebra: station arctique (Ice station Zebra en VO). Dans cet épisode et le suivant, le célèbre dialogue du générique est malheureusement absent.
Épisode 14 : Musique douce (Living in Harmony en VO).
Épisode encore plus étrange que le précèdent : l’intrigue de la série est transposée dans une ambiance de western. Le Village nommé Harmony est au Farwest, Numéro 6 est un cowboy solitaire et Numéro 2 est le juge dirigeant le village. Là encore, le Prisonnier est contraint de se plier aux règles du lieu sous peine de vindicte populaire et de pendaison publique. Il y a injonction au conformisme et à vivre en harmonie (comme le sous-entend le titre original). Numéro 6 doit aussi affronter le Numéro 8 (Alexis KANNER), une petite frappe violente et incontrôlable qui a l’appui du Numéro 2. Toute cette intrigue souligne le fait que le Village est un phénomène intemporel et que de tels lieux et organismes totalitaires peuvent exister à toutes les époques. De plus, l’épisode choque par sa violence crue et sa folie. Numéro 6 est passé à tabac, il semble plus fragilisé que d’habitude par la coercition ambiante. Il y a plusieurs morts violentes. Mention spéciale à Alexis KANNER qui joue un Numéro 8 fou, anarchiste, fébrile et dangereux. Son accoutrement et sa silhouette accentuent aussi son aspect décalé, anormal et dérangeant.
La mise en scène du meurtre qu’il perpétue et de son suicide rend sa performance très angoissante.
Épisode 15: La mort en marche (The girl who was death en VO).
Les surprises continuent avec cet épisode complètement fou. C’est un pur produit de l’humour et du non-sens anglais. Tout y est totalement absurde et cocasse. Mais paradoxalement, ce décalage énorme est joyeusement le bienvenu. Accessoirement, il s’agit d’une parodie de film d’espionnage. Le Numéro 6 retrouve son métier d’agent secret. Il doit stopper les agissements d’un savant fou qui projette d’envoyer un missile sur Londres. Pour atteindre le dangereux individu, il passe tout l’épisode à poursuivre la fille et complice de celui-ci qui tente de le tuer à de multiples reprises. Nous avons donc droit –entre autres choses - à un Patrick McGOOHAN à la barbe postiche déguisé en distingué Lord anglais dans un pub, dans une montagne russe de fête foraine, dans une course poursuite automobile aux rebondissements rocambolesques remettant en question de manière hilarante les lois de la physique (au sens propre du terme, il faut le voir pour comprendre). Le tout avec un flegme britannique absolument jouissif dans toutes les circonstances. Il doit ensuite survivre à des pièges mortels (fosse remplie de pics acérés, bougies au cyanure qui ne peuvent être éteintes sans exploser…). A l’issue de tout cela, il retrouve le savant fou qui se prend pour Napoléon et est entouré de grognards aux accents gallois, écossais et irlandais. A la fin, tout explose, comme il se doit. Outre ce côté humoristique et totalement décalé, cet épisode est aussi l’occasion pour Patrick McGOOHAN de dévoiler tout son potentiel comique. Force est de constater que cela marche très bien. C’est une petite parenthèse, une petite récréation, avant de revenir aux choses sérieuses avec le dénouement en forme de double épisode.
Épisode 16 : Il était une fois, scénarisé et réalisé par Patrick McGOOHAN.
Un ancien Numéro 2 (Leo McKERN), qui semble étranger à l’organisation qui dirige le Village, est rappelé à son poste. Soucieux d’en finir une bonne fois pour toute avec le mystère du Numéro 6, il décide de lui faire subir une régression psychanalytique. Le Numéro 2 dirige personnellement l’expérience bien que le processus soit risqué et mène obligatoirement à la mort du docteur ou du patient. Nous assistons dans cet épisode à une lutte des esprits et des volontés entre le Numéro 2 et le Numéro 6 à travers des affrontements symboliques intenses (combat d’escrime à mort, rapport conflictuel enfant et image du père, etc). Patrick McGOOHAN et Leo McKERN s’en donnent aussi à cœur joie avec des prestations toutes à fait impressionnantes et investies (crises d’hystérie, regard profond et déterminé, tension palpable et contenue avec peine, rôles physiques).
Le Prisonnier parvient tout de même à surmonter l’épreuve en inversant les positions. Alors qu’il est au bord de la rupture en découvrant dans son passé son caractère soumit à l’autorité (paternelle ou militaire) et l’absurdité de ses convictions dont découlent les actions qu’il peut accomplir en obéissant ainsi, le Numéro 6 découvre la faille de son adversaire. Ce dernier n’est QUE Numéro 2, il aura toujours ce Numéro 1 inconnu au-dessus de lui, lui aussi n’est pas tout puissant et ne fait qu’obéir à des ordres. Prenant à son compte le discours de ses adversaires, le Prisonnier retourne l’esprit du Numéro 2 en lui déclarant qu’il est lui-même le Numéro 1 à qui le Numéro 2 doit obéir. Il est intéressant de voir ici que le Prisonnier gagne en battant les dirigeant du Village à leur propre jeu, en employant leurs propres méthodes de conditionnement et de domination.
Épisode 17 : Le dénouement (Fall out en VO), écrit et réalisé par Patrick McGOOHAN.
Après sa victoire sur le Numéro 2, le Prisonnier est autorisé à rencontrer le Numéro 1. Mené par le Majordome nain, il est introduit dans les souterrains du Village et invité à assister au procès de deux dissidents par les membres de l’organisation aux numéros et aux vélocipèdes.
Pour ce dernier épisode fondamental, libre à chacun de l’interpréter à sa guise et de le découvrir de la manière la plus libre possible et « vierge de tout commentaire ». L’on peut juste dire qu’il y a beaucoup de choses à analyser et que chaque image ou dialogue et d’une profondeur intéressante et multiple. L’épisode est purement allégorique et sa force à lui comme à toute la série est cette richesse d’interprétations, cette liberté d’interprétation par l’absence de fin nette et compréhensible.
Malgré son ancienneté, Le Prisonnier reste encore et toujours d’actualité par ses thèmes abordées et les éléments les plus vieillots, voire clairement kitchs sont aussi des atouts pour passer un bon moment devant cette série de nos jours. De nombreux éléments, tant formels, que scénaristiques, de jeu d’acteur ou de mise en scène contribuent à encrer durablement cette série dans la mémoire collective. En sommes, tout est quasiment parfait et emballant dans cette série.