L'histoire du "Héros aux 1001 visages" grec

L'idée de Blood of Zeus est assez simple : puiser dans un univers riche est varié comme celui de la mythologie grecque pour partir sur une histoire originale (stipulée dès le début du premier épisode par le fait que c'est un "conte oublié"). D'ailleurs, cette histoire est, paradoxalement, originale dans le sens où elle prend des libertés avec certains passages connus de la mythologie, et à la fois peu originale puisqu'elle récupère toutes les mécaniques des nombreuses histoires de héros/héroïnes que nous pouvons voir, lire et écouter depuis petits, qu'elles proviennent de récits anciens ou très récents. L'animation y est plutôt inégale, souvent décevante et parfois très soignée et appréciable. Le tout baigne dans une ambiance hellénique travaillée (musicalement, visuellement et culturellement) qui est, selon moi, le vrai plus de cette série. Étant passionné par les mondes antiques, je perds certainement un peu d'objectivité, et il est probable qu'une personne qui y soit moins sensible ne l'apprécie pas autant.

Si l'on rentre plus dans les détails (et dans le spoil) :

Cette histoire d'un énième enfant illégitime de Zeus issu d'une relation extraconjugale avec une humaine (le roi des dieux est un peu le spécialiste en la matière pour ceux qui le connaissent un minimum), c'est finalement un sujet très abordé au sein même de la mythologie grecque. Les questions de l'adultère, de la jalousie, de l'intrusion des dieux dans les histoires des Hommes, de leurs conséquences. C'est même la base de la Guerre de Troie.

Comme je l'ai précisé au-dessus, tout cela met en avant la figure classique du héros comme on le retrouve dans le Héros aux 1001 visages de Joseph Campbell, travail très popularisé surtout après que Georges Lucas ait avoué s'en être inspiré pour Star Wars. Le cheminement classique, qu'on retrouve dans quasiment toutes les religions/mythologies/croyances autour du monde, c'est celui d'un personnage qui sort de son monde ordinaire pour débuter un voyage parsemé d'étape qu'on retrouve ici (aide d'un personnage "sage", confrontation à la mort, alliés gagnés au cours de la quête, arme/objets gagnés déterminants, etc.).
Mais à cela, s'ajoute la petite touche des tragédies grecques, à savoir le drame familiale similaire à Œdipe, avec des familles déchirées qui, par le destin (coucou les dieux) et sans le savoir, finissent par totalement se détruire. C'est en cela que je trouve la série juste. Pour rappel, les tragédies grecques tout comme la mythologie,permettent, au-delà de la distraction, d'éduquer les jeunes grecs et de les familiariser avec une culture commune. Ici, nous sommes face à une histoire qui, à quelques détails près, aurait pu être chantée par un poète grec à un jeune public de l'Antiquité.

Alors évidemment, nous, êtres du 21ème siècle bloqués devant Netflix ne sommes pas un public de l'Antiquité et des histoires comme celle-ci, on en dispose à la pelle. C'est peut-être pour ça qu'un décalage peut se ressentir, et que le scenario nous semble pas ou peu original. Même les dialogues paraissent plats, platoniques. Pourtant, l'histoire n'est pas avare en révélations (sans nous faire poireauter pendant 15 879 épisodes), les choses avancent sans traîner dans la longueur ET des gens meurent ... beaucoup même. C'est de l'animation certes, mais c'est violent, voire gore. Les méchants sont de vrais méchants ici, et c'est assez plaisant.

J'ai, en ce qui me concerne, beaucoup apprécié le chara-design des personnages, surtout celui des dieux de l'Olympe. Certes, tout le monde est magnifique (c'est un conte après tout), mais tout le monde est magnifique à sa manière (sauf le pauvre Héphaïstos, désolé) et tous ont des attributs propres qui les rendent singuliers, reconnaissables.
Ce visuel est malheureusement parfois mis à mal par l'animation qui, comme je l'ai dit, est assez inégale, allant parfois de combats vraiment moches, à des passages magnifiques (les courses d'Hermès, l'eau de Poséidon). L'ensemble, un peu bancal, est d'autant plus décevant que la série regorge d'idées de mises en scène intéressantes pour servir un monde grec crédible, qui balance pourtant entre monde des mortels et monde des dieux.

A cela, s'ajoute le travail d'ambiance hellénique, à la fois visuel et sonore, que je trouve particulièrement plaisant. Chaque intro jusqu'au titre de la série propose un découpage avec des scènes d'action, ou calmes, mais différentes d'un épisode à un autre avec une musique rappelant la violence ("Blood") mais avec des rythmiques qu'on associe dans notre imaginaire au monde grec. S'ajoutent à cela les paysages, très typiques de la Grèce (continental, et à la fois maritime), des éléments culturels connus (la céramique, l'huile, l'architecture) et enfin, une manière d'aborder la mythologie assez intéressante, expliquant divers aspects sans trop rentrer dans les détails pour ne pas perdre le public, mais en oubliant volontairement certains d'entre eux car sûrement jugés inaptes (Zeus et Héra, mari et femme mais aussi frère et sœur hein).

Au final, sous couvert de l'aspect animation et de l'histoire du héros classique se trouve une série abordant des thèmes adultes, mêlés à la tragédie grecque et à ce qu'elle implique. Parce que j'aime (un peu trop ?) le monde antique grec et que je me suis laissé porté, j'ai eu l'impression, l'espace de ces 8 épisodes, d'être un enfant du Péloponnèse au 4ème siècle av. J.-C. écoutant un aède me narrer l'histoire d'un humain qui, parmi les querelles divines, tente de se connaître, de se faire reconnaître, et de devenir un être purement mythique, mythologique.