Continue de dormir, le Balrog. Ce qui se passe en haut va te foutre en rogne.

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Après avoir parcouru la saison de cette série dont je n’attendais pas grand-chose, une question est restée en suspend. A qui s’adresse-t-elle ?

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Probablement un spectateur fantasmé, chimérique, vomi par une étude de marchés et marqué d’une main blanche d'exécutifs sûrs que l’annonce de la série la plus chère jamais produite suffira, à elle seule, à éteindre l’esprit critique de tout spectateur séduit, par réflexe pavlovien, comme il a pu l’être devant 20 ans de produits marvelisés et de productions triple A. Une chimère qui n’aurait vu que des résumés wiki de Tolkien ou écouté ce que des shorts en disent, qui pense que le cinéma est du cinématic universe, qu’une référence doudou à un Balrog suffira à le combler. Qui pense que The Revenant est moins un film d’ambiance, de symboles et d'expériences visuelles que le film cool où un mec se bat contre un ours. Voire même, sait-on jamais, une chimère qui n’a vu aucun film, joué à rien et seulement consommé des bande-annonces toute sa vie, entre deux pubs de parfum ou de voitures. Cette chimère-là doit adorer Les Ennuis de Boudoir, les êtres de chair naturelle s’étant endormis dès le premier épisode, dont la réelle qualité est de vraiment garantir un sommeil profond tant il se plaît à confondre profondeur avec vide, sagesse avec lenteur, courage avec absence de peur et d'enjeux.

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Parce que la série débute vraiment mal. On nous présente beaucoup de personnages - beaucoup trop - tout en n’offrant à aucun d’entre eux un intérêt réel, pas plus que de résolution d’arc pour qu’à la fin, outre le retour de Sauron et la création des premiers anneaux, rien ne soit un temps soit peu résolu. Comme quoi, même boucler une saison d’une série de plusieurs heures, ça devient impossible, dans une histoire semblable à une blague trop longue et dont on a oublié la chute. Fort heureusement, la scène de création des anneaux dépote et laisse un sentiment de satisfaction, avant de quitter la série en se disant que deux épisodes ou un film auraient suffi à produire la même chose, pour moins cher. Embarquez , sbires sans impact sur ce qui va suivre. Car il y a beaucoup de personnages, certes, mais bien peu d’âmes parmi eux.

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Galadriel, le personnage du joueur qui couche avec le maître du jeu.

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Une elfe petite vit un moment de méchanceté elfique, mais qui servent à une leçon de vie Jambon Herta. Puis les gens qu’on a vu trente secondes meurent, ce qui donne à petite elfe une quête de vengeance. Cette introduction confirme à la fois qu’on a encore confié de la littérature à des publicistes, mais aussi que ce sera long pour pas grand-chose.

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Galadriel, devenue adulte, mène son groupe de soldats en quête du vilain Sauron qui a tué ses proches. On nous présente là une belle vision de ce que des industries pensent qu’une héroïne doit être. Oubliez Furiosa, Sarah Connor ou même Naru, la native affrontant le dernier Predator en date. Un personnage féminin badass est une prétentieuse arrogante, agressive et qui traite les autres comme du bétail ou des jouets de ses lubies.

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Ainsi, le premier épisode nous montre un personnage de jeu de rôle dont est amoureux un joueur marionnettiste et qui veut à tout prix démontrer comme elle est trop bien sa waifu. Le MJ l’a autorisé à mettre 300 % de stats partout, parce que les gens aiment les personnages sans faiblesse, surtout s’il n’ont ni second degré, ni humour.

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Tandis qu’une tempête de neige fait faiblir les troupes, Waifudriel rebrousse chemin et leur montre son 30/10 en endurance. Les gens sont éreintés, elle leur montre son score en résolution. Ils entrent dans une ancienne bâtisse et cherchent des indices, elle leur montre sa stat en astuce en découvrant tous les mystères de la pièce. Un autre joueur dit qu’il faut se tirer, elle répond « personne ne veut autant que moi ce que tu veux, mais moi je vais au bout contrairement à toi, petite merde ». Et quand le MJ met un troll à affronter, elle laisse ses compères se faire éventrer pour lui servir de faire-valoir, avant de rebondir sur une épée, succéder glissades et saltos de pro gamer Dark Souls, découper la créature de partout en même temps et même faire tournoyer ses deux épées (elle a pris la compétence ambidextre aussi) avant de les ranger pour célébrer sa pose de la victoire, seule gagnante de ce combat où troll et troupes ont fait honte à l’esprit de l’aventure. J’aurais opté pour un T Bag, ce moment où le joueur fait des flexions au-dessus de la tête du troll pour bien lui montrer qu’il l’a eu façon EZ noob.

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Je suppose que les scénaristes se sont dit que ça serait trop badass de montrer une figure inatteignable torcher pour le bas peuple la besogne à sa place, lui qui n’est qu’une masse grouillante en manque d’être gouverné par des puissants. Mais on y reviendra, à ce mépris du peuple. Rappelons juste qu’Aragorn, Légolas et compagnie avaient, eux aussi, vaincu un troll, mais ils l’avaient fait ensemble. Il est toujours agréable de voir des nouveaux opus affirmer leur supériorité sur l’oeuvre culte précédente en jouant une surenchère crasse. Là encore, Prey avait été plus malin.

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La suite des épisodes va montrer notre Waifudriel traverser l’océan à la nage, imposer sa vision à une ville hostile, montrer à des soldats niveau 3 que son niveau 280 est supérieur lors d’une entraînement militaire et même esquiver des traits ennemis à cheval tout en sabrant des orcs dans un grotesque waifu ex-machina où elle sauvera les autres personnages joueurs de la campagne parce que le MJ et le joueur de Galadriel sont sympas, ils laissent les autres venir assister à leurs parties onaniques.

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A qui s’adresse ce personnage ? Aux féministes ? Les plus radicales alors, qui ont besoin à tout prix de Mary Sue pour se rassurer. Aux amateurs d’actionners ? Seulement à ceux qui veulent du Steven Seagal sans les blagues, ce qui en ôte tout l’intérêt. Aux lecteur de Tolkien ? Galadriel n’affiche en rien la sagesse et se fait même berner à la fin comme la dernière des bleusailles là où, si j’en crois les lecteurs dont je ne fais pas partie, sa version littéraire était bien moins poseuse et bien plus difficile à duper. La série cherche donc à rallier des féministes radicales absolument certaines que le mal absolu est un pervers narcissique. Ce public existe, mais est-il assez nombreux pour rentabiliser 200 millions ? Peut-être faudrait-il un peu moins interroger les polarisations des réseaux sociaux et un peu plus aller voir les vrais gens dans la rue. L’humanité n’est pas si débile.

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Le conte pour enfant qui pense qu’il fait du Spielberg.

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Pendant ce temps, Nori la hobbit cueille des fruits rouges, accompagnée par une autre hobbit aux joues rondes et qui se caractérisera par le fait d’être grosse et je tiens à ne pas survoler ce point.

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En effet, un des premiers plans qui dévoilent la rondouillarde montrent un personnage à l’air pataud, en retard sur la vivacité d’esprit de Nori et qui l’affiche, béatement, une purée de fruits rouges tout autour de ses lèvres inaptes à manger proprement des baies. L’affiche amazon l’illustrant lui offira même de la nourriture à la pogne, histoire qu’on comprenne bien que la grassouillette aime manger. Les bouboules sont rigolos, à ne jamais rien comprendre, à être des suiveurs et à s’empiffrer tout le temps. Enfin, quelques épisodes plus tard, la hobbit héroïne reprochera à son boulet moelleux de manger toutes les vivres, siennes comprises. Je n’avais plus vu pareille subtilité depuis Final Fantasy 7 Remake, où un personnage secondaire se résumait à parler bouffe et où le seul enfant joufflu d’un taudis disait, dans une école « le seule truc dommage avec les livres, c’est qu’on ne peut pas les manger ». Que n’avons-nous ri devant pareille innovation.

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Cela dit, FF7 avait pour excuse de ne pas chercher à être inclusif et on ne pourra se surprendre du manque de considération nippon envers la surcharge pondérale. Les Anneaux de Bypass veut davantage dépeindre une société moderne, du propre aveu de leurs montre-coureurs (showrunners, en langage entertainment). Alors, illustrer une société moderne est une intention louable et même ambitieuse, mais peut-être aurait-il fallu mélanger les races avant même les couleurs de peau. Un bouillon culturel d'espèces à la Shadowrun aurait offert plus d'audace et de sens qu'un simple swap color pour appuyer son envie de parler de l'actualité de notre monde. D'autant que tous ne bénéficient pas du même souci d'inclusivité, si chère aux discours scriptés des promoteurs.

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Quand on pense que, vingt ans auparavant, la même licence proposait le personnage de Sam Gamegie, un gros jardinier hobbit amateur de bonne bouffe, mais avec un coeur de guerrier, une profonde détermination et une fidélité absolue envers son ami. De sucroît, on ne lui offrait pour rapport avec la gourmandise qu’une fausse accusation de s’être empiffré, accusation venant d’un ennemi mal intentionné pour salir le respect qui lui était dû. Les films faisaient même des deux goinfres deux personnages minces et pour leur offrir, à eux aussi, une évolution épique.

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Dans Les Anneaux du Pouvoir, on pense que mettre du personnel noir suffit à s'acheter une dignité, s’affranchir de la discrimination et être en phase avec les combats sociaux. Hélas, votre public n’est pas décérébré et pointer l’hypocrisie d’une inclusivité factice ne nous range pas forcément dans la catégorie des anti-wokes plattistes d’extrême droite trumpistes et anti-avortement. Là aussi, sortez le nez de vos graphiques et allez voir de vrais gens. Surtout si vous désirez adapter une œuvre mondiale pour parler de la société actuelle. Grosse parenthèse faite, revenons à l'histoire.

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Lors de son arc, Nori abordera la thématique de l’envie d’aventures et de danger, à elle qui est pourtant si petite et dans un peuple à la culture pacifiste. Sa rencontre avec un grand humanoïde la confrontera à la réalisation de ses désirs et je dois dire que j’ai bien aimé les scènes entre les deux personnages. Déjà, parce qu’ils parlent moins, le géant étant comme un grand enfant à qui il faut même apprendre le sens des mots. Mais aussi parce que la créature barbue semble devoir faire face au dilemme de vouloir le bien tout en n’ayant que des pouvoirs apportant le mal. Doit-il alors céder à ce que sa nature semble être ou la braver pour tenter de choisir ce qui le définit ? Un parallèle avec la hobbit bien vu et bien pensé. Je ne regrette que la dernière partie de cette aventure sympathique et dans de la forêt partiellement épargnée par les filtres. En effet, c’est la subtilité d’une dévote du géant le battant et promettant ses amis au supplice d’une crémation diabolique qui le fera finalement opter pour le bien. Pire encore, il n'a jamais été le mal. Ce qui détruit tout l'enjeu posé avec la seule motivation de vouloir faire croire qu'il était Sauron. Bravo les gars. Vous étiez à ça de réussir quelque chose.

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Etait-il indispensable d’imposer à ce point ce qui aurait eu bien plus de sens par des éléments plus doux et philosophiques ? Mais bon, les gens voulaient voir des Nazguls revisités faire de la bagarre magique, pas assister à une œuvre sensible sur le questionnement de la prédétermination. C’est du moins ce que se sont dit les créateurs entre deux Uwe Boll. Dommage, d’autant qu’il y avait également des choses à exploiter chez les hobbits pacifistes, mais le nez fourré dans leurs règles de survie au détriment des blessés et marginaux.

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La princesse et la bredouille

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Côté humains, on a deux pans principaux. Le premier se déroule à Numénor, qui expose une situation de crise politique avec de la régence, le poids de l’héritage, les promesses d’antan et une prophétie nous poussant à choisir entre regarder le monde brûler ou tenter d’éteindre l’incendie, quitte à en payer le prix. Si cet arc est une sorte de sous Rome/Game of Thrones, je dois dire qu’il est un une réelle bouffé d’air iodé. La ville façonnée à flanc de pics rocheux est architecturalement superbe. Un soin qu’on retrouvera tout le long de la série, même si j’avoue avoir été surtout charmé parles idées graphiques de Numénor et de la cité naine. Certes, on y trouve des personnages aux coiffures improbables, mais l’on peut y voir une idée de vouloir dépeindre une société à la fois post-moderne et passéiste. La scène entre deux nobles arborant des tignasses des films des années 70 et de monde fantaisistes à la Hunger Games ou Star Wars Episode 1 soulignent cette idée d’un endroit superficiel, promis à un déclin proche.

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Un élément que j’ai particulièrement aimé est la tentative de déjouer la prophétie. Cette dernière, sous forme de vision, promet à la Régente l’imminence d’une vague immense ravageant sa cité et l’emportant. Au final, après plusieurs choix fébriles comme peuvent l’être des choix pour déjouer l’avenir promis par les dieux, sa vision se réalisera, mais le feu aura remplacé l’eau, tandis que sa cité laissée sans commandement ne sera pas sauvée pour autant.

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Un suspense bien moindre concernant Isildur, un personnage déjà vu dans la trilogie de Jackson et qui l’expose en tant que vainqueur d’un combat face à Sauron et être corrompu par l’anneau qui s’avérera incapable de le jeter dans le volcan. Ici, il permet d’offrir à la série quelques plans qui nous font nous demander si les Anneaux de Pouvoir ne feraient pas un meilleur Assassin’s Creed, qu’Assassin’s Creed le film. Mais je m’égare.

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Misthios Isidur fait, comme Galadriel et Elrond, partie de ces personnages dont il ne fait aucun doute qu’ils ne périront pas. Or, la saison se termine sur la disparition de notre jeune héros, présumé mort. Les lecteurs des livres savent, les spectateurs des premiers films savent. Mais à qui donc s’adresse cette série ? A ceux qui n’ont rien vu de la licence ? Et si c’est le cas, pourquoi offrir, en parallèle, des références supposées évoquer les films déjà réalisés ? La série n’est ni prisonnière des livres, ni des films. Elle est prisonnière de son envie de plaire à tout le monde, de sa certitude que donner un peu à tous suffira à satisfaire. La réception du public démontrera que toutes les chimères informes ne fonctionnent pas toujours. Pour un Fallout ou un One Punch Man qui font mouche, nombre de créatures difformes échoueront à se faire adopter.

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La révolution façon Lemmings

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Arondir est l’elfe noir, Bronwyn est la femme en bleu. Je les note pour me rappeler les noms et éviter d’être désobligeant.

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Si la partie bourgeoise et proprette des aventures humaines s’en sort bien, l’arc dédié à...je remonte ma page (sans ironie)... Bronwyn, la villageoise résistante, est bien plus faible. Alors même qu’on parle de choses qui existent dans la vie réelle, comme un monde paysan. Seulement voilà, les Anneaux de Pouvoir semble bien plus à l’aise au sein des complot de riches héritiers et de créatures fantastiques qu’au milieu de cette chose qu’on appelle le prolétariat et qui doit probablement faire des trucs entre deux votes. Comme boire, comme faire ce qu’on leur dit. Tandis que le sujet pourtant déjà mainte fois traité de se soumettre ou périr point, à quelques heures d’une invasion d’orques, Bron doit convaincre des non-guerriers de lutter jusqu’à la mort pour repousser l’envahisseur. Une tâche ardue mais, fort heureusement, dans cette série il suffit de trois lignes d’un discours générique pour retourner une foule et non, je ne suis pas non plus ironique. C’est littéral.

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Ainsi, Bron dit qu’il faut lutter et demande qui se joint à elle. Moment de silence, de tension. L’effet avant la logique, la télé avant la réalité. Je regrette presque un insert de la tête de suspense de Cyril Hanounah ou un montage montrant les candidats de Fort Boyard anxieux au moment où Félindra tourne la tête de tigre. Et voilà qu’une main se lève, puis deux, puis toutes. Le discours convainc 99 % des paysans d’aller à la mort pour défendre leur village face à une horde militaire démoniaque et anthropophage. Le même effet avec le même ridicule avait été produit à Numénor, quand les citoyens avaient réfléchi et entretenu le même faux suspense sur le discours de trois lignes de la Régente, avant de tout aller au front. N’est pas Colonel « JCVD » Guile qui veut pour transformer des gradins en braves assoiffés de sang.

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Sauf que les plus aguerris des lecteurs auront noté que j’ai mis 99 % des villageois. Cela signifie-t-il tous ? Non, car un villageois résiste victorieusement à l’envahisseur. Le courage, l’envahisseur, non les orques. Car le brillant polémiste, sorte de Renaud pré « connard de virus » ayant officié en tant que patron nihiliste de taverne, prend le mic et sort ses trois lignes de discours en contrepoint. En gros « si on se bat on meurt, vivre soumis c’est mieux pour vivre ». Drop da mic ! Et là pouf, la masse se divise en deux, subitement consciente qu’aller à la guerre signifie qu’on peut en mourir. Nous assistons, navrés pour les scénaristes, à une pitoyable séquence mettant en scène l’inutilité de la démocratie directe et même sur la légitimité de demander à des citoyens d’avoir un avis sur leur propre survie. Qu’il est bon de voir que ce gauchiasse débectant de Jackson ne laisse plus aucune trace fétide de son passage dans cette œuvre ultra droitière et pro monarques, pro castes et finalement pro élites douées du devoir de protéger les faibles moldus d’eux-mêmes. Je n’ai plus été ému comme ça depuis les Avengers.

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Arondir, quant à lui, nous offre un ensemble de scènes génériques issues d’un mauvais David Cage. Enquête menant à sa propre capture, romance lénifiante avec robe bleue, scène d’évasion de prisonnier menant à du wu xia pian (les elfes font du kung fu maintenant, comme les jedis) et à une recapture, scène de faux suspense de crevaison d’œil trop longue pour être honnête alors qu’un énième deus ex machina l’en empêche. Je n’ai rien contre l’acteur qui fait ce qu’il peut, mais ni les actions, ni les dialogues ne rendent la moindre de ses scènes intéressantes.

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Par exemple, imaginez que vous allez quitter votre avant-poste pour aller ailleurs. Vous êtes dans une tour de guet avec un collègue et c’est la dernière fois avant longtemps que vous allez vous voir. Que va-t-il vous dire avant votre départ ? Vous pourriez parler d’aller boire un pot, partager un bon souvenir ou dire de saluer machin de votre part. Si on tient compte qu’on est entre elfes épris de sagesse, on peut imaginer que votre collègue vous cite un auteur illustre pour vous offrir un adage qui vous aidera dans votre apprentissage futur. Ben là non ! Les deux elfes regardent le décor et disent des trucs inutiles du style « dire qu’il y a 500 ans, il y avait une forêt ici ». Ok, cool, super profond. On ne s’ennuie pas chez eux. Et sinon, il existe un dialogue qui ne ressemble pas une génération aléatoire de phrases écolos toutes faites ? Parce que, pour moi, une race immortelle, habituée au changement et qui n’est pas éteinte s’est forcément adapté à tout. Alors qu’elle regrette un passé jugé meilleur, d’accord, mais chouiner sur des trucs vécus il y a des siècles ce n’est pas du tout une sagesse au-delà de l’être humain. Et à quel moment tu parles de ça en guise d’au revoir ? J’ai beau ne pas aimer les livres de Tolkien, au moins on ne respirait pas la bêtise en suivant son œuvre. On peut croire à son univers, même s’il nous ennuie. Ici, tout est factice. J’y reviendrai en parlant de la plastique de la série. On descend sous terre.

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Les films de Dwarf Johnson

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Enfin, nous arrivons à la seule chose qui aurait dû être racontée dans cette saison : Comment c’est y que les anneaux de pouvoirs sont créés dis donc ? Parce qu’entre la quête de Galadriel dont on se fiche, Nori qui copine avec un grand barbu dont on préférerait que tout leur arc soit un film réalisé par Del Toro et les histoires de révos en mousse des humains qui servent juste au quota d’oreilles non pointues, n’est-il pas temps de raconter le titre ? Par chance, on arrive là à ce que je considère être le meilleur arc de la série.

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C’est une histoire d’un peuple immortel qui réalise que son immunité va prendre fin. Un émissaire elfe, Elrond, se rend chez Durin, un ami nain pour solliciter son aide. Et là, il découvre que le temps a passé. Ce qui n’a été, pour l’elfe, qu’un laps de temps dans un infini, a été pour le nain une longue période où il s’est senti oublié et a fait le deuil de son ancien camarade. Et c’est là, face à ces deux êtres pour lesquels le temps ne s’écoule pas de la même façon, que je me suis enfin senti sollicité par la série. Parce que ce genre de thématique se rencontre surtout en sf ou dans les contes vampiriques. L’ironie va même jusqu’à pousser Elrond à demander au mortel de l’aider à rester immortel et ce en fournissant un travail pouvant mener à la mort des siens, ainsi que de sa culture et de son équilibre politique. Est-ce qu’on ne touche pas du doigt un vrai sujet à exploiter là ?

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Malheureusement, faute de temps (là c’est ironique), la piste n’ira pas beaucoup plus loin car Durin est vraiment bonne crème et cède toujours à la voie de la compassion. Ce qui fait de lui un vrai personnage bon, quand bien même on a conscience que son aspect passionnel peut nuire à la raison. Les péripéties des deux acolytes finiront même par amener à forger, dans l’urgence, les premiers anneaux, dans une scène à la fois aussi bien montée qu’une bonne pub pour un parfum, mais aussi avec la douce ironie de voir les elfes célébrer naïvement les premiers artefacts de leur déclin, alors même qu’ils pensent être en train d’y remédier. Galadriel a beaucoup été mise en avant or c’était, pour moi, Elrond qu’il fallait suivre et placer en pièce maîtresse. Ce personnage est sympathique, rusé et qui veut sincèrement bien faire, mais qui emmène tout le monde à sa perte.Là aussi ,j’ai lu des commentaires désobligeants sur son physique et la vision de la beauté elfique. Rappelons tout de même qu’il deviendra l’agent Smith dans la trilogie de Peter Jackson alors bon, la beauté elfique, elle repassera.

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Le duo Elrond et Durin, qu’on qualifierait aujourd’hui de bromance parce qu’on fout ce mot à toutes les sauces, est renforcé par la femme du nain, Disa, une mama noir-américaine tout droit sortie d’une comédie avec Eddie Murphy ou Will Ferrell et qui va servir de liant entre les deux personnages, tout en ajoutant la touche famille et intrigue à ce binôme déjà agréable à suivre. Et si les dialogues entre les elfes empruntent à un style théâtral se voulant classique, on est là dans les petits chaussons d’une scène de famille façon Arme Fatale en moins bien, mais quand même avec une pensée pour Roger accueillant ce mort-vivant de Rick dans un endroit qui vit enfin. Sentiment qu’on partage en tant que spectateur, tant la chaleur manquait dans ces cgi froides et ces textes ampoulés écrits par des scribouillards convaincus que plus c’est lent, plus c’est intellectuel.

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L’effet spécialement inefficace

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Attention, ça ne veut pas dire que l’arc Elrond est un chef d’oeuvre, loin s’en faut. Mais il a au moins le mérite de nous faire sentir un peu d’humanité, voire d’organique, dans cette série tellement obsédée par son image qu’elle passe trop de filtres sur chaque pixel pour justifier son budget, et qui prend toujours le chemin de l’effet et de la pose avant la cohérence des actes et pensées de ses personnages soit monolothiques, soit bornés, souvent plus lents que le spectateur pour comprendre les enjeux qu’ils traversent. Flatter notre ego d’omniscient, ça pourrait le faire, si encore on ne s’évertuait pas à nous rappeler que, quand même, on nous pense trop teubés pour ne pas comprendre ce qu’une image suffit à évoquer.

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Pensons à ce plan de volcan qu’on devine éternel, dans une poussière orangée, pour ne pas dire mordorée, et qui croit judicieux de nous montrer un titre extradiégétique effaçant le nom actuel de l’endroit pour nous révéler que c’est en vérité...suspense...le Mordor. Franchement, on l’avait compris dès la première seconde et le plan, au demeurant joli, suffisait. Mais non, le spectateur ne comprend pas. Et pire que tout, le spectateur n’a pas le droit de ne pas comprendre. Il risque de se sentir mal. Alors, on surligne, on verbalise, on insiste pour que tout soit bien clair. Merci Anneaux de Pouvoir. Au lieu de nous souffler les évidences, tu veux bien arrêter tes arnaques façon le Prestige, en nous énonçant une règle sur l’identité de Sauron pour, au final, sortir grossièrement un « ou pas », histoire de jouer l’effet de surprise avec une malhonnêteté crasse ?

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J’ai souvent lu que les CGI étaient moches et que la série ressemblait à des cinématiques de playstation, mais j’apporterais une nuance à ce point de vue. Je ne suis pas fan de la direction artistique, c’est certain. Il y a l’effet Gotham, où une scène peut être jolie et intéressante (l’étoffe rouge de Bronwyn, le mythril qui forme l’oeil de sauron dans le chaudron), suivie d’une scène à la fois plutôt grossière visuellement et ennuyeuse dans sa réalisation (le face à face Sauron-Galadriel, la prêtresse au lance-flammes). Je rapprocherai l’idéologie de la série de celle de Snyder, qui a un style qu’on peut juger moche, mais qui se justifie dans certains films (Sucker Punch) et qui demeure un style.

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Les Anneaux de Pouvoir, quant à lui, a un style très lissé, très patiné. Au point de souvent gommer les détails des décors réels pour leur donner une consistance hybride. On le voit surtout avec les plans lumineux, parfois proches d’une esthétique de tableaux classiques. Je suppose que cet effet a pour but de rendre le réel plus irréel et les CGIs moins choquantes dans ce cadre qui veut brouiller la frontière avec notre monde. Ce n’est pas un mauvais choix en soi. Par contre, il faut admettre que ça crée une distanciation avec le spectateur, d’autant plus avec les actes et dialogues déjà évoqués. Ce n’est pas forcément moche, mais c’est toujours factice.

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Et ce factice, on le ressent. Un plan a beau montrer une vallée immense ou des chaînes de montagnes, les personnages demeurent cloîtrés sur six mètres d’un sentier ou dans une cabine de tour de guet. Ou un pont étroit, ou un ascenseur, ou une embarcation. Le décor n’est jamais sollicité autrement que pour son panorama, ce qui donne l’effet net d’être un simple décor grandiose, mais hors de portée de deux comédiens échangeant leurs répliques comme sur une scène de théâtre avec des rideaux en trompe l’oeil.

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Ajoutons à ça les secondes de silence entre deux bouts de phrase pour souligner en gras chaque scène dramatique, les attitudes caricaturales des personnages et l’abus de facilités scénaristiques pour déplacer les pions sur une carte dont il demeure impossible d’évaluer la grandeur pour, au final, avoir un produit soigné, mais terriblement prétentieux, perdu et incapable de choisir un cap tellement il a les yeux rivés sur son devoir de faire du profit. Ce n’est pas la pire série du monde, mais c’est une oeuvre plus que médiocre à qui on a filé une malle d’argent sans lui donner les moyens de changer le produit en art. Hélas, le procédé est usé jusqu’à la corde et le choix de séries ne manque pas en VOD. Plutôt que des effets, il faudra songer à produire du sens.

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Les Anneaux du 3

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En résumé, Les Anneaux de Pouvoir est une série ambitieuse et qui se doutait qu’elle ne pourrait contenter tout le monde, mais qui, faute de talent, de travail et de point de vue, demeure un produit comme les autres. Si elle reste proportionnellement au moins autant valable que les Marvels, qui eux continuent de feindre être des films, on ne retiendra que son esthétique potentiellement plaisante et quelques scènes qui effleuraient des sujets susceptibles d’apporter des thématiques fondamentales de l’humanité, comme le faisait la trilogie originelle. Hélas, la série prend au sérieux des exécutifs et des graphiques au lieu d’oser tenter de parler aux humains d’humains, fussent-ils de couleurs et races différentes. Je lui mets un 3 pour les quelques séquences qui m’ont plu et le petit talent des réalisateurs qui ont bien assimilé leurs études de réalisation dans le domaine de la pub. Une saison future confiée au taulier du genre, Michael Bay, pourrait sans doute la bonifier. A défaut de créer un discours spirituel, au moins on pourra se marrer de bon coeur avec un réalisateur qui fait ce qu’il veut et qui s’amuse habilement à jouer avec le cerveau des spectateurs. Contrairement au discours de la série, ici c’est la masse de PNJs qui détient le pouvoir. La masse a voté.

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le 25 juin 2024

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