Irrespectueux du matériau de base.

En tant que passionné de l'œuvre de J.R.R. Tolkien, la première saison de Les Anneaux de Pouvoir s'était révélée être une expérience déconcertante et frustrante. En attendant la sortie de la saison 2, il était difficile de ne pas revisiter cette première saison sans y voir les nombreux faux pas et incohérences par rapport au riche univers d'Arda. Tout l'univers développé avec soin par le professeur Tolkien est massacré par des showrunners dont l'âme semble avoir été pervertie par les dollars du chauve le plus riche du monde.

Le principal reproche que l'on peut faire à Les Anneaux de Pouvoir est son traitement pour le moins laxiste de la chronologie et des événements clés de la Terre du Milieu. Les déviations par rapport au matériau d'origine ne sont pas simplement des adaptations mineures ou des ajustements narratifs nécessaires, mais plutôt des altérations majeures qui dénaturent l'esprit même des récits de Tolkien. On assiste à un mélange hasardeux de périodes, de personnages et d'intrigues, qui semble trahir non seulement la chronologie complexe mais magistralement orchestrée des écrits de Tolkien, mais aussi l’essence même de son univers.

Le traitement des personnages, en particulier, manque cruellement de profondeur et de cohérence. Galadriel, par exemple, est dépeinte comme une héroïne guerrière têtue, loin de la majesté et de la sagesse que l’on retrouve dans les textes originaux. Dans la chronologie de la saison 1 qui est censée se dérouler au 2° âge, Galadriel est déjà censée avoir participé à la fuite des Noldors, les guerres fratricides, et même si elle n'y a pas directement pris part, elle a connu la chute de Morgoth. Bref c'est pas censée être la pimbèche débutante et maladroite de la série. Les tentatives de redéfinir ces personnages semblent plus dictées par le pognon que par une réelle compréhension des subtilités de Tolkien. Le résultat est une série qui ne parvient pas à capturer l'esprit des œuvres sur lesquelles elle prétend s'appuyer.

Le casting est un autre point faible majeur de cette adaptation. Le jeu des acteurs, pour la plupart, manque d'authenticité et de profondeur. On a l'impression que beaucoup des performances sont figées, sans nuances ni véritable connexion émotionnelle, ce qui rend les personnages souvent creux et difficilement attachants. L’exception notable est Adar, un personnage original qui, bien que n’appartenant pas à l’univers de Tolkien, apporte une touche de complexité et de tragédie bienvenue. Son interprétation est nuancée, sombre et intrigue davantage que celle des personnages censés être au centre du récit. Malheureusement, la nouvelle de son changement d’acteur pour la saison 2 suscite ma vive inquiétude quant à la continuité de cette lueur d’espoir au sein de la série. Amazon dans ses œuvres messieurs dames.

Visuellement, la série n'échappe pas non plus à la critique. Malgré un budget colossal, le rendu final laisse souvent un goût d'inachevé. Les décors, bien qu'ambitieux, transpirent le CGI, ce qui retire tout sentiment d’immersion et de réalisme. Les scènes se voulant "grandioses" paraissent artificielles, dénuées de la beauté naturelle et mystique qui caractérise la Terre du Milieu telle qu’on la connaît à travers les descriptions luxuriantes de Tolkien ou encore les adaptations cinématographiques de Peter Jackson. Au lieu d’une Terre du Milieu vivante et palpable, nous avons droit à une succession d’images de synthèse clinquantes mais sans âme. Seul point positif les Orcs qui portent des prothèses, un retour au sources salvateur par rapport à la bouillie synthétique du hobbit.

À l’aube de la saison 2, l’espoir que la série puisse se rattraper reste mince. On espère que les showrunners auront appris de leurs erreurs, qu'ils tenteront d’offrir un récit plus respectueux du matériau original et de l’esprit de Tolkien. La série doit impérativement renouer avec la cohérence de l’univers, offrir des arcs narratifs qui font écho à l'immensité et à la complexité des écrits, et améliorer la profondeur des personnages, à commencer par ceux qui sont le plus éloignés de leurs versions littéraires. Ca simple à priori impossible au vu de ce que la saison 1 à montré.

La série a encore une chance de s'élever, mais elle devra pour cela redoubler d'efforts pour séduire les puristes comme les nouveaux venus en Terre du Milieu. La tâche est ardue, mais nécessaire si Amazon souhaite vraiment rendre hommage à une des œuvres littéraires les plus vénérées du 20e siècle.