Cher lecteur, à l'heure où j'écris ces lignes, le temps presse.
D'une part parce que je doute que le réfrigérateur ne résiste longtemps à l'assaut de ce rhinocéros furieux mais également parce que les mésaventures des orphelins Baudelaire refont tristement surface sur nos écrans.
À l'annonce de cette nouvelle il y a un an, j'étais méfiant, et méfiant signifie ici "quelque peu craintif en raison du désastre qu'était l'adaptation en long métrage de cette terrible affaire".
En effet, si aller au cinéma est généralement une activité plaisante (pour peu que le film raconte les aventures douces et joyeuses d'un petit lapin qui doit absolument retrouver un sucrier avant qu'il ne tombe en de mauvaises mains par exemple) il arrive que l'expérience s'en trouve gâchée par l'absence totale de respect du matériau d'origine, ou par une vendeuse de pop-corn un peu trop insistante qui vous met en joue alors que vous ne demandiez qu'à déguster une friandise.
Aussi lorsqu'on vous propose une nouvelle adaptation des navrantes péripéties de ces trois enfants (ou bien que l'on vous met à nouveau en joue) vous n'êtes que moyennement confiant.
Le hasard fait bien les choses (expression idiote dans le cas des Baudelaire mais qui signifie ici "C'est plutôt réussi je dois l'avouer, même si j'ai préféré me passer de pop-corn cette fois") et j'ai été paradoxalement surpris en découvrant cette série. Évidemment, me replonger dans ce dossier fut tout aussi douloureux que de prendre un bain dans le lac Chaudelarmes en mangeant un sandwich mais je remarquai que les faits étaient enfin peu ou prou fidèlement retranscrits.
Bien sûr il y eut ça et là quelques arrangements qui n'étaient pas dans les livres écrits auparavant mais ces faits n'entravent pas pour autant le déroulement du récit initial et apportent même une dimension assez plaisante à l'univers morne de ce trio indubitablement malchanceux, ce qui est un euphémisme (un euphémisme est une figure de style consistant à atténuer quelque chose d'affreux. par exemple : "cette vendeuse de pop-corn est insistante et le maquillage pour dissimuler son monosourcil est raté, et c'est un euphémisme". Aussi dans le cas des enfants Baudelaire, le qualificatif de malchanceux est une simple atténuation pour ne pas trop accabler le lecteur qui aura de toute façon bien assez à faire.)
Je m'entretiendrais bien avec vous cher lecteur de la lumière ou de la direction artistique léchée qui justifie un deuxième visionnage, ou bien du choix judicieux des acteurs -bien que cabotins pour certains comme celui qui doit incarner Mr. Poe- ou encore des effets spéciaux parfois un peu trop voyants (J'ai à ce sujet une robe rouge et jaune qui peut peut-être aider le traducteur télévisuel à retranscrire parfaitement l'illusion d'un incendie pour peu qu'on se donne la peine de sauter dans tous les sens à travers la pièce) mais le temps presse cher lecteur, et déjà le réfrigérateur commence à céder sous les assauts de l'animal (ou du scélérat déguisé en rhinocéros qui utilise probablement un lance-harpon pour simuler la corne).
Avec mes sentiments respectueux,
J.S.