Ursus et bouche (dé)cousue
Je fais partie des gens qui n'ont pas lu le bouquin en entrant dans la salle, même si ce n'est qu'une question de temps avant que je n'y remédie. Je ne connaissais donc pas l'histoire, j'avais vaguement compris que c'était sur la vie d'un garçon qu'on avait mutilé dans son enfance mais rien du reste. Je me suis donc assis sans attendre quelque chose de précis même si Emmanuelle Seigner n'est pas forcément le robot parlant que je préfère voir à l'écran.
On entre de suite dans une histoire au rythme décousu, et si c'est parfois une qualité, il est ici triste de se rendre compte que c'est parce que c'est bâclé. On oscille entre des scènes trop longues où on se dit "Mais y'a forcément un truc à voir, un truc capital" et qui ne comportent rien et des scènes plus amples qui passent à fond de train, beaucoup trop rapidement pour qu'on puisse s'attacher à ce qu'il s'y passe. On passe de moments plats sans vraiment rien dans le décor, les dialogues ou l'avance de l'intrigue pour nous emmener dans le film à des moments qui nous balancent dans la gueule jeu de lumière, jeu de costume, musique dramatique, mouvements de caméra autour des personnages pour mettre en avant ce qui les entoure, c'en est presque orgiaque tellement ça arrive d'un coup et on sort de ces passages un peu écoeurés, d'autant que chaque moment du film ne semble aucunement être la conséquence des précédents ni en créer pour les suivants.
C'est très théâtral, dans la mise en scène, dans le jeu mais trop. Je ne sais pas si c'est un choix du réalisateur vu le cadre initial de l'histoire (une troupe de saltimbanques) ou si c'est juste mauvais, parce que ça s'explique sur certains personnages et ça sonne juste faux sur d'autres. Depardieu, en comédien de foire, ok, ses élans, qu'il s'emporte on le comprend, mais Déa, elle est obligée d'être aussi niaise ? Gwynplaine (mot compte triple) qui passe d'enfant moqué à monstre, à aimé, à monstre, à défenseur de la cause sociale en perruque, puis à monstre à nouveau; Sa cousine, dont le rôle récité par Emmanuelle Seigner avec le même sourire mi-clos depuis des années on sait pas trop ce qu'elle veut, si elle veut juste tirer son coup ou avoir un amant grotesque ou si elle l'aime de façon différente. En fait le spectateur est bombardé de tellement de choses différentes et sans continuité aucune entre elles qu'il sort de la salle sans vraiment savoir s'il a assisté à un joli film mal joué ou à un canevas défait de trucs "qui auraient pu être bien"