Quarante-trois épisodes ingurgités en quelques semaines à raison de deux épisodes par jour … C'était finalement raisonnable d'autant plus que c'était intéressant …
C'est que j'ai toujours entendu parler de cette série sans avoir eu l'occasion de la voir dans son ensemble. Quand elle était sortie en France pour la première fois (1969), il n'y avait pas la télé chez moi et de toute façon, j'étais pensionnaire puis étudiant … En bref, je n'avais qu'une très vague idée du sujet à part l'histoire de l'auriculaire qu'on avait dû me raconter. D'ailleurs, ceci s'est révélé une sorte de fausse piste puisque les envahisseurs se rendant compte du défaut trop explicite se sont dépêchés de le corriger. À la fin, il n'y a plus d'auriculaire en l'air.
Une surprise, c'est que la série a été arrêtée sans autre forme de procès au 43 -ème épisode probablement dû à un audimat en berne. Il semblerait que la série n'ait pas rencontré de succès aux USA.
On aurait pu faire l'effort d'esquisser une sorte de conclusion même torchée vite fait sur le gaz. Ça ne me semblait d'ailleurs pas très difficile à imaginer, comme par exemple "les envahisseurs ayant marre de cet humain, empêcheur de tourner en rond (D. Vincent), décident d'aller se faire pendre ailleurs". Ben non ! Il nous faut donc penser que la lutte est sans fin. Ceci m'amène à parler du sujet et du fond de cette série.
Les envahisseurs venus d'ailleurs veulent s'emparer de la Terre de façon insidieuse. Comme l'anatomie de ces gens est différente de celle des humains et que plusieurs caractéristiques de la terre (l'oxygène, par exemple) ne leur sont pas adaptées, ces extra-terrestres envisagent de commencer à s'implanter sur terre en toute discrétion avant de détruire l'humanité et de s'installer définitivement. Seulement voilà, ils se heurtent à un seul homme qui ne cesse de leur pourrir la vie. Le paradoxe, c'est que du fait de leur discrétion, peu de gens les voient physiquement. Et David Vincent se débat à la fois contre ces envahisseurs et contre le scepticisme de ses semblables.
Ah, si à l'époque, il y avait eu les réseaux sociaux et les réseaux de complotistes, David Vincent n'aurait pas eu tant de problèmes. Bien au contraire, puisque les gens, maintenant, croient n'importe quoi ou n'importe qui, même sans preuves ou sur la base de preuves savamment bidonnées.
Cette série est dans une logique très différente de la série "V , les Visiteurs" que j'ai revue il n'y a pas très longtemps. Chez V, les extra-terrestres débarquent au vu et au su de tout le monde et s'imposent par la force en "occupant" le terrain. Ils prennent une apparence humaine bien qu'on finisse par savoir que ce sont de gros lézards. La lutte (la Résistance) s'organise chez les terriens. Les visiteurs sont bien aussi des envahisseurs mais avec une mentalité finalement assez proche de celle des humains.
Chez "les envahisseurs", la menace est invisible et d'ailleurs on ne connait pas les règles du jeu de ces extra-terrestres. Pratiquement, on ne voit jamais la forme originelle des envahisseurs. Il n'y a que David Vincent qui sait et qui tente de convaincre des gens qui le prennent au mieux pour un original, au pire pour un dangereux fou.
Paradoxalement, les envahisseurs ont réussi à s'intégrer discrètement et à noyauter les cercles de pouvoir de la société. Ceci crée un très efficace climat d'angoisse chez les spectateurs qui, eux, comme David Vincent, savent.
Le montage de la série en épisodes rigoureusement construits de la même manière en chapitres (un prologue, quatre chapitres puis un épilogue) donne une furieuse impression d'impuissance ou d'inefficacité de la lutte … Bien sûr, David Vincent "gagne" chaque fois mais c'est toujours la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Chaque épisode est un éternel recommencement
Même si on note une petite évolution positive au fur et à mesure de l'avancement des épisodes. À force, de plus en plus de gens finissent par voir certains phénomènes anormaux et à la fin David Vincent n'est plus tout-à-fait seul puisqu'une petite équipe l'épaule.
On ne manquera pas non plus de s'interroger sur le sens profond de la série ou sur l'aspect métaphorique.
Dans les années 60, en pleine guerre du Vietnam et en pleine guerre froide, on ne peut pas s'empêcher de rapprocher cet ennemi insidieux, invisible mais parfaitement identifié, des communistes dont on craint qu'ils n'infiltrent peu à peu la société américaine.
Et il se passe quelque chose d'extraordinaire dans cette série. D'abord, les épisodes dont l'histoire est toujours renouvelée ont des scénarios qui tiennent bien la route avec des contextes, des lieux d'action très différents de l'un à l'autre. La tension que génère chaque épisode fait que le spectateur ne se préoccupe pas des trucages très grossiers de la soucoupe volante dont on voit bien la surimpression d'une maquette (ou même d'un dessin) sur l'image.
Au final, série très intéressante qui crée un véritable climat d'angoisse à propos de ces envahisseurs qui s'intègrent au sein même de la société en s'appuyant sur les failles ou les faiblesses des êtres humains.