En septembre 1939, Ernest et Colette, deux petits parisiens de 11 et 6 ans venus passer le week-end chez leurs grand-parents en Normandie, voient leur séjour se prolonger durablement lorsqu'ils comprennent que la guerre éclate et qu'il est plus sûr pour eux de rester dans le petit village (fictif) de Grangeville plutôt qu'à Paris auprès de leurs parents.
Commencent alors pour eux les « Grandes grandes vacances » car c'est d'abord avec un grand enthousiasme que ces enfants envisagent cette période sans savoir qu'elle durera jusque fin 1944. Après tout, chez Papy et Mamie, c'est tous les jours la fête : on mange des tartes aux pommes, on va à la plage, il y a des lapins dans le jardin, on peut se faire des nouveaux copains. Mais très vite, les enfants comprennent que les circonstances ne sont pas anodines. Aux copains s'ajoutent les ennemis, le lapin sera servi pour le dîner, dehors c'est dangereux et la nourriture venant à manquer, on ne garde que l'essentiel, on se passe donc du sucre qui permettrait de refaire de la bonne tarte aux pommes.
Un village français
On suit donc fébrilement les aventures de ces deux enfants et de leur bande de copains dans un village où tous les personnages prennent plus ou moins de l'importance et choisissent leur camp.
L'angle abordé est plutôt intéressant puisque la guerre est vue au travers des yeux des enfants et que le jeune public peut y découvrir la vie sous l'occupation. Cette manière d'aborder les choses ne les minimise nullement : c'est au contraire d'autant plus cruel d'entendre ces interrogations enfantines auxquelles les adultes n'ont pas de réponse à donner. C'est la preuve que face à ce genre de drame, même un adulte reste désarmé.
Obéir, c'est trahir
C'est en partant de ce principe que cette petite bande décide de ne pas subir cette guerre et de faire preuve de résistance à leur échelle. Et finalement, ils se débrouillent aussi bien que les grands. Ils sont même essentiels et c'est magnifique de montrer la résistance par différentes petites actions dont chacune a son importance. D'ailleurs chaque épisode se conclut par une animation d'environ une minute sur un petit acte de résistance via le témoignage d'une personne qui a réellement vécu la guerre puisque pour créer cette série, les témoignages d'une vingtaine de personnes ont été recueillis. Certains de ces actes ont eu des conséquences incroyables, je pense notamment à la publication d'un ouvrage qui a eu une importance capitale dans la littérature du vingtième siècle et qui n'aurait pas vu le jour sans ces petits résistants de l'ombre.
L'Enfer, c'est les Autres
Le thème de l'ostracisme est ominiprésent dans cette série, pas uniquement de la façon la plus évidente qui soit dans ce contexte, à savoir l'exclusion des juifs désignée par la symbolique étoile jaune, mais aussi de façon plus subtile par la méfiance des plus jeunes entre eux : l'antiparisianisme des villageois qui rencontrent ces deux gosses, le petit alsacien qui est rejeté à cause de son accent « boche», la petite qui n'est pas scolarisée est forcément « bizarre ». Pourtant ces enfants finissent par s'accepter les uns les autres et promeuvent la tolérance dont manque cruellement l'époque.
Petits et Grands
Les Grandes grandes vacances font donc partie de ces dessins animés qui peuvent être regardés avec des yeux de petits comme des yeux de grands.
Cela me semble dû au fait que les personnages ne s'avèrent pas trop manichéens : ils le sont toutefois assez pour ne pas perturber le schéma narratif -aidant les enfants à se repérer- notamment sur la fin, qui, à la manière d'un jugement dernier, nous montre les conséquences des actes de chacun pendant cette guerre.
Sans nous montrer explicitement les images violentes, la narration suffit à nous faire frissonner.
Le tout étant sublimé par des dessins magnifiques, une bande-son qui reste en tête et un parfum d'enfance qui réchauffe le cœur. ♥