Gone Girl 2.0

Je pense que cette entière critique sera un spoiler donc ne la lisez pas si vous n'avez pas vu la série.

Ça commençait plutôt bien, le côté sexy morbide est efficace au début. Albert nous guide à travers ses souvenirs tandis qu'Adrien, dit "Mody", enregistre avec un dictaphone, pour écrire les mémoires du vieil homme. Pour ce-dernier, sa vie se résume à sa relation avec Solange. Il répète inlassablement qu'il témoigne, écrit ses Mémoires "Pour Solange", sans révéler où elle est, ni pourquoi iels ne sont plus ensemble. On peut penser qu'elle est morte. La série suit deux fils narratifs : le passé d'Albert, et le présent d'Adrien. Une troisième intrigue se mêle à ces deux-là, mais elle n'a, à mon sens, aucun intérêt.

Solange est magnifique, et il y a quelque chose de romantique dans la relation de ces deux âmes perdues qui se sont trouvées dans leurs solitudes. Et puis, leurs crimes semblent justifiés : ils tuent seulement les violeurs. On nous présente Albert et Solange comme des sortes de justiciers du viol (on peut discuter de la légitimité du meurtre en réponse au viol mais c'est pas l'objet ici). Au fur et à mesure, il devient clair qu'Albert tenait Solange sous son emprise, qu'il était attiré par le meurtre, violent et ultra-possessif. Ça aurait pu être une série féministe ! Je pense que c'est à peu près tout ce qu'il y a à garder. Cette histoire suffisait amplement pour faire un beau récit.

On comprend vite que tout est lié. Adrien est en fait le fils d'Albert et Solange. C'est pourquoi, si on suit la théorie de la copine d'Adrien, scientifique étudiant comme par hasard "l'épigénétique" (le fait d'hériter des comportements de ses parents), Adrien a des pulsions violentes lorsqu'il cherche à défendre la femme qu'il aime des autres hommes. Déjà, c'est un peu tiré par les cheveux. Ensuite, lorsqu' Adrien réalise qu'il est l'enfant d'Albert, il comprend aussi que Solange n'est autre que la femme qui l'a élevé (elle a changé son prénom). Alors là, on se dit : mais elle a pas du tout la même tête. Et on se rappelle cette partie assez habilement amenée où il était clair que la Solange que l'on voyait dans les souvenirs était issue de l'imagination d'Adrien. Et oui, aucune photo de la femme (plutôt pratique).

C'est difficile à résumer, ce qui montre que l'intrigue est un peu cousue de fil blanc... L'histoire personnelle du policier qui recherche Albert est clairement là pour meubler (un enfant trouvé puis abandonné ? ...), alors qu'une simple enquête aurait suffi. Mais SURTOUT, cerise sur le gâteau, la psychopathe n'est autre que : LA MÈRE. Twist sur twist, à la Gone Girl - mais en bien moins subtil -, on découvre que, depuis le début, elle tire les ficelles. Alors, pourquoi Albert a menti ? Parce qu'il lui a fait la promesse, il y a des dizaines d'années, de "tout prendre sur lui". Ultra crédible.

C'est donc ce paaauvre Albert qui est finalement la victime des manipulations terribles d'une femme sans coeur. Certaines séquences perdent alors, rétrospectivement, tout leur intérêt. Dans la voiture, quand Albert insiste pour avoir des rapports avec Solange, et qu'elle lui crie qu'il est "comme les autres" - FAUX. Quand Solange arrive enfin à s'émanciper en s'enfuyant - FAUX. Le deuxième mari qui bat sa femme - FAUX (Il a quand même giflé son fils, ce qui prête à confusion). La légitime défense pour tous les "viols"? Faux aussi ? Y a-t-il eu viol ? On ne sait pas.

Enfin, bref, plein de pistes, beaucoup de suspense, des idées et une esthétique sympas, mais trop d'intrigues qui brouillent un peu le message et finissent par laisser un goût de... confusion. Alors que Gone Girl disait quelque chose de très vrai sur le mariage et les apparences, Les Papillons noirs -hum- ne dit rien de bien clair. Ce qui est, étant donné le(s) sujet(s) traité(s), super problématique.