Les Revenants
6.7
Les Revenants

Série Canal+ (2012)

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Un certain espoir de la série française

A un moment où les séries n'ont jamais été aussi prisées, la France commence enfin à imposer un style différent du genre policier classique qui pollue nos écrans. Mais même si les nouvelles créations de TF1, comme Crossing Lines et Falco, étaient excellentes, ça reste encore et toujours des séries policières dont on nous gave depuis des années. Même France 2, qui aurait pu donner beaucoup d'espoir pour la série française avec des productions comme Fais pas ci, fais pas ça, sort une énième série policière : Deux flics sur les docks. Nous sommes arrivés à un stade où, quel que soit la qualité de la série, l'overdose ne nous permet plus d'accepter les copies de plats déjà réchauffés au préalable. La série policière n'est plus acceptable sur nos écrans quelle que soit sa nationalité.


On a assez soupé des trafiquants de drogues, des crimes passionnels, des règlements de comptes... Même les serials killer sont utilisés afin de donner à certaines séries un fil directeur, comme John le rouge, le tueur de la femme et de la fille du personnage principal, dans Mentalist. Tous les épisodes utilisent la même trame narrative usée jusqu'à la corde, même si les séries essaient de se diversifier. Dans Bones, on suit un médecin légiste qui étudie des cadavres n'étant plus tout frais, Dans Castle, on suit un écrivain qui suit des enquêtes afin de trouver de l'inspiration pour ses romans (comme s'ils n'y en avaient pas assez à la télévision). Toutes les histoires se déroulent de la même manière : on découvre un corps, on enquête, on interroge une panoplie de gens louches ayant tous l'air coupable, et on finit par arrêter le tueur, généralement après une course poursuite. Quelques épisodes, la plupart du temps en début ou en fin de saison, se différencies par leur ambition à faire avancer l'histoire de la série. On a donc le droit à une trame narrative différente et beaucoup plus intéressante puisqu'on est dans une position où on ne sait pas ce qui va arriver. Le grand méchant de la série est généralement invoqué. C'est souvent le tueur de la femme, des parents, des enfants ou du petit cousin au troisième degré du héros. Il a donc une relation privilégier avec le personnage principal ce qui le rend inquiétant et généralement mystérieux. C'est dommage d'avoir seulement deux ou trois épisodes de bon, pouvant nous faire vivre de vraies émotions, dans une saison de vingt-quatre épisodes.


D'autres clichés narratifs sont utilisés. Souvent, généralement dans les séries Américaines, les deux protagonistes principaux sont quasiment toujours dans une relation ambiguë. Mais nous spectateur, avec nos yeux de faucon, nous savons qu'ils s'aiment tous les deux, mais nous savons aussi que nous pourrons attendre très longtemps avant qu'une véritable histoire se mette en place, par exemple dans Castle, l'écrivain suit les enquêtes pour l’inspiration mais surtout parce qu'il est amoureux du lieutenant Kate Beckett. Les scénaristes aiment se pencher sur la vie privée de leurs personnages principaux, généralement pour leurs donner plus de relief. Les séries policières sont donc toutes les mêmes, ce sont des photocopies. Aucune originalité n'est apportée, on sait tous comment se terminent les épisodes. Cela ne procure plus les mêmes plaisirs qu'auparavant.


Les États-Unis changent, depuis quelques années, leurs productions et c'est alors que nous avons le droit à toutes sortes de séries différentes et de bonnes qualités, que ce soit les chaînes HBO avec Game of Throne ou AMC avec Breaking Bad et Walking Dead. La France n'a alors d'autres choix que s'aligner elle aussi. Heureusement, nous avions déjà quelques productions vraiment intéressantes notamment dans les séries au format court comme Kaamelott, Caméra café et pour remonter plus loin avec Un gars, une fille. Ces productions étaient originales et fonctionnaient. Cependant, nous n'avons pas vraiment eu de séries au long format, sérieuses, qui auraient fonctionné et qui auraient pu réunir le public français dans une grande majorité pour la soutenir. Aucune série bleue, blanc, rouge n'a eue un succès absolument retentissant à la manière de Breaking Bad. Aucune n'a eu le droit à un bouche à oreille national et à un succès international, ni à une campagne de promotion ahurissante.


Le jeune public, qui est le public le plus sérivore, a tout simplement honte des productions de son pays, ne disposant pas de moyens conséquents, mais surtout de scénaristes talentueux sachant retenir l'attention du spectateur. La production télévisée souffre des réputations de séries comme Julie Lescaut, Une femme d'honneur, La crim' et j'en passe. C'est-à-dire des séries où les épisodes n'ont aucun lien entre eux mise à part les personnages. Ceux-ci d'ailleurs n'évoluent pratiquement pas, n'ont pas de personnalité suscitant la curiosité. Ils sont absolument unilatéraux, inintéressants, embaument le bon sentiment et l'artificialité à plein nez.


Aujourd'hui les chaînes françaises doivent reconquérir ce public qui sera dans quelques années son public principal. Pour cela on doit se détacher de notre ancienne production et laisser place aux jeunes. Que nos producteurs fassent confiance aux projets originaux, qu'ils leurs laissent le temps de se faire un public et qu'ils ne programment pas ces productions à des horaires inaccessibles. Après quelques années de noir complet où quelques points lumineux apparaissaient de temps à autre comme Fais pas ci fais pas ça, Kaamelott ou encore Metal Hurlant Chronicles une lumière semble bel et bien s'imposer au fond de ce couloir sombre : Les Revenants.


Quatre ans après un accident de car scolaire, à l'intérieur d'une maison perdue, dans les montagnes embrumées, un papillon épinglé sous du verre remue. Alors que le son d'une orgue appuyé par celui d'une batterie augmente, l'insecte passe au travers de la vitre. Le même soir, une jeune fille, victime de l'accident, marche alors sur un barrage pour rejoindre la ville dans la vallée. Tel est le début de la série.


Les créateurs des Revenants ont le courage d'oser. Cette série impose de nouveau un genre très absent de la série française : le fantastique. Quelques séries l'avaient déjà tenté avant. Greco sur France 2 n'a pas assumé son côté fantastique et l'a donc noyé dans un genre policier absolument rébarbatif, alors que Les revenants fait totalement l'inverse. Elle noie le genre policier dans son univers surnaturel. Nous ne sommes pas ici dans un monde fantaisiste, pas d'épée lumineuse à la manière de Kaamelott, de vaisseaux spatiaux comme dans Metal Hurlant, ni de zombies issus de Walking Dead. Les revenants se déroule dans une ville absolument indéterminée située dans des montagnes. La mise en scène de la série procure à cette agglomération imaginaire une identité. Les revenants ne s'inscrit pas dans une logique franchouillarde de montrer les villes et les beaux paysages de la France, mais les utilise pour son ambiance. On nous sert ici moins d'imageries françaises, mais plus une esthétique qui seraient mieux comprise à l'international. On évite donc soigneusement les clichés. Plusieurs endroits sont des pivots de la narration comme le barrage ou l'association d'aide qui procure à la ville une identité forte et en même temps mystérieuse. On serait presque capable d'en recréer la carte, aucun lieu n'est anodin et chacun a son rôle. Puis le fait qu'aucun lien ne soit fait avec l'extérieur nous ancre profondément dans un thème fantastique, celui de la frontière infranchissable et donc de la prison. Les revenants possède aussi un élément primordial pour enrichir son ambiance : une bande originale épurée et soignée, le mariage parfait d'un piano, d'un xylophone et d'un violoncelle qui permet de souligner cette ambiance inquiétante.


La série joue sur les angoisses, les peurs profondes et non pas sur l'horreur. Il n'y a pas ici de vrais ennemis à redouter, c'est l'atmosphère, combinée aux nombreux mystères, qui provoquent une sensation de mal être. Les énigmes sont absolument prenantes et entraînent le spectateur dans un flot inarrêtable de questions au fur et à mesure des épisodes, un Lost à la française qui, espérons-le pour cette série, ne s'engouffrera pas dans le même labyrinthe scénaristique. Les mystères donnent une force à la série, celle d'avoir l'ambition de continuer. Le final de la saison 1 est entièrement ouvert. Là où d'autres séries ne se mettaient pas en danger au cas où une seconde saison ne serait pas prévue comme Fais pas ci, fais pas ça. Dans celle-ci la première saison pouvait se suffire à elle-même. Maintenant qu'elle a acquis un certain public elle se permet de finir sur une ouverture comme à la fin de la sixième saison.


Avec une série traitant de revenant, il était difficile de ne pas aborder la religion. La série évite parfaitement bien les clichés qu'ils auraient été facile d'inclure sachant qu'on traite ici de personnes mortes revenant à la vie. Les personnages religieux ne sont pas des fanatiques et les morts-vivants ne sont considérés ni comme des créatures du diable (bien qu'ils inquiètent la communauté), ni comme des élus. Les protagonistes sont ramenés à des réactions humaines qui ne sont pas dictées par un rôle social qui serait dominant. Le gendarme ne laissera pas sa fonction l’empêcher de défendre sa famille. Ces personnages qui ne sont pas encore totalement complexifiés pourront sans doute l'être lors de la seconde saison, espérons-le. La communauté est ici ce qui est remis en cause, c'est en cela aussi que la ville et la frontière jouent un rôle primordial. La plupart des personnages se connaissent entre eux et développent différentes relations avec d'autres. La série expose donc des thèmes plus profonds que le seul travail sur la psychologie des personnages qui n'auraient rien apporté et aurait été totalement ennuyeux sans toutes les complexifications qu'apporte le fantastique.


La série s'inspire aussi fortement des tendances du public aujourd'hui. Avec ses quelques scènes de sexe et ses quelques scènes un peu gore, Les revenants s'inscrit dans une continuité française au style que HBO a développé, notamment avec Rome et Game of throne, sans aller dans l'excès contrairement à cette-dernière.


Mis à part quelques défauts de scénario, qui seront peut-être corrigés dans la seconde saison, la série fonctionne parfaitement. Elle nous redonne confiance dans la production originale française. D'autres séries se joignent aussi au mouvement, malheureusement pas encore assez mises en avant comme Hero Corp, Metal Hurlant Chronicles ou encore la web-série Le visiteur du futur dont la saison 4 a été diffusée sur France 4. La photocopieuse française va enfin pouvoir prendre des vacances. C'est TF1 qui ne va pas être content.


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le 12 juin 2017

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