Le thème annoncé de la série (selon le résumé de Canalsat), deux familles que tout oppose dont les destins se croisent à un moment déterminant pour la France m'aurait fait espérer qu'elle aille un peu plus loin dans leurs portraits et que chaque personnage ne soit pas, sinon un cliché, un trope vivant.
Parce que bon entre l'arabe qui est devenu acteur célèbre qui a pris ses distances avec sa famille populaire, l'arabe ne pouvant pas vivre son homosexualité au grand jour, l'arabe qui cherche à passer pour blanche, le politicien arabe considéré comme un collabeur et détesté par beaucoup des arabes du peuple manifestement jaloux, l'arabe radicalisé car il a la rage, le jeune arabe sous emprise, les mères arabes qui ne vivent que pour leurs fils, dont celle qui passe tout à son aîné... On a un peu toutes les versions d'arabes auxquels cinéma et séries françaises nous ont habitué réunis en une seule (et qui ne compte que 6 épisodes). Et pour les autres personnages c'est pas vraiment mieux (la femme de politique qui rêverait qu'il échoue pour l'avoir tout à elle, l'ami politique "de 20 ans" se révélant ambitieux, la policière désabusée qui boit des cognac, et quelques fachos racistes dont on n'apprend pas grand chose à part qu'ils le sont...).
Et comme dirait Paul Rigouste, ça fait un taux de tropes à l'heure supérieur à ce qu'il est politiquement possible de supporter (et de "arabe" dans la description de la plupart aussi).
Ceci étant dit Le Cinéma est Politique appréciera certainement néanmoins certains aspects de cette série, lui reconnaissant le mérite d'expliquer par le racisme "systémique" voire "post-colonial", genre avoir vu un jour son père se faire taper dessus et traiter de bougnoule, ou s'être vu appelé Abdelkarim au lieu d'Albelkrim lors d'une audition (et euh... c'est à peu près tout) comment ces pauvres arabes peuvent basculer dans la radicalité la plus radicale (et vraiment vraiment radicale, vous verrez à la fin) et le tout même en vivant dans une France qui élirait un racisé à la présidence (mais voir plus haut). En résumé, une illustration pleine de nuances de ce phénomène de société qu'il faut comprendre, comme dirait Houria Boutedja.
Je suis un peu méchant, la partie à Saint-Étienne de l'intrigue, s'ouvrant comme se doit par la chanson de Lavillier, insiste aussi pas mal, via ses images, sur la misère de cette cité, mais cette thématique là ne reste que musicale et visuelle, tandis que le discours final de la série (si poignant et bien trouvé soit il) ne se consacre qu'aux questions d'identité.
Toujours est il, que ce soit au niveau de la profondeur des personnages ou de la subtilité de l'analyse sociétalo-politique, je ne puis que reconnaitre qu'il y a plus d'une raison d'être déçu, voire quelques unes d'être au bord du facepalm à l'occasion.
Alors pourquoi que j'accorde un 7 à cette série ? Déjà c'est pas un 7, mais un 6,5 arrondi, na. Ensuite ben déjà je viens de me faire les 4 derniers épisodes à la suite sans pouvoir m’arrêter, donc malgré tout, ça marche. C'est bien interprété, l'intrigue est assez prenante et les situations assez poignantes pour la classer un peu au dessus de la moyenne des séries françaises. Et enfin il y a 3 ou 4 vrais grands moments, du style à tirer une larme aux plus sensibles, voire à faire réfléchir un peu (comme le discours final).